Le continent africain reste toujours cher au cœur des Français et continue d’être, quoiqu’on dise de la supposée Françafrique une préoccupation majeure pour la diplomatie, la défense ou les entreprises françaises, qui doivent lutter âprement pour conserver leurs parts de marché face à de redoutables concurrents que sont non seulement la Chine, les États-Unis, mais aussi l’Inde, le Brésil et la Turquie.
Il est certes loin le temps où un ministre des Affaires étrangères français Louis de Guiringaud disait qu’avec 500 hommes la France pouvait faire l’histoire en Afrique, mais qui d’autre que la France, en Europe et même dans le monde assume sa part dans la défense des souverainetés africaines et de l’intégrité de leurs territoires, comme à la lutte contre la menace djihadiste.
Voilà pourquoi le récit des quarante ans d’Afrique de Jean-Marc Simon s’inscrit dans la lignée des témoignages des grands ambassadeurs de France pour qui le continent noir faisait jadis partie des premiers choix de carrière. Cette passion pour l’Afrique, le jeune Jean-Marc Simon la contracta très tôt, comme beaucoup, de son rêve d’aventure en regardant passer devant la maison familiale de Senlis, les spahis vêtus d’un pantalon bouffant et d’un burnous écarlate qui rejoignent leur quartier juché sur leurs chevaux arabes harnachés de cuir damasquiné. À treize ans, il s’imagine rejoindre les derniers vestiges de l’armée d’Afrique en hommage au capitaine de Bournazel, l’Homme rouge écrit par Jean d’Esme.
Mais le petit Jean-Marc est né une génération trop tard. Avec la décolonisation, l’École nationale de la France d’outre-mer a fermé ses portes. Il ne sera jamais gouverneur. Reste le quai d’Orsay. À vingt et un ans, il devient vice-consul à Dakar qui « conserve quelques beaux restes de l’époque récente, où elle succédait au Gouvernement général de l’Afrique-Occidentale française ». Depuis, l’Afrique ne l’a presque jamais quitté, mis à part quelques « incartades », au gré des mutations successives. Jusqu’à son dernier poste, ambassadeur en Côte d’Ivoire pendant la guerre civile. Pour rejoindre le président Alassane Ouattara et ses partisans affamés cernés dans un hôtel d’Abidjan par les militaires fidèles à son rival, il survole la lagune en rase-mottes dans un hélicoptère de l’armée française chargé de rations. Depuis le Tchad, où il atterrit comme premier conseiller en 1984 pendant l’opération Manta, Jean-Marc Simon a été souvent plongé dans la guerre, les massacres. République centrafricaine, Gabon, Nigeria. Pratiquant avec bonheur l’understatement, il conte les situations parfois ubuesques auxquelles il a été confronté et dévoile la face cachée des interventions militaires françaises. Le portrait qu’il brosse des Présidents africains, autocrates ou dictateurs suivant les époques, ne manque ni de force, ni de véracité, tout en respectant les règles d’usage pour des « amis » de la France.
Dans son dernier chapitre « Quelques leçons pour l’avenir », il trace des pistes pour que la France garde ses liens avec une Afrique qui, malgré les apparences, reste prometteuse. L’aide publique demeure indispensable, dans des secteurs tels que la gouvernance, les réductions de dette ou l’agriculture de base. La démocratie marque des points c’est un fait : mais il ne faut pas en accélérer artificiellement le rythme et briser certains équilibres qui s’avèrent fragiles. Mais l’essentiel, pour assurer une croissance soutenue, reste l’investissement structurant, la mobilisation de l’épargne et la diversification des économies, ainsi que le développement d’un véritable culte de l’entreprenariat. Enfin, un contrôle efficace de l’explosion démographique reste nécessaire. Sur tous ces points, la France peut apporter ses ressources et son savoir-faire, pourvu qu’elle sache adapter ses outils et sa philosophie de l’aide.