Lorsqu’éclate la révolution ukrainienne, en février 2014, Ioulia Shukan, chercheuse en sociologie politique, maître de conférences à l’université Paris-Ouest, est sur le terrain. À Kiev, sur le Maïdan Nezalezhnosti en ukrainien, devenue depuis synonyme du combat pour la liberté, la démocratie, ou la dignité humaine ou dans l’Est de l’Ukraine touchée par l’insurrection, elle multiplie les enquêtes, les contacts avec les protagonistes du drame.
C’est du partage des événements aux côtés des Ukrainiens, de la révolution puis de la guerre, que se nourrit son livre, modifiant son regard de chercheuse, l’amenant à s’émanciper des canons académiques. Elle abandonne la vision par le « haut » consistant à décrire à grande échelle les clivages internes au pays qui viendraient se télescoper avec les stratégies de puissance des États-Unis, de l’Union européenne et de la Russie.
Les nuits d’hiver, la solidarité avec les personnes rencontrées puis retrouvées, la violence, les moments de partage avec les bénévoles ou avec les civils en fuite l’ont poussée à écrire une autre histoire de l’insurrection ukrainienne, humaine et subjective, au plus près des personnes, loin des raisonnements géopolitiques mais avec la précision d’une observatrice professionnelle. Elle brosse les portraits de cette cohorte de bénévoles qui ont fait basculer le cours de l’histoire, dont certains se sont infiltrés dans l’appareil d’État, y compris au ministère de la Défense ; des destins parfois brisés par l’épreuve, les désillusions.
Qu’il est long et semé d’embûches le chemin de la démocratie, de la justice sociale, et de la paix. Un document personnel dont n’est pas absente la subjectivité propre à tout témoignage de ce type où s’affrontent les « bons » et les « méchants », or la réalité est parfois plus complexe ou prosaïque.