La notion de « développement durable » est à la mode depuis un certain nombre d’années déjà. Non seulement elle suscite de nombreuses publications plus ou moins savantes2, mais elle alimente surtout un discours sinon des controverses récurrents, dont il n’est pas certains que ceux qui s’y réfèrent sachent toujours bien ce que recouvre exactement ce concept ni quels en sont à la fois les critères, le contenu, les enjeux et les implications, aux plans aussi bien politique qu’économique, sociologique qu’environnemental.
Le risque est alors grand comme il en va de toute notion qui fait l’objet d’une « récupération » et d’une vulgarisation élargies, de le voir perdre en rigueur scientifique et en crédibilité fonctionnelle ce qu’il gagne en extension discursive.
Il n’est en effet pas contestable que le développement durable soit « une affaire citoyenne », rendant nécessaires à la fois son appréhension via des concepts adéquats et la maîtrise de ses outils.
Il n’est dès lors pas inutile de tenter d’en préciser les différents éléments et composantes, dont on constate aisément qu’ils concernent et impactent aujourd’hui aussi bien la plupart des aspects de notre vie individuelle que les relations collectives qui constituent la trame des sociétés, en termes de démographie comme de culture, d’éducation comme d’emploi, de justice sociale comme de préservation de la biodiversité, de politiques nationales comme de dynamiques internationales, etc. L’idée d’y consacrer un « dictionnaire » s’avère à cet égard pertinente, sachant qu’il s’agit en l’occurrence, dans une démarche à caractère heuristique, non pas de juxtaposer de simples définitions, aussi pertinentes soient elles, mais, à travers de multiples « entrées », de présenter et de développer succinctement mais précisément les diverses thématiques et problématiques qui se rattachent peu ou prou au développement durable, au même titre que les concepts et notions voisins, connexes ou complémentaires, auxquels sa compréhension renvoie nécessairement et utilement.
L’auteur a ainsi entendu explicitement s’inscrire ce faisant dans la rédaction d’une « entrée en matière » à déclinaisons multiples et variées « sur des questions socialement vives avec le parti de la transdisciplinarité ». L’objet en est, dans une perspective pragmatique et pédagogique, d’offrir « des outils pour la réflexion comme pour l’aide à la décision », en s’appuyant dans ce propos « sur des travaux récents, académiques et de terrain ».
(2) Entre autres, voir notre recension à propos de l’ouvrage d’A. Dieler et Ch. Marquat, Regards croisés Nord-Sud sur le développement durable (Ed. de Boeck, Louvain-la-Neuve, 2015)
Chaque « entrée » de ce dictionnaire, aussi dense que concis mais extrêmement complet, se signale ainsi « par un effort de définition, sans exclure, lorsque cela s’impose, la pluralité des points de vue », références bibliographiques à l’appui, ce qui en accrédite aussi bien l’objectivité intellectuelle que la portée critique.
N’y figurent pas moins de « 750 notions, lois, modèles politiques paradoxes et théories en usage en économie, en écologie et en sociologique du développement », parmi lesquelles se reconnaîtront, entre autres, aussi bien les philosophes (justice environnementale, solidarité, anthropologie et développement, démocratie et croissance, équité intergénérationnelle, etc.) que les idéologues (libéralisme et néo-libéralisme, aide au développement, culture et développement, droits économiques et sociaux, etc.), les théoriciens (principe de précaution, protectionnisme, ajustement structurel, échange inégal, etc.) que les praticiens (agro-industrie, certification et normes, stocks alimentaires, etc.), les politiques (aménagement du territoire, gouvernance mondiale de l’environnement, politiques pro pauvres, tourisme équitable, etc.) que les gestionnaires (gestion intégrée des ressources en eau, gestion participative des territoires, gestion durable des forêts, etc.), les environnementalistes (aires protégées, changement climatique, services éco systémiques, énergies renouvelables, etc.) que les juristes (responsabilité sociale des entreprises, mécanismes de compensation volontaire, services publics marchands, etc.), les scientifiques (biodiversité, OGM, effet de serre, pollutions, résilience, etc.) que les techniciens (dé carbonisation, irrigation, nutrition, réforme agraire, etc.), les financiers (finance éthique et solidaire, fiscalité de l’environnement, investissement socialement responsable, écotaxes, etc.) que les économistes (commerce équitable, économie verte et solidaire, marché carbone, taxe sur les transactions financières, dette écologique, partenariats, protection tarifaire, etc.).
On pourra s’étonner, ici et là, que figurent certaines entrées excessivement techniques, qui peuvent sembler n’avoir que des rapports relativement lointains ou indirects avec le développement durable. Celui-ci ne doit pas en effet être considéré comme une notion « attrape-tout », qui servirait de prétexte à des digressions apparemment superflues ou à des exposés quelque peu ésotériques pour le profane.
Il n’en demeure pas moins que l’utilité de ce « dictionnaire » savant et très documenté est incontestable. Sa lecture, au gré des besoins et des préoccupations des uns et des autres, s’avère aussi passionnante qu’enrichissante, et sera aussi utile aux acteurs du développement qu’aux lecteurs attentifs aux objectifs et à des politiques de développement durable, en tout état de cause déterminantes pour le devenir sinon pour la survie de l’humanité.