« Et c’est ainsi qu’un peuple pacifique a conquis le monde, en partie grâce à l’excellence de sa stratégie et de sa tactique. Et qu’il l’a perdu. » Dans son dernier livre, Yann Le Bohec, professeur émérite à l’université Paris IV Sorbonne, nous explique le pourquoi et le comment de la conquête romaine en faisant la synthèse de quarante années de recherches sur l’armée de Rome.
Pour l’auteur, l’année 338 avant J.-C. représente une date charnière dans l’histoire de Rome. Auparavant l’armée romaine se battait pour la survie de la cité, désormais, ayant conquis le Latium et assuré sa sécurité, elle ira de conquêtes en conquêtes.
Que l’armée romaine ait été l’une des armées les plus efficientes de l’histoire n’est en plus à démontrer : « Les innombrables guerres qu’elle a gagnées et la durée de l’empire qu’elle a bâti le prouvent amplement. Le monde entier (le monde de l’époque, limité à la Méditerranée) a été vaincu en cinq siècles, soumis et contrôlé pendant cinq autres siècles, et cet exploit est sans pareil dans l’histoire de l’humanité. »
D’où vient donc cette efficacité sans pareille ? Pour Le Bohec, elle a été rendue possible par « une excellence en tout : encadrement (encore que certaines défaites s’expliquent par une faute du général), recrutement de qualité, exercice, équipement, logistique, renseignement, tactique et stratégie. »
L’armée romaine des origines est bâtie sur le modèle de la phalange hoplitique, mais, à la différence de ses semblables, elle possède dès le début un caractère composite qui s’inspire des innovations de ces dernières. On y trouve donc dès le début une préoccupation constante d’efficacité.
Quant au renversement de tendance des derniers siècles de l’empire, celui-ci, pour l’auteur, s’explique par deux raisons complémentaires : « Les barbares sont devenus bons et les Romains mauvais. » Le Bohec pose la question, sans véritablement la résoudre, de l’influence du christianisme, et du commandement biblique « Tu ne tueras point » sur le moral des soldats, lesquels font face, en outre, à des barbares devenus eux-mêmes chrétiens, ce qui complique l’équation.
L’auteur ne néglige pas les aspects économiques de la guerre et nous donne notamment un tableau du produit des pillages réalisés par l’armée romaine entre 194 av. J.-C. et 46 ap J.-C. !
Le texte est complété par de nombreuses cartes et schémas de batailles, ce qui en fait véritablement un ouvrage de référence dont il faut saluer la publication.