Aujourd’hui, évoquer Solférino fait d’abord référence à une célèbre rue du VIIe arrondissement de Paris plutôt qu’à la bataille remportée par l’empereur Napoléon III face aux armées de l’Empire austro-hongrois commandées par l’empereur François-Joseph. Or, cette bataille a été essentielle dans le processus de constitution de l’Europe contemporaine en permettant notamment une première étape de l’unification italienne.
C’est aussi l’apogée du Second Empire, avant que l’expansionnisme prussien, voulu par le chancelier Bismarck, ne vienne déstabiliser cet équilibre européen issu du congrès de Vienne.
Pierre Pélissier, auteur de nombreux ouvrages d’histoire militaire, évoque donc cette bataille qui vit environ 300 000 soldats s’affronter l’espace d’une journée et qui fit environ 40 000 victimes tuées ou blessées. Ce taux de pertes est cependant inférieur à celui d’autres batailles notamment en Crimée ou durant la guerre de Sécession mais frappa les esprits en raison de l’absence de réelles capacités sanitaires.
Les causes de cet affrontement sanglant sont d’abord l’attachement de Napoléon III au principe des nationalités, si structurant en ce XIXe siècle et à la volonté partagée avec le Royaume de Piémont-Sardaigne d’obtenir l’unité italienne au détriment de Vienne. Les discussions secrètes entre Cavour, le Premier ministre du Roi Victor-Emmanuel et Napoléon III ont été longues mais aboutirent à cet engagement militaire majeur, avec cependant beaucoup d’improvisation notamment dans le champ logistique.
Au-delà de la description de la bataille elle-même, il faut retenir la valeur guerrière des soldats français tout particulièrement. Celle-ci a d’ailleurs permis d’obtenir la différence sur le terrain, donnant a posteriori un sentiment de supériorité à l’armée impériale et qui lui fut fatal en 1870 face à la Prusse, grâce en particulier à un commandement formé à la Kriegsakademie très efficace.
L’intensité des combats fut particulièrement forte avec un nombre élevé de victimes, principalement par armes à feu (fusils et canons rayés) plus que par des duels à l’arme blanche. Cet aspect nouveau fait de la campagne d’Italie un tournant préfigurant les débuts de la guerre moderne avec les progrès de l’artillerie, l’emploi du chemin de fer pour acheminer les troupes depuis la France et du télégraphe pour communiquer avec l’arrière et notamment l’impératrice Eugénie assurant la régence à Paris. Sur le plan tactique, cependant, il n’y a pas eu d’innovations majeures et les schémas d’emploi restèrent basés sur ceux mis en œuvre un demi-siècle plus tôt par Napoléon lui-même.
Les conséquences de la victoire de Solférino furent nombreuses dont tout d’abord le rattachement de la Savoie et du Comté de Nice à la France, dernière extension territoriale d’ampleur. C’est aussi le début de l’unification de l’Italie sous la tutelle du Roi Victor-Emmanuel avec cependant un obstacle majeur qui ne sera levé qu’en 1871 – avec la défaite française – et qui est la Papauté, défendant bec et ongles ses États autour de la Ville éternelle. Le refus français de remettre en cause la souveraineté papale se traduira d’ailleurs par une méfiance croissante de l’Italie envers Paris.
Il n’en demeure pas moins que Solférino a été une étape cruciale et décisive pour le processus national italien.
L’autre aspect de cette bataille, et souvent le plus connu, a été la création dans les années qui suivirent, de la Croix-Rouge internationale, sous l’impulsion du Suisse Henri Dunant. Il est présent à Solférino, ayant au départ l’ambition de rencontrer Napoléon III pour ses propres affaires. Face à l’ampleur des pertes et des souffrances des blessés, aggravées par les conditions de chaleur, de témoin, il se transforme en acteur humanitaire pour aider et soigner les victimes. Il faut ici souligner qu’il y eut une mobilisation collective de la population pour participer aux secours et la mise en commun – partielle – des capacités médicales des services de santé des armées des deux camps pour répondre aux besoins chirurgicaux. De retour en Suisse, Henri Dunant développa son initiative qui aboutit le 12 août 1864 par l’établissement du Comité international de la Croix-Rouge.
La bataille de Solférino méritait donc d’être mieux connue tant ce moment guerrier a conditionné une partie de notre histoire, avec paradoxalement un impact extérieur plus important et des conséquences – unité italienne et Croix-Rouge – qui perdurent encore aujourd’hui.