À l’heure où les zones de guerre et les foyers d’insécurités explosent partout dans le monde – aussi bien au Proche et au Moyen-Orient, au Sahel, en mer de Chine où des regains de tensions ont été observés, ou encore en Crimée – l’Armée française demeure présente sur tous les fronts pour faire face à la montée des dangers.
Les seules opérations – Barkhane (Sahel), Chammal (Irak), Harpie (Guyane) ou Atlante (piraterie) sans oublier Sentinelle (Vigipirate) – illustrent l’engagement total de nos forces contre les menaces qui pèsent sur notre territoire.
C’est ainsi que le général d’armée Gilbert Forray fige le tableau des risques géostratégiques existants. L’énumération empirique des arsenaux militaires, des grandes et moyennes puissances de la planète, nous rappelle la dure réalité du « spectre » de la guerre. En tirant la sonnette d’alarme, l’auteur dresse le constat inquiétant de la pente descendante empruntée par la défense française. En étudiant les Livres blancs de 1972, 1994 et 2008, puis en faisant l’exégèse de celui de 2013 et enfin de la prospective de la LPM de 2014-2019, le général Forray tente d’avertir du risque de déclassement stratégique de la France si aucun effort financier n’est réalisé.
L’auteur démontre, non sans élégance, les lourdeurs, la redondance et parfois la platitude, des différentes LPM et Livres blancs successifs, tous rédigés principalement par des technocrates et sous la censure permanente de Bercy. La critique est dure mais réaliste. Les enjeux stratégiques sont connus. C’est bel et bien de la souveraineté de la France dont il est question, qui rappelons-le, détient un siège permanent comme membre du Conseil de sécurité des Nations unies et qui doit continuer à lutter pour maintenir son rang. Nous ne nous priverons pas de remarquer la similitude entre la situation actuelle, qui observe une diminution constante des ressources allouées à l’institution militaire alors que les menaces croissent, et les choix politiques semblables, qui ont pu être pris par les pouvoirs publics pendant l’entre-deux-guerres. À moyen terme, on sait ce qu’il en est advenu.
Dans une situation économique certes difficile, qu’il ne s’agit pas de nier, l’auteur défend une vision stratégique à long terme et s’oppose à une vision politique comptable de la défense à court terme, que l’on pourrait qualifier, osons l’expression, de choix politiques, pour certains du moins, électoralistes.
En effet, il est juste de rappeler qu’aucun autre ministère régalien n’a jamais subi de réformes structurelles de l’envergure de celles subies par la Défense. Celle-ci semble à la fois trop docile et trop bien disciplinée, et peine véritablement à susciter l’émoi médiatique. Sur le seul portefeuille de la Défense, ce sont 54 000 emplois qui ont déjà été supprimés dans le cadre de la LPM précédente (2008-2014) alors que 33 675 suppressions de postes sont encore à venir dans le cadre de la LPM actuelle. L’Élysée, en réaction aux attentats de janvier, s’est engagé à freiner la fonte des effectifs de 7 500 postes sur la période initialement prévue. Le président de la République a déclaré, lors de ses vœux aux armées, sanctuariser les 31,4 milliards d’euros alloués au budget de la Défense. L’évolution des menaces internationales laissent-elles vraiment le choix à nos décideurs politiques de faire autrement ?
Les commentateurs médiatiques, altermondialistes, et idéologues pacifistes, calomnieront, assurément, l’essai du général Forray de corporatiste et s’illustreront à nouveau par leur naïveté viscéralement dogmatique.
Derrière ce plaidoyer pour un nouveau visage de la défense se cache aussi un hommage vibrant envers le professionnalisme des hommes et des femmes qui ont contribué au savoir faire militaire tricolore, chaque fois que la France a vu ses armes engagées et dont le courage et leur adaptabilité, malgré une diminution chronique des moyens, n’auront jamais fini d’être loués.
C’est afin d’éviter le déclassement et la perte de la souveraineté nationale que l’auteur, sans pessimisme, se dresse contre la pusillanimité politique et appelle à un changement de cap stratégique.