Le montage photo en couverture, le regard énigmatique de Poutine recouvrant le visage tout aussi énigmatique de Staline, annonce la couleur. Le message délivré ici est celui de la continuité, assurée en particulier par ce personnage clé que fut Iouri Andropov, « Monsieur Propre » du régime et « véritable inventeur de la perestroïka ».
L’affaire tchétchène, présentée de façon très favorable aux insurgés et très sévère pour les manigances du pouvoir russe s’inscrit somme toute dans la droite ligne des prouesses de la Lubianka (nom de l’immeuble abritant le KGB à Moscou ; par extension le KGB), qu’il s’agisse année après année de l’élimination de Toukhatchevski, de l’assassinat de Trotski ou des « trucages » de la révolution roumaine. Particulièrement révélatrices dans ce sens sont les précautions financières exposées au chapitre 13 (7 000 comptes placés à l’étranger dans des paradis fiscaux au cours des années 80) pour faire face à l’« inévitable chaos » qui s’annonce.
Le lecteur trouvera dans ce livre des passages fort intéressants, par exemple sur les faux secrets du fameux XXe congrès ou sur les illusions des soulèvements hongrois et tchécoslovaque, accompagnés de portraits nuancés de Nagy ou Dubcek. Il ne pourra être qu’impressionné par tant de machiavélisme, mais un vieux fond de méfiance le préoccupera devant ce mélange de faits désormais à peu près connus du public (comme les purges de 1937 ou la chute de Gorbatchev) et d’autres en forme de révélations. Cet accueil prudent s’imposera à lui, d’autant plus que l’auteur est associé à un certain « Monsieur X » présenté comme spécialisé dans les « évènements contemporains les plus brûlants » et que la plupart des sources citées se réfèrent à des articles de presse : par exemple (page 241) Pesnot cite Ougartchinska qui cite Palmer…
Que le Kremlin ne soit pas peuplé uniquement d’anges purs et radieux, cela on le sait depuis Ivan le Terrible. Que le FSB ait « hérité des compétences du KGB » et que les hommes de ce dernier aient « essaimé dans tous les secteurs de la société », on s’en doute. Quant à prétendre juger un « nouveau Tsar », ancien (et peut-être futur) chef d’État et dénoncer ses rapports avec la mafia ou sa détention d’une des plus grosses fortunes d’Europe, nous nous garderons de cette audace.