Ancien ambassadeur au Caire et aux Nations unies à New York, Alain Dejammet, a bien connu Boutros Boutros-Ghali, dans ces deux villes et à Paris, lorsque celui-ci, n’ayant pas obtenu sa réélection au poste de Secrétaire général de l’ONU, en raison de l’opposition des États-Unis, auxquels il tint tête, devint Secrétaire général de la Francophonie.
Boutros-Ghali qui n’a jamais camouflé les faits, servit de bouc émissaire commode, à propos de différentes crises qui ont essaimé son mandat : Bosnie, Somalie, Cambodge, Rwanda. Quoi qu’il en soit ces cinq années de 1992 à 1996 furent pour longtemps les plus intenses de celles que vécurent les Nations unies. En fin connaisseur des arcanes onusiens, Alain Dejammet n’a pas son pareil pour en décrire les multiples intrigues, le jeu des puissances, le sabir des textes, et rapports, dont il décode les sous-entendus, tel un plongeur de perles à la recherche des joyaux perdus et les rend compréhensibles aux profanes. On dit que l’UE est loin des citoyens, mais il en est de même de l’ONU, où dans la maison de verre sur les bords de l’Hudson se pratique une langue pour initiés. Ce sont les pages les plus exaltantes de ce livre riche et instructif, qui vaut bien un traité portant sur les organisations internationales.
C’est donc la riche histoire de cet homme que le diplomate français, retrace avec vivacité de plume, acuité du regard, visible sympathie qui n’exclut pas quelques pointes d’ironie, voire de légère critique bien indulgente. Car la personnalité de Boutros-Ghali, est fort attachante. L’ayant rencontré en mars 1979 au Caire au lendemain de la signature de l’accord de paix avec Israël, je puis en témoigner. Autre confidence, en poste au Mexique où il s’est rendu en voyage officiel en 1987 je lui ai remis un exemplaire de mon ouvrage sur le Non-alignement et le nouvel ordre mondial, sachant qu’il avait écrit à Paris un livre sur Les pays non engagés. Quel ne fut pas mon étonnement lorsque le lendemain matin, il m’a fait remettre une lettre manuscrite avec toutes ses observations. Alain Dejammet remonte à l’enfance « dorée » au Caire, aux années d’étudiants à Paris en 1950, le professorat, l’époque de son exil en France. En fait c’est l’histoire de plusieurs vies, car Boutros-Ghali, fut tour à tour ou tout à la fois, professeur, diplomate, ministre, chef d’organisations internationales, toujours avide de rencontres, de lectures, de débats, témoin et acteur des bouleversements de la scène internationale depuis l’après-guerre. Le Secrétaire général des Nations unies n’a pas manqué à l’appel, ni failli à sa tâche, l’ancien ministre chargé des Affaires étrangères n’a pas manqué de courage lors qu’il fallait en 1979 se réconcilier avec Israël, selon le vœu du président Anouar El Sadate. À l’ONU, il lança un ambitieux agenda pour la paix et essaya de conférer à l’ONU un rôle d’éveilleur, de conciliateur et de garant de la paix et de la sécurité internationale. À la Francophonie, il s’est livré à un nomadisme politico-culturel et s’est efforcé de « moraliser la mondialisation ». Descendant d’un ancien Premier ministre, Boutros-Ghali Pacha, qui accéda à ce poste en 1908, né en novembre 1922. Boutros Boutros-Ghali fait figure de sage et de lettré dans la lignée de la tradition chevaleresque des Arabes.