Techniquement parlant, ce livre ne vaut pas tripette. Il fourmille d’incorrections. On ne se fatiguerait pas – ni le lecteur – à en parler s’il n’avait soulevé une polémique dont Le Casoar, revue des Saint-cyriens, a rendu compte, un général prenant le parti de l’auteur tandis qu’un jeune officier conteste le procès fait à notre école.
Nostalgique et teigneuse, telle se révèle Charlotte Ficat. Nostalgique, car entrant à Coëtquidan elle réalisait, dit-elle, sa vocation. Teigneuse, à la mesure de sa déception. Déçue d’abord au Prytanée militaire de La Flèche, dont elle peint un tableau dantesque, elle le fut ensuite, et définitivement, à Saint-Cyr où elle intègre la promotion 2006-2009. Écœurée, elle démissionnera en fin de troisième année.
Quelles sont les raisons de son écœurement, qu’elle dit partagé par tous ses condisciples ? La plus attendue est la misogynie, tant des cadres que des camarades. Elle eut à en souffrir particulièrement, seule fille dans sa section (la promo en comptait 16 sur un total de 170). Rien à répondre, sinon que la misogynie était ici prévisible, si l’on veut bien s’élever au-dessus de la vulgate « politiquement correcte ». On rappellera pourtant que la misogynie n’est pas où on la situe, que les féministes sont les pires ennemis des femmes voulant les rabaisser au niveau, bien médiocre, des hommes et que la mixité adolescente, les choses étant ce qu’elles sont, favorise les explosions incontrôlables. Autre raison de la rancœur de « Ficat » : l’officier de caste tient dans l’Armée de terre le haut du pavé, aristo, conservateur, militaire de père en fils, raciste, contempteur des métiers de commerce. Autre encore : la rivalité impitoyable entre élèves, où triche et lèche sont monnaie courante et dont les filles sont les victimes privilégiées. Autre enfin : la soumission à des règles absurdes, l’astreinte à des travaux de propreté jugés « déshonorants », l’attente aussi, caractère certes le plus constant de la vie militaire et que Tolstoï, avant Buzzati, a si joliment célébré. Il est vrai qu’à l’en croire, Charlotte était entourée de méchants. Méchants cadres, méchants camarades, méchantes filles même, nul n’échappe à sa furie vengeresse.
J’entends déjà l’auteur se récrier. Elle rappellera qu’elle porte sur le bizutage un jugement très positif, qu’elle se félicite des occasions offertes au dépassement de soi, qu’elle apprécie les os, les plumes, les défilés exaltants. En son épilogue Pandore, effrayée de son audace, fait amende honorable.