Le Liban, magnifique « petit pays » du Proche-Orient, est depuis ses origines traversé par des crises récurrentes. Dès 1949, près de 110 000 Palestiniens y trouvent refuge et vont y vivre dans des camps jusqu’à nos jours. Après le premier conflit israélo-arabe, Israël, laissera le Liban en paix, mais Ben Gourion œuvrera pour un « Liban chrétien ».
En 1958, une première « mini guerre civile » éclate et les Marines y débarquent. Le Liban qui s’était tenu à l’écart des deux guerres israélo-arabes suivantes (1967 et 1973) s’engouffre par la suite dans une longue et terrible guerre civile (1975-1989) suivie de conflits sporadiques. Le pari du communautarisme fait lors de sa création, rend le pays sensible aux influences extérieures, alors que presque chaque communauté (on en compte 17) cherche un appui au-delà des frontières libanaises pour maintenir sa place sur l’échiquier national. Mais l’événement qui eut les retombées les plus lourdes est sans aucun doute le conflit arabo-israélien, écrit David Hirst. C’est cette influence qu’il explore particulièrement, fort d’une longue expérience de terrain et d’un travail de recherche abondant.
C’est cette histoire du Liban (1860-2009), petit État stratégique du Proche-Orient, au cœur de la bataille du maelström israélo-arabe que relate David Hirst, l’un des meilleurs connaisseurs de la région. Diplômé d’Oxford, passablement curieux, il a séjourné près d’un demi-siècle à Beyrouth comme correspondant du Guardian et fut témoin de la guerre civile, de deux occupations militaires (1978 et 1982) et deux prises en otage. Traduit de l’anglais par Laure Stephan, Une histoire du Liban a perdu en route son titre initial, autrement meilleur : Beware of Small States, Lebanon, Battleground of the Middle-East. Ce « Gare aux petits États » est inspiré de Mikhaïl Bakounine. Difficile d’écrire une monographie du Liban depuis l’indépendance qui ne soit pas une déclinaison du conflit israélo-arabe puisque les combattants de toutes causes se sont longtemps donné rendez-vous dans le pays du Cèdre, perclus de communautés et de fractures. « À l’origine, ce livre n’était pas destiné à en être une histoire », assure David Hirst dans les toutes dernières pages. « Néanmoins, à chaque étape de sa rédaction, ce conflit n’a cessé de s’immiscer comme une partie tellement inséparable, intrinsèque et constitutive du sujet évoqué par le titre que c’est bien ce que l’ouvrage a fini par devenir en partie ».
Le livre se découpe en deux grandes parties, la République de Fakhanie, ou les grandes heures de l’OLP au Liban, jusqu’au départ de 1982 sous la pression de l’armée israélienne, puis celle de la « dahiyé », bastion chiite de la banlieue Sud de Beyrouth qui verra émerger le Hezbollah sous la houlette iranienne. Téhéran, qui avait bénéficié de l’appui syrien lorsqu’il fut attaqué par l’Irak en septembre 1980, voulut à son tour venir en aide à la Syrie deux années plus tard, laquelle lui a ouvert les portes du Liban. Ces quatre décennies feront une victime collatérale, la communauté maronite, autrefois dominante, et laisseront un Liban tiraillé entre deux destins, oscillant selon le mot du « zaïm » druze Walid Joumblatt « entre Hongkong et Hanoi », entre Rafic Hariri et Hassan Nasrallah. Le jugement de l’auteur sur la politique israélienne et celle de son allié américain laisse peu de place à la mansuétude. David Hirst, revenu de tous les processus et conférences de paix estimait en conclusion que ce conflit, commencé dans la violence, finira dans la violence avec probablement un « deuxième round » entre Israël et le Hezbollah après la guerre de trente-trois jours de 2006. Mais depuis 2009, date à laquelle il a achevé son ouvrage, les équilibres régionaux se sont encore bien compliqués : le Liban, pris en tenaille de la guerre civile syrienne et du conflit sunnite-chiite sera-t-il à nouveau emporté dans la tempête et y résistera-t-il ?