Le Japon est entré en guerre dès septembre 1931, lorsqu’à la suite de l’incident de Mandchourie (incident sur une portion du chemin de fer de Mandchourie du Sud placé sous sa surveillance), ses troupes stationnées en Corée, annexée depuis 1910, traversèrent la frontière pour venir en renfort aux gardes de la voie ferrée.
L’engrenage était enclenché : 1932, création de l’État vassal du Mandchoukouo ; juillet 1937, incident du pont Marco Polo qui marqua le début de la guerre sino-japonaise, émaillée de divers épisodes comme le « massacre de Nankin », environ 200 000 morts ; attaque de Pearl Harbour du 7 décembre 1941 qui ouvrit la bataille du Pacifique, qui s’arrêta par la capitulation du Japon du 15 août 1945.
Environ 3 millions de Japonais sont morts au cours de ces années quasi ininterrompues de conflit dont 300 000 en Chine, dans un conflit qui embrasa une partie du globe, d’Hawaï à l’Inde, de l’Alaska à l’Australie, causant la mort de millions de personnes en Chine, en Asie du Sud-Est et dans les îles du Pacifique.
Pourtant nous savons peu de chose de la guerre du Japon écrivent les auteurs qui ont cherché à en savoir plus en recueillant des dizaines de témoignages, en se plongeant dans les diverses archives. Il en résulte un récit différent d’une certaine histoire officielle, voire aseptisée. Pour la plupart des participants à ces guerres, encore en vie, la guerre leur était « arrivée » comme un cataclysme naturel, et elle n’avait nullement été « faite » par eux. Tous ces gens avaient vécu ces années comme les plus intenses de leur vie, mais souhaitaient que ce qu’ils avaient vécu pendant la guerre tombe définitivement dans l’oubli. C’est certainement l’une des causes de la faiblesse du repentir du Japon actuel à l’égard de ses anciennes victimes. Les responsables japonais hésitent à recouvrir ces souvenirs auxquels le peuple veut échapper.
Il ressort clairement de tous ces témoignages recueillis avec une infinie patience que la responsabilité de cette guerre n’est pas établie dans l’esprit de nombreux Japonais. Après la défaite du Japon, cette question de la responsabilité fut vite éludée. Quelques dirigeants et militaires japonais ont été exécutés pour avoir fomenté une « guerre d’agression » et couvert et encouragé des crimes de guerre ; mais on s’en tint là. Les millions de Japonais qui avaient soutenu jusqu’au bout le régime voulurent se plonger dans l’oubli ; la question de la culpabilité impériale demeura largement inexplorée.
Cet ouvrage livre un autre enseignement : alors que le Japon est souvent présenté comme une nation fanatique, suicidaire, soudée dans un seul but par leur Empereur, accablée par une force suprême, l’image qui en sort est plutôt celle d’individus errant au milieu d’interminables scènes d’horreurs. Cette mémoire de la guerre, livre ainsi bien des enseignements sur la conduite des opérations, sur les kamikazes (vent divin) dont les derniers représentants ont rendu à se démarquer tout à fait de Daesh, avec les termes clefs de cette période (mort honorable pour le salut du pays et les enfants de l’Empereur), mais aussi avec toute la politique pacifiste du Japon de l’après-guerre qui ne vient que récemment d’être remise partiellement en cause par Shinzo Abe en réinterprétant de manière extensive l’article 9 de la Constitution qui prohibe à jamais l’usage de la guerre.