En quittant le pouvoir, en avril, à la veille de ses quatre-vingt-sept ans Raoul Castro a peut-être mis fin (momentanément) au rôle central joué par le clan, des Castro dans l’histoire contemporaine de l’île à la canne à sucre et aux cigares. Pour la première fois de son histoire, Cuba sera dirigé par une personne née après la chute du dictateur Fulgencio Batista en 1959, en l’occurrence Miguel Diaz-Canel, né le 20 avril 1960 à Placeta dans la province de Villa Clara. Cet ingénieur électronicien, ancien dirigeant des jeunesses communistes, seul Cubain qui a osé s’asseoir au bureau politique avec une tablette entre les mains ouvrira-t-il une nouvelle ère politique, économique, culturelle ? C’est à ces questions, parmi tant d’autres, que répond Michel Faure, journaliste, ancien correspondant de l’AFP et de Libération qui a couvert durant de longues années l’Amérique latine.
Certains avaient vite cru qu’après la mort de Fidel Castro, le 25 novembre 2016, à l’âge de quatre-vingt-dix ans, après quarante-neuf ans de pouvoir, sans partage on allait assister à une nouvelle ère. Il n’en fut rien, la peur et l’habitude ont eu raison des velléités de protestation et aucun vent de liberté ne s’est levé sur le Malecon, le boulevard mythique du bord de mer de La Havane. On ne peut guère s’attendre à un desserrement du régime et au rôle prépondérant que l’État et l’armée jouent dans le destin de l’île. Sur les 11,1 millions d’habitants, 5 millions sont fonctionnaires, qui ont été « obligés » de défiler en nombre le 1er mai, et on ne compte que 600 000 entreprises indépendantes.
Le poids du secteur privé est passé de 5 à 20 % du PIB en une dizaine d’années. Mais cette situation a creusé de profondes inégalités, les cuestas propias (entrepreneurs privés) gagnent vingt à trente fois plus que les employés d’État. En dépit de cette libéralisation limitée, la croissance du PIB n’a été que de 2 % par an depuis 2008. Les échanges avec Caracas véritable poumon pour l’économie cubaine, avec le tourisme ont fondu de 8,5 milliards de $ en 2010 à 2,2 milliards en 2016, la Chine devenant le premier partenaire commercial de Cuba. Le déficit commercial perdure et le déficit budgétaire n’a cessé de se creuser devant dépasser les 11 % du PIB en 2018.
Quant à l’armée via sa holding Gaesal (Grupo de Administracion Empresarial) elle contrôle 30 à 40 % de l’économie du pays, mais 90 % des magasins vendent leurs produits en devises. L’urgence est d’en finir avec la double monnaie, l’une convertible, le CUC, l’autre destinée aux Cubains, le CUP, créant des distorsions qui paralysent l’économie. Pour le moment l’île subsiste grâce à l’exportation de ses médecins, évaluée à 6 milliards de $ par an et les remesas, l’argent envoyé par les Cubains en exil, soit 3,5 milliards.
Le régime reste répressif, bien qu’il ait créé des zones publiques d’accès à Internet, mais la majorité de la population reste surveillée. Après la tentative de normalisation de Barack Obama, Donald Trump, s’est adressé le 16 juin 2017 aux Cubains de Miami, à Little Havana, pour affirmer son opposition à ce rapprochement. En mai 2015, François Hollande a été le premier chef d’État français à se rendre en visite officielle à Cuba. Une soixantaine d’entreprises françaises y sont présentes par le biais de partenariats avec des entreprises cubaines. L’Alliance française, est le seul centre culturel autorisé à Cuba, et compte 12 000 élèves. Cela s’explique par le fait que bien des Français, de Jean-Paul Sartre à Jean-Luc Mélenchon, ont été des admirateurs de Cuba et de ses barbudos, une manière de manifester leur antiaméricanisme.