Auteur en 2009 d’un premier ouvrage [1] sur le leadership, le contrôleur général des armées Daniel Hervouët nous livre ici sous forme épistolaire une réflexion philosophique et pratique à destination de la vaste communauté des formateurs de futurs chefs. « Encore l’autorité ! » pourrait-on dire ? Il est vrai que le thème ne manque pas d’être abordé par les hommes politiques – le plus souvent sans réelle consistance – et que les ouvrages récents sur le sujet ne manquent pas [2].
Mais cette missive tranche par son originalité, pour deux raisons. D’une part, car elle s’adresse non pas aux dirigeants ou aux futurs dirigeants, mais à leurs maîtres, qu’ils soient universitaires, directeurs de grandes écoles ou d’établissements plus modestes : en interpellant ceux qui ont la « mission impérative de faire éclore les talents des jeunes générations », Daniel Hervoüet verse dans une approche pédagogique et insiste sur la responsabilité intergénérationnelle. D’autre part, car sa forme – segmentée en une trentaine de chapitres incisifs s’enchaînant sans temps mort – est particulièrement efficace : cette missive se lit d’un trait, et laisse au final une rémanence très forte des idées. En refermant cet ouvrage, nul doute que le mentor en charge d’un groupe de potentiels futurs dirigeants sera animé d’un souffle non pas basé sur le sable de quelques idées généreuses, mais sur le ciment de prescriptions concrètes pour consolider son enseignement.
S’agissant des idées mises en avant par l’auteur, elles s’articulent autour de trois axes à destination des formateurs pour faire croître leurs disciples vers l’exercice de l’autorité. Tout d’abord, la question de l’essence du dirigeant et de sa responsabilité. Ensuite, la question de la réflexion sur soi-même et de la nécessaire introspection pour penser sainement son rapport à l’ambition. Enfin, la question des modalités de l’exercice du leadership par le prisme du rapport aux autres, pour en tirer le meilleur. Tout au long de la réflexion, les références au monde militaire – dont l’auteur est issu – sont utilisées avec humilité à la manière de suggestions, sans jamais s’imposer. On relèvera néanmoins que l’auteur adosse à juste titre autorité et légitimité, deux notions intimement liées dans l’institution militaire, mais qui ne cohabitent pas systématiquement dans le monde de l’administration civile ou de l’entreprise privée. En ce sens, la forte légitimité des chefs militaires, obtenue naturellement par la longue maturation des officiers à travers les différents stades de leur corps d’appartenance, est un atout à valoriser.
Au total, c’est un vrai enthousiasme de ton qui sous-tend cette incantation à la fois conceptuelle et pratique. Les formateurs civils et militaires y trouveront matière à réflexion pour l’exercice de leurs responsabilités. De leur côté, les futurs – ou actuels ! – dirigeants seront stimulés par « cette incroyable richesse qui résulte de la grandeur de servir ».