Ainsi en va-t-il du couple ou du tandem franco-allemand : il pousse mécaniquement Paris et Berlin à se concerter en permanence, à agir ensemble, à avancer des propositions qui font progresser l’Union européenne. Cette attraction ne dépend ni de la couleur politique des dirigeants des deux pays, ni de leur âge (Jacques Chirac aurait pu être le père d’Angela Merkel), ni bien sûr de leur sexe.
Encore que l’on n’ait jamais vu de femmes dirigeantes suprêmes des deux pays à la fois. À compter de la crise économique et financière de 2009-2010, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel formèrent le Merkozy et la chancelière refusa de recevoir à Berlin le candidat Hollande. En 2012, lorsque ce dernier accède à l’Élysée tout semble les opposer. Président se voulant « normal » adepte de la « synthèse », François Hollande avait promis de remettre en cause la politique de rigueur européenne menée par sa voisine, donc de ne pas ratifier le Pacte de stabilité et de croissance qui formait l’alpha et l’oméga pour Berlin et son grand argentier, le très francophile Wolfgang Schäuble.
Angela Merkel, dite « Mutti », est la Mère de la nation, connue pour sa prudence, son réalisme, voire son intransigeance. Des mois durant, alors que le marasme économique français préoccupe Berlin, les deux personnages se sont affrontés, puis progressivement rapprochés pour finir par présenter un front commun à l’occasion des dernières grandes crises, au Mali, en janvier 2013 en Ukraine, dès février 2014 face au terrorisme, et en Europe. À une Grèce en faillite, à l’été 2015, ils ont imposé leur solution : l’austérité pour éviter au pays une sortie de la zone euro. Comment le Président le plus impopulaire de la Ve République et la dame d’acier sont-ils parvenus à s’entendre ? François Hollande va-t-il définitivement renoncé à toute « confrontation » avec l’Allemagne ? Mais si les attentats terroristes de Paris du 7 janvier 2015 les ont soudés, en revanche la question migratoire a introduit une distance entre eux, qu’a illustrée le « cavalier seul » de la chancelière allemande avec la Turquie.
Nicolas Barotte, correspondant du Figaro à Berlin a suivi le chef de l’État et la chancelière. Il a ainsi recueilli les confidences de leur entourage. Entre tensions silencieuses et ententes publiques, diplomatie et sincérité, de Paris, Berlin et Bruxelles, le journaliste nous fait revivre les conflits et moments forts de ces dernières années pour nous livrer les clés de ce couple étonnant, plus complexe qu’il n’en a l’air. À l’été 2016, il leur restait désormais peu de temps pour sortir une grande initiative propre à désembourber le char européen. S’agira-t-il d’une initiative en matière institutionnelle, comme celle visant à doter la zone euro d’un pouvoir réel associant les Parlements, le responsable et la BCE ? Un Airbus de l’énergie a-t-il des chances de surgir dans l’horizon actuel ? Peut-on s’attendre à des percées sur le dossier ukrainien, les rapports avec la Russie ? Cette plongée dans les relations franco-allemandes fournira bien des éléments de réflexion sur la façon dont fonctionne l’Europe, où ne s’affrontent pas seulement les intérêts ; mais où les affects et caractères ont leur place.