Paul de Dekker, juriste, politologue et ethnologue, d’origine belge, a commencé sa carrière en Nouvelle-Zélande, avant de s’installer en Nouvelle-Calédonie, où il fut l’un des fondateurs de l’école océanienne, approche pluridisciplinaire des sociétés insulaires, dont il avait entrepris l’étude approfondie.
En traduisant et surtout en commentant ce récit d’une des plus célèbres mutineries de l’histoire de la marine, il introduit son lecteur dans un univers à la fois proche et lointain : celui des vastes étendues marines, des horizons sans fin, de ces myriades d’îles jetées sur les flots, de ces insulaires aux coutumes restées vivaces, adonnés au culte des « big men ». Une épopée dans le sens entier du terme.
L’officier William Bligh, âgé de 33 ans, reçut le commandement d’un navire de Sa Majesté Britannique : La Bounty. Il appareille le 23 décembre 1787 du port de Spithead (Angleterre) avec un équipage de 44 officiers et matelots ainsi que deux jardiniers dont la mission était de recueillir des plants d’arbres à pain à Tahiti et de les transporter aux Antilles anglaises, afin d’obtenir une nourriture abondante pour les esclaves. Ne parvenant pas à dépasser le Cap Horn pour raison d’intempéries malgré un mois d’efforts, La Bounty repart en sens inverse pour passer par le Cap de Bonne-Espérance. Ils arrivent à Tahiti fin octobre 1788, à la mauvaise saison pour effectuer la mise en pot des boutures. Il convient de patienter. L’équipage bénéficie des délices de Tahiti, terre de douceur et d’abondance tant vantée par Bougainville. C’est en avril 1789, avec ses quelque 1 015 plants d’arbres à pain, que La Bounty quitte Tahiti. Mais intempéries, détours, retards et fermeté du capitaine, tout ceci contribue à la violente mutinerie du retour. En face d’une île de Tonga, le 28 avril se déroule la mutinerie dirigée par Fletcher Christian. Bligh et 17 marins qui lui sont restés fidèles sont mis dans une chaloupe de 7,50 mètres. Ils parcoururent plus de 5 800 kilomètres avant d’arriver à Timor au prix de souffrances inimaginables, bravant à plusieurs reprises les dangereux anthropophages, des îles Fidji ou de Papouasie. Cette expédition devint une épopée dramatique et quasi-romanesque.
Bligh passe devant une cour martiale et fut acquitté. Fletcher Christian et les mutins revinrent à Tahiti ; ils y retrouvèrent leur vahiné qu’ils emmenèrent avec eux à Pitcairn où ils trouvèrent refuge. Leurs descendants vivent toujours sur cette entité territoriale, peuplée que de 47 habitants, une des plus reculées du globe, dernière possession de la Grande-Bretagne dans le Pacifique.