Né à New York en 1955, normalien, énarque, Renaud Girard, correspondant de guerre au Figaro depuis 1984, a couvert pratiquement tous les conflits des trente dernières années (Afghanistan, Bosnie, Cambodge, Colombie, Croatie, Gaza, Haïti, Irak, Kosovo, Libye, Rwanda, Somalie, Syrie, Ukraine…). Il a aussi traité les grandes crises internationales, diplomatiques, économiques, financières.
Depuis 2013, il tient, tous les mardis, la chronique internationale du Figaro. Il incarne le retour au réalisme, la Realpolitik, inauguré par Bismarck, dont Henry Kissinger fut un des derniers grands architectes, en diplomatie. En 2014, le Grand prix de la presse internationale lui a été décerné.
Notre monde contemporain est profondément marqué par les conflits, qui prennent des formes nouvelles, multiples. Crise ukrainienne, où fleurit une nouvelle forme de guerre (hybride), guerre civile en Syrie, rare enchevêtrement de conflits où une bonne demi-douzaine, au moins, de protagonistes s’affronte sur le terrain, s’y mêle guerre froide entre Iran et pétromonarchies du Golfe, attaques terroristes islamistes, guerre économique, affrontement des volontés entre Moscou et l’Occident ; Renaud Girard décrypte ces bouleversements avec indépendance d’esprit et expertise stratégique. 50 chroniques, agrémentées de repères historiques, de chronologies et de cartes pour revivre les événements majeurs depuis janvier 2014 et comprendre les enjeux géopolitiques d’aujourd’hui. Pour tenter d’y voir plus clair dans ce panorama militaro-stratégique, il analyse plusieurs types de guerre, enrichissant ainsi la distinction ternaire classique de Raymond Aron qui différenciait la guerre nucléaire, la guerre classique, la guerre interétatique et la guerre des partisans.
• Il y ajoute la guerre « impérialiste », lorsque l’État militaire le plus puissant aspire mécaniquement à prolonger sa puissance par un empire. Il classe dans cette catégorie la guerre américaine en Irak en 2003, et celle lancée par Vladimir Poutine au Donbass. Recherche de l’hégémonie dans un cas, refus de perdre sa zone d’influence, voilà en effet des manifestations de puissance.
• Le deuxième type de guerre, est la guerre d’ingérence, pour « protéger » les populations civiles. Une semi-guerre coloniale qui ne dit pas son nom. Il s’agit là, en vérité, d’une catégorie forte répandue de la Libye au Mali.
• Le troisième type de conflit est l’usage de la contrainte par le droit ou la guerre économique. Chacun garde en mémoire la jurisprudence BNP-Paribas. Mais cette forme de conflit ou plutôt de coercition, n’est guère nouvelle. Le premier embargo pétrolier n’a-t-il pas été mis en œuvre par les États-Unis à l’encontre du Japon impérial en juillet 1941, ce qui a conduit à Pearl Harbor.
• Le quatrième type de guerre est la guerre froide, « où l’on ne se tue pas, où l’on ne se parle pas, où l’on ne se combat que par des vassaux interposés ». Voilà que l’expression que l’on croyait avoir disparu des radars, depuis la « nouvelle pensée » de Gorbatchev, en 1987, resurgit pour qualifier à nouveau les rapports entre Russie et Otan, comme entre Arabie saoudite et Iran. Comment dans ce cas qualifier l’affrontement pluri-décennal qui oppose l’Inde au Pakistan ?
• Aujourd’hui, la forme de guerre la plus répandue est la guerre civile, ou « interétatique », traditionnellement la forme la plus atroce des guerres. Mais, là aussi, la définition de la guerre civile paraît souple. Les conflits européens, entre 1914 et 1945 n’ont-ils pas été qualifiés de guerre civile européenne ?
• La guerre de religion est la sixième forme de guerre : elle tient de la catégorie précédente, tout en étant plus large.
• La dernière forme de guerre est la guerre nucléaire, celle qu’on ne fait pas, conclut Renaud Girard. Encore que les menaces de guerre nucléaire limitée aient ressurgi récemment.
En fait, il y un continuum entre ces différentes formes de guerre, à l’exception de l’ultime montée aux extrêmes. Ces différentes faces de la guerre contemporaine ont toutes en commun d’effacer les frontières des États les plus fragiles. Pourtant, le subtil observateur qu’est Renaud Girard, ne sombre pas dans le pessimisme, puisqu’il constate que, très heureusement, le dialogue l’emporte sur l’anathème dans les rapports entre les nations d’aujourd’hui. On l’a vu avec l’accord nucléaire iranien, dont les négociations ont duré douze ans. On le verra avec l’accord de paix entre le gouvernement colombien et les FARC, qui devrait mettre fin à 50 ans d’affrontement. Il achève son périple mondial par l’Accord de Paris sur le climat, du 12 décembre 2015, incontestablement l’une des rares, mais très méritoire victoire de la diplomatie française. Négocier, négocier tout le temps et en permanence disaient les Sages. Que n’applique-t-on pas cette maxime avisée ? En nous conduisant sur tous les points chauds de la planète, mais surtout en Afrique et en Eurasie, en nous introduisant au cœur de bien des négociations, des conflits, des guerres des affrontements, Renaud Girard, avec son sens de la formule et sa concision à la romaine nous éclaire de son savoir, nous guide de sa sagesse et nous stimule par son courage intellectuel. Aux politiques, aux diplomates, aux militaires de mettre en musique ses sages prescriptions.