Spécialistes du Moyen-Orient, les grands reporters Christian Chesnot à France Inter et Georges Malbrunot au Figaro, ont publié plusieurs ouvrages sur l’Irak, Al-Qaïda et le conflit israélo-palestinien. Dans celui-ci, ils établissent, appellation de leur sous-titre, « Le dossier noir de la relation franco-syrienne ».
Préfacé par le général Philippe Rondot, auteur d’un « Que Sais-Je ? » sur la Syrie, leur ouvrage puise aux meilleures sources diplomatiques tant en France (Élysée, Quai d’Orsay) qu’en Syrie ou au Liban. C’est donc une enquête minutieuse qui nous est donnée à lire sur les relations bien passionnelles que n’ont jamais cessé d’entretenir l’ancienne puissance, la mandatrice et la Syrie. Ce ne semble avoir été qu’une succession de courtes lunes de miel auxquelles ont succédé des longues périodes d’incompréhensions vite transformées en haine.
La part de l’affect n’a jamais été absente. Plus encore, il a profondément joué sur les relations franco-syriennes : Jacques Chirac, n’a jamais pardonné au régime baasiste, d’avoir été à l’origine de l’assassinat de son ami Rafic Hariri : « La Syrie ne rendra gorge que si on lui fait peur et si on lui fait mal ». Nicolas Sarkozy, ayant pris conscience du rôle de la Syrie sur le plan international, renoua avec Bachar el-Assad, qui participa au Sommet de l’Union pour la Méditerranée, organisé en grande pompe les 13 et 14 juillet 2008. Cette reprise des contacts à haut niveau entre Paris et Damas, facilitée par le Qatar et avec des grands contrats en arrière-fond fut brisée par le mouvement de révolte surgi en mars 2011, qui d’emblée recueillit la sympathie de la France, sans nul doute désireuse de ne pas répéter les erreurs de jugement qu’elle avait commises à l’égard des événements de Tunis et du Caire.
Comment se fait-il que la France, qui ne manquait pas d’experts, de liens, d’anciens ambassadeurs chevronnés se soit plu à croire que le régime de Assad allait également être balayé par la rue. La France conçut, surtout à partir de l’été 2012, une véritable haine à l’égard du régime syrien : même si cette appréciation paraît excessive, elle dessine bien le chemin que se sont tracé l’Élysée et le Quai d’Orsay. L’émotion a le plus souvent inspiré nos relations avec le monstre froid syrien, concluent les auteurs. Or, les Syriens nous connaissent mieux que nous ne les connaissons. La France a également cru l’opposition plus forte qu’elle n’était tout en lui prodiguant promesses qu’elle n’a pas tenues (livraisons d’armes notamment).
Dès le printemps 2012, les Américains ont repéré la formation d’un « axe djihadiste » reliant Fallouja en Irak à Tripoli au Nord-Liban en passant par le Nord de la Syrie. Sur le plan diplomatique, la clé de la solution passait par Moscou et Téhéran, leviers que Paris n’a jamais songé à entretenir. Le cours des événements est allé très vite. Mais peut-on croire pourtant qu’il aurait été encore possible de « raisonner » Bachar el-Assad, pour le conduire à réaliser les réformes qu’il n’avait pas réalisées au milieu des années 2000 ? Les chemins de Damas sont tortueux et semés de bien d’embûches, mais ils se mêlent aux autres chemins qui courent de Washington à Téhéran, en passant par Moscou, sans parler de Ryad, Doha, Le Caire ou Ankara et Bagdad.