Les événements tragiques du début de l’année 2015 ont rappelé douloureusement aux Français la dure réalité des menaces qui pèsent à l’encontre de notre territoire national. Ces événements, glaçants et insupportables pour la communauté nationale – en attestent les rassemblements populaires spontanés de milliers de personnes qui ont suivi les attentats de janvier – ont remis au cœur du débat public l’idée du rétablissement éventuel d’un service national.
Au moment même où cette question resurgit au sein de la société, François Cailleteau nous dévoile son ouvrage qui retrace, grâce à un travail méticuleux – dont le nombre de données chiffrées et de précisions apportées impressionne – la disparition programmée de la conscription depuis la fin de la guerre d’Algérie, dernière guerre ayant vu l’appel du contingent français, jusqu’à la décision, quasi discrétionnaire du président Jacques Chirac, d’y mettre fin au tout début de son premier mandat présidentiel.
À la fois témoin et acteur des réformes de la conscription, l’auteur ne cache ni son parti pris en faveur de sa disparition, ni son engagement pour le passage vers une armée professionnelle.
Ce qui est frappant de prime abord, c’est le recadrage systématique effectué par l’auteur entre certaines idées préfabriquées relatives à la conscription, et la véracité des faits historiques. En effet, tout au long de l’ouvrage, un grand nombre d’idées reçues sur la conscription – hissées pour certaines d’entre elles au rang de mythe national dans l’imaginaire collectif, comme par exemple les conséquences directes du service national sur la ferveur patriotique – sont décousues systématiquement par l’auteur, appuyant ainsi sa marque et dessinant son style.
Ce récit chronologique, plein de subtilités historiques, relate sur quatre décennies la lente disparition d’une véritable institution à l’aune des changements sociétaux et internationaux. Rappelons qu’en 1962, 600 000 jeunes français étaient appelés sous les drapeaux pour un service de dix-huit mois, contre 200 000 appelés en 1995 pour un service d’une durée de dix mois.
Alors que la professionnalisation des armées vient d’être achevée, une institution disparue il y a vingt ans raisonne à nouveau en plein cœur de l’actualité. La crise économique, l’augmentation de la délinquance, les actes de violence, et surtout le primat de l’individualisme sur le collectif, hérité de l’idéologie bien pensante post soixante-huitarde, aujourd’hui poussée à son paroxysme, corrobore la thèse du délitement de la cohésion nationale. Certaines voix, de tous bords politiques, appellent ainsi au retour d’une démocratie aristotélicienne, où le service national exalterait les vertus civiques et renforcerait le cadre républicain. En écho aux problématiques contemporaines, François Cailleteau, fort de sa longue expérience passée au service des armées, et par un argumentaire étoffé, rompt avec les schémas simplistes, qui voudraient voir dans un retour de la conscription d’antan le remède à tous les maux de la société.