Les deux auteurs de l’ouvrage ont été co-commissaires de l’exposition Pompidou, 1911-2011, aux Archives nationales. Jean-Pierre Bat, archiviste paléographe, agrégé et docteur en histoire, est détaché aux Archives nationales comme responsable du fonds Foccart. Pascal Geneste, archiviste paléographe et conservateur en chef du patrimoine, est directeur adjoint des Archives de la Gironde. Il a été responsable du fonds Pompidou et des fonds de ses collaborateurs.
Si, pour Charles Baudelaire, « l’action n’est pas la sœur du rêve », Georges Pompidou, agrégé de lettres féru de poésie, cet « agrégé sachant écrire » qu’avait appelé le général de Gaulle auprès de lui en 1946, a cherché, toute sa vie durant, à prouver le contraire. Ses années de gouvernement ont enraciné la Ve République, et son élection à l’Élysée, en juin 1969, a réalisé l’impensable : succéder au général de Gaulle, dont il avait été le plus proche collaborateur de 1946 à 1968, sans pour autant avoir appartenu au cercle des « barons », ceux qui ont traversé le désert durant les années 1950.
Au service de la réconciliation d’une société française déchirée par la Seconde Guerre mondiale puis par les crises coloniales, il a cherché à tracer les voies d’un avenir, qu’il a d’abord imaginé européen avec l’adhésion du Royaume-Uni, le 1er janvier 1973, dont il a été le fervent artisan. C’est cette orientation européenne qui le distinguera le plus du général. C’est durant son mandat qu’en 1973, s’est tenu le premier Sommet France-Afrique et que s’est réuni en décembre de la même année, après le premier choc pétrolier, le Sommet des chefs d’État et de gouvernement de la CEE, qui devint le Conseil européen, une institution devenue familière, mais qui à l’époque avait été critiquée par les fédéralistes européens, car mettant en avant la méthode intergouvernementale au profit de la méthode communautaire, qui donnait la primeur à la Commission. Un vieux débat qui a repris toute sa vigueur aujourd’hui. Il a accompli également un voyage en Chine, le 11 septembre 1973, pays dans lequel le général de Gaulle rêvait de se rendre.
Derrière le souvenir de la mort brutale, le 2 avril 1974, d’un Président proche des Français, se dessine, à la lecture de ce livre, la silhouette intime d’un homme d’État qui s’est fait une certaine idée de la modernité dans la France des Trente Glorieuses ; il a impulsé une politique d’industrialisation qui s’est traduite par une croissance soutenue à des taux inégalés. Il a laissé, au cœur de Paris, un testament monumental : le Centre Beaubourg. Miné par une rare maladie, il est resté peu de temps au pouvoir, à une époque pourtant charnière, celle séparant mai 1968 du premier choc pétrolier d’octobre 1973, une époque où la voix de la France et de l’Europe sonnait plus fort qu’aujourd’hui, mais qu’elle pourrait recouvrer en adoptant un peu des recettes de bon sens de l’Auvergnat, mesure, détermination au travail, réconciliation de tous les Français, véritable Europe « européenne », indépendance nationale…