L’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), haut lieu de la formation et de la réflexion stratégique française, est également un acteur essentiel pour la valorisation de recherche stratégique en France, grâce notamment au soutien financier et à l’encadrement académique de doctorants en sciences sociales.
À l’initiative de son directeur, le général de corps d’armée Jean-Marc Duquesne, une douzaine de jeunes chercheurs a analysé et porté un regard critique, en termes scientifiques, sur le LBDSN publié en 2013, une année après l’élection du Président de la République. Le paradoxe est que le Livre blanc, bien que récent, semble déjà faire l’objet d’un manque d’intérêt au regard des discussions très tendues sur la Loi de programmation militaire (LPM 2014-2019) et la récente remise en cause de celle-ci par Bercy où certains estiment devoir ramener le taux du PIB consacré à la défense à 1 %, sans aucune analyse stratégique. Certes, cette discussion est essentielle pour les Armées et les industries de défense, dans la mesure où l’équation budgétaire reste la mère de toutes les batailles.
Mais il est également nécessaire de revenir au LBDSN pour mieux en saisir les objectifs, mais aussi les contradictions et les lacunes, avec des choix souvent effectués par défaut. C’est le mérite de cet excellent ouvrage coordonné et dirigé par le lieutenant-colonel Charlier, docteur en droit et chef des études, également chercheuse dans le champ stratégique.
Sous une présentation très soignée, préfacée par le GCA Duquesne, les douze études se répartissent en trois parties, portant sur les doctrines et les engagements, les ressources face aux menaces et enfin les horizons stratégiques. La démarche ne se veut pas exhaustive mais permet d’aborder de façon originale les analyses et les conclusions du LBDSN. Le risque face à une pandémie ou la question de la sécurité énergétique sont ainsi des exemples de ces approches très pertinentes sur des sujets essentiels mais rarement traités y compris dans les revues stratégiques.
Par ailleurs, l’intérêt de ces études est de refuser la langue de bois, notamment sur la réalité du déclin stratégique français et européen face, en particulier, à la zone Asie-Pacifique et à la pénétration chinoise en Afrique, qui vient frontalement heurter certaines de nos positions trop souvent vécues comme des rentes de situation.
Au final, ce livre est une illustration vivifiante de la qualité de notre recherche stratégique avec nos jeunes chercheurs. Et de fait, il serait judicieux que l’IHEDN reconduise cette étude d’ici 2017, permettant ainsi de dresser un bilan percutant entre le « vouloir » exprimé par le Livre blanc et le « pouvoir » conditionné par la réalité des finances publiques de la France.