Le Bismarck est un mythe de l’histoire navale contemporaine parce que sa traque, puis sa disparition en mai 1941 sont restées comme un tournant décisif de la Seconde Guerre mondiale, sonnant le glas des ambitions maritimes d’Hitler et redonnant espoir au Royaume-Uni, alors encore bien seul dans la guerre contre le nazisme. Si la littérature britannique est évidemment abondante sur le sujet, il faut se féliciter de la publication de cet ouvrage rédigé par un de nos spécialistes de l’histoire maritime, François-Emmanuel Brézet, lui-même ancien officier de Marine.
Le Bismarck est, au début 1941, le navire le plus récent et le plus puissant de la Kriegsmarine, conçu pour affronter notamment les cuirassés français Richelieu et Jean-Bart. Ceux-ci ayant été mis hors-jeu avec l’armistice de juin 1940, c’est bien la Royal Navy qui est alors le principal adversaire du navire allemand.
Engagé en mai dans l’opération Rheinübung en Atlantique Nord, le cuirassé allemand qui vient juste d’entrer en service est alors confronté à une traque massive de la part de l’Amirauté britannique qui y engage tous ses moyens disponibles, notamment le croiseur cuirassé Hood et le Prince of Wales. Il faut souligner ici le rôle crucial que le radar a eu dans les deux camps avec des résultats très positifs pour localiser l’ennemi, mais aussi des erreurs d’appréciation liées aux technologies encore rudimentaires.
Dans la première phase de la bataille, le Bismarck a détruit le Hood, avec la perte quasi-totale de son équipage mais l’engagement des avions torpilleurs Swordfish du porte-avions Ark Royal va endommager le gouvernail du cuirassé, l’empêchant alors de rentrer se mettre à l’abri à Brest, le port le plus proche. Dès lors, la fin tragique est inéluctable et, malgré une résistance acharnée grâce à une artillerie très performante, le 27 mai, le navire sombre, vraisemblablement sabordé, entraînant dans la mort la plus grande partie de son équipage. À peine, une centaine de marins fut récupérée.
Avec cette défaite, le temps des grandes opérations navales de surface en Atlantique s’achève, Berlin privilégiant désormais l’emploi de l’arme sous-marine à partir de l’année suivante lors de la bataille de l’Atlantique. C’est pour Londres, malgré la perte dramatique du Hood, une éclatante victoire, marquant également le rôle croissant du porte-avions. C’est aussi l’implication croissante de Washington avec le renforcement de la surveillance de l’Atlantique face aux incursions allemandes, permettant ainsi de soulager la Home Fleet, en toute discrétion politique.
Au final, voilà un livre passionnant sur une bataille navale devenue un mythe et qui rappelle également que les fortunes de guerre, comme une mauvaise météo, des avaries de combat ou le manque de réussite peuvent déjouer les meilleures planifications. Mais c’est aussi un livre riche sur le plan humain avec une approche très juste de la dimension humaine de cette traque, où plus de 3 000 marins périrent au combat en accomplissant leur devoir.