C’est en Arménie que l’on trouve les plus anciennes traces d’activité viticole, elles remonteraient à 6 000 ans. On trouve ensuite la vigne au Moyen-Orient et en Égypte, puis en Grèce (Alexandre le Grand serait d’ailleurs mort d’un excès de boisson) et en Italie. C’est dire si l’histoire du vin que nous relate Didier Nourisson est intimement liée à l’histoire de l’Europe et de la France en particulier. La tradition européenne du « porter de santé » proviendrait ainsi des libations faites aux dieux par les Grecs.
Pour notre pays, en ce domaine, les choses ont plutôt mal commencé. La conquête de la Gaule, en effet, aurait été facilitée par l’appétence des Gaulois pour le jus de la treille : « Tandis que les Celtes buvaient leur vin, les Romains n’ont que la peine de les saigner ». Ce goût immodéré pour le vin perdurera après la conquête. Dans la Gaule romaine, cette boisson était si recherchée qu’une jarre de vin coûtait le même prix qu’un esclave, ce qui conduisit Diodore de Sicile à considérer que « pour la liqueur, on avait l’échanson » !
Contrairement à l’image propagée par Rabelais, le moine du Moyen Âge est rarement un gros buveur. Il en est de même pour les paysans : « La consommation du vin reste au Moyen Âge l’apanage des hauts dignitaires de l’Église, des nobles, des patriciens des villes. Leurs paysans se contentent de travailler la vigne. Aux Temps modernes, la paysannerie reste sobre. »
Le vin jouera pourtant un rôle dans quelques événements historiques majeurs. Ainsi, la Révolution française commence à Lyon puis à Paris par la destruction des barrières de l’octroi, taxe impopulaire jugée responsable de la cherté du vin. « À Paris à l’automne 1789, à Lyon encore dans l’été 1790, des foules avinées font avancer, en zigzaguant, le processus révolutionnaire », résume Didier Nourrisson.
Finalement, ce livre relate autant l’histoire de notre boisson nationale que la place de celle-ci dans l’histoire de France. Certains aspects concernent d’ailleurs l’histoire de l’armée française ou des deux guerres mondiales (l’un des chapitres du livre a pour titre « Le vin et la guerre »). C’est le cas des révoltes viticoles de 1907 dans le midi, réprimées par la troupe, ce qui donna lieu à la mutinerie de 500 hommes du 17e régiment de ligne qui seront peu après envoyés dans un bataillon disciplinaire dans le Sud tunisien. C’est le cas aussi du rôle du « pinard » (le mot date de cette époque et son origine est controversée : un dérivé du cépage pinot ou du grec pino, « je bois » ?) dans le moral de la troupe. La dose individuelle passera d’ailleurs d’un quart de vin en 1914 à trois quarts en 1918, sous l’influence en particulier de Pétain. Les deux guerres mondiales verront la production viticole française s’effondrer en raison de la mobilisation de la population masculine. Elles verront de même l’occupant mettre la main sur la meilleure part de la production (2 millions et demi d’hectolitres de vin, soit 312 millions de bouteilles partent chaque année en Allemagne !).
Chemin faisant, l’auteur nous donne un abrégé fort utile des différentes techniques de vinification avec le vocabulaire technique de la viticulture pour les différentes régions de France, sans omettre l’histoire de l’étiquette qui orne les bouteilles et de la publicité pour le vin (la « réclame »), souvent fondée sur des « préconisations médicales » issues de la phrase de Pasteur : « Le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons » !