À une époque où les héros proposés par nos médias sont de pacotilles et de paillettes, il est plus que jamais nécessaire de revenir vers ceux qui, de par leur vie, ont été de vrais héros. Roland Glavany en fait indéniablement partie. Ayant dépassé les 90 printemps, et avec l’appui du journaliste Bernard Bombeau, spécialiste de l’aviation et ancien de l’hebdomadaire Air et Cosmos, le général Glavany nous offre un témoignage fort, percutant et émouvant sur notre histoire militaire et aéronautique de la deuxième moitié du XXe siècle.
Né en 1922, il est très vite fasciné par l’aviation qui va ainsi le conduire toute sa vie d’homme. Patriote intransigeant, il intègre l’École de l’Air au pire moment des vicissitudes de l’histoire, au printemps 1941. Rien que le récit de ses années de formation et de sa fuite à travers l’Espagne franquiste suffit à en faire un héros. Sa foi en la France combattante lui permet de franchir les obstacles que la défaite de 1940 a accumulés. Il participe ainsi comme jeune chef de section au sein du Bataillon de choc aux opérations de libération de la Corse – où il rencontra sa future épouse – puis au débarquement en Provence et à la campagne de France. Combattant à pied durant la guerre, il y subit de nombreuses blessures ainsi que la Légion d’honneur à 22 ans mais jamais sa passion pour l’air ne fut entamée. C’est ainsi qu’après-guerre, il va pouvoir retrouver sa carrière de pilote. Après la réussite de sa scolarité à Sup Aéro, il intègre le mythique Centre d’essais en vol (CEV) de Brétigny pour y assurer les vols d’essais. Il contribue ainsi directement à la renaissance des ailes françaises dans les années cinquante et soixante. C’est l’époque où les prototypes ne cessent de se succéder au CEV pour combler le retard accumulé en une décennie. Les avions ne sont pas tous réussis et le CEV paye un lourd tribut avec de nombreux compagnons d’armes de Glavany qui se tuèrent en vol lors des mises au point d’appareils souvent dangereux. Une des difficultés majeures résidait alors dans l’absence de systèmes de simulation et dans la faiblesse des propulseurs français manquant à la fois de puissance et de fiabilité.
Au fil des années cinquante, les progrès sont cependant indéniables et voient une rationalisation industrielle avec un constructeur qui s’impose peu à peu, Dassault. C’est alors que notre pilote-auteur va être détaché chez l’aviateur de Saint-Cloud où il va contribuer au développement de la famille des Mirage entre 1955 et 1959, avec un directeur des essais en vol prénommé Serge et fils du patron. Roland Glavany a ainsi effectué les premiers vols du Mirage I, premier delta de l’avionneur, en 1955, puis du Mirage III en 1957 et du Mirage IV en juin 1959 et qui va être la clé de voûte de la dissuasion nucléaire à partir de 1964. Il est alors le premier pilote européen à franchir le seuil symbolique de Mach 2 en octobre 1958, traduisant la renaissance des ailes militaires françaises autour des avions Mirage.
Mais Roland Glavany reste un soldat et il participe aux opérations en Algérie en assurant sur le terrain la coopération entre l’aviation et les unités de l’Armée de terre. Le contraste avec l’ambiance des essais en vol est alors saisissant et voit l’officier vétéran des combats de la Seconde Guerre mondiale se rapprocher de l’Église catholique pour répondre à ses interrogations sur l’éthique de cette guerre sans nom, où les déchirements des fidélités et des convictions se fracassèrent au tribunal de l’Histoire.
À l’issue, la fin de la carrière du désormais général Glavany est marquée notamment par son commandement des écoles de l’Armée de l’air, avec une passion intacte pour transmettre tout son savoir-faire et renforcer la qualité de la formation des nouvelles générations d’aviateurs face à la menace que constituait alors la guerre froide. Et cette générosité dans l’effort, qui a caractérisé la vie professionnelle du pilote s’est ensuite investie dans une vie associative elle-même aussi dense.
En refermant les pages de ce livre, le lecteur ne peut qu’être fier que de tels héros aient ainsi contribué d’une part, à maintenir haut la flamme française face à l’ennemi nazi et d’autre part, à restaurer les ailes françaises de l’après-guerre. C’est grâce à ces hommes-là que notre Armée de l’air de 2013, au Sahel encore récemment, mais aussi notre industrie aéronautique autour d’Airbus et de Dassault peuvent légitimement revendiquer leurs succès actuels.