Correspondante des journaux Le Soir, Le Temps et Ouest-France, Valérie Hirsch qui vit en Afrique du Sud depuis 1966, coordonne également le projet de parrainage Sizanani de jeunes du township d’Alexandra à Johannesburg. Elle fait partager à ses lecteurs l’énergie vibrante de cette jeune démocratie, qui s’invente une vie en commun et bouillonne de créativité, comme en témoigne les artistes qu’elle présente au fil des pages.
À l’issue du scrutin historique de 1994, remporté par l’ANC (62 % des voix), les Sud-Africains ont adopté la Constitution la plus progressiste du monde. Mais l’illusion n’a pas duré. L’Afrique du Sud est devenue un pays « normal », avec ses succès et ses échecs, comme la politique irresponsable de l’ancien président Mbeki dans le domaine du Sida, jusqu’en 1994 en privant 5 millions de séropositifs de l’accès aux antirétroviraux. L’idéal de justice sociale est contredit chaque jour par la corruption, l’enrichissement éclair des Black Diamonds (millionnaires noirs), la défaillance des services publics, notamment dans le domaine de la santé et de l’éducation. Même si la pauvreté a diminué et que la classe moyenne est plus nombreuse que la bourgeoisie blanche, le pays reste l’un des plus inégalitaires au monde. Phénomène lié à la globalisation, les disparités sociales se sont accrues depuis la fin de l’Apartheid. La croissance économique qui plafonne à moins de 2 % est trop faible pour diminuer le chômage record de 30 % qui frappe la population. En dépit de la construction de près de 3 millions de maisons pour les pauvres, 1 Sud-Africain sur 10 vit toujours dans un bidonville. Tout ceci explique le maintien d’une forte criminalité, les émeutes fréquentes dans les townships et les grèves intermittentes dans les mines (34 mineurs tués en août 2012 à Marikana).
L’Afrique du Sud reste l’un des pays en paix les plus violents du monde. Pourtant le pays bouge, innove, avance et crée dans tous les domaines. Les jeunes issus des townships ont dû s’adapter à la culture européenne de l’université. Si les Afrikaners se sont détournés de la politique depuis qu’ils ont perdu le pouvoir, ils affichent par contre, une extraordinaire vitalité, dans le domaine culturel, notamment en musique et en littérature. Quoique depuis la parution de ce livre, on a assisté à une victoire de l’opposition à l’ANC dans la province du Cap. L’Afrique du Sud, qui se voulait le leader de l’Afrique, a porté son ancienne ministre des Affaires étrangères, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, à la tête de la Commission de l’Union africaine contre le candidat soutenu par la France, le Gabonais Jean Ping. Mais elle a commis des erreurs d’appréciation en Côte d’Ivoire en soutenant Laurent Gbabo, ou en RCA où treize soldats sud-africains venus soutenir l’ancien chef d’État François Bozizé ont été tués en 2013.
L’Afrique du Sud qui n’est plus, depuis 2014, la première puissance africaine (Nigeria), reste l’un des leaders incontestés du continent. Mais ce membre des BRIC et de l’IBA (Inde, Brésil, Afrique du Sud) deviendra-t-il, un jour, avec ses deux partenaires, membre permanent du Conseil de sécurité ?