Récemment la presse a titré « La voiture électrique fait flamber le cobalt », qui a frôlé les 82 000 $ soit une hausse de 32 % en six mois et de 65 % sur un an (en comparaison la tonne de pétrole s’élève aujourd’hui à environ 500 $, après être tombé à 205 $ en janvier 2016). Car 40 % du cobalt, dans le monde est utilisé dans les batteries, celles des produits électroniques puis celles des voitures électriques dont les nombreux types de batteries au lithium ion utilisent à 80 % du nickel, à 15 % du cobalt, à 5 % d’aluminium. Le nombre de ces dernières atteindra les 30 millions (EV) en 2030, la production de cobalt devait augmenter pour satisfaire à la demande de 314 000 tonnes par an, soit plus de 300 % par rapport à 2016.
Une situation qui devrait bénéficier à la RDC qui produit les deux tiers du minerai et qui révise son code minier. Actuellement 100 000 mineurs équipés de pelles et de pioches transpercent la terre toute l’année, particulièrement dans la région méridionale de Lualaba. Ce cas n’est nullement isolé : les technologies de pointe font flamber les métaux rares, ce qui aura des conséquences pour le secteur de la défense qui en est un des plus gros consommateurs. Le palladium, indispensable pour les pots catalytiques, a dépassé les 1 000 $ l’once (or à 1 313,20 $), sa production annuelle de 280 tonnes étant en dessous de la demande à 330 tonnes, même le cours du cuivre a grimpé de 30 % pour s’établir à 7 300 $ la tonne en décembre 2017.
D’où l’intérêt de l’ouvrage de Guillaume Pitron, journaliste spécialisé dans ces questions. On confond souvent métaux et terres rares, et leur liste n’est pas toujours la même selon la source que l’on soit producteur quasi exclusif comme la Chine ou consommateur dépendant totalement de l’extérieur. La Commission européenne a dressé une liste de 27 métaux rares beaucoup plus large car elle contient des produits que l’on n’assimile pas spontanément aux terres rares, charbon à coke, graphite naturel, caoutchouc naturel, phosphate naturel, mais qui ne sont pas produits dans l’UE. En plus de cette liste générale la Commission a ajouté une restreinte de 17 produits « critiques », qui correspond aux 17 métaux au nom exotique, scandium, yttrium, lutécium, aux propriétés physiques exceptionnelles, en optique, magnétique dont la Chine assure 90 à 95 % de la production.
Ces terres rares, contrairement à une opinion courante sont répandues dans l’écorce terrestre, mais pour des raisons principalement environnementales les pays occidentaux les plus consommateurs (États-Unis, Japon, Allemagne, France) en ont interrompu la production. Ils ont porté plainte contre la Chine devant l’OMC, le 13 mars 2012, pour les restrictions qu’elle a imposées à l’exportation de ses terres rares qu’elle a extrait jusque-là sans trop de problèmes des quelque 10 000 mines dispersées sur son territoire. Les énergies nouvelles et renouvelables, les EV, smartphones… qui n’émettent que des quantités limitées ou nulles de gaz à effet de serre, sont en réalité producteurs de dégâts environnementaux et en matière de santé provenant de l’extraction des métaux et terres rares sans lesquelles elles ne peuvent exister.
En dehors des dommages provenant de leur production, les produits électriques posent de redoutables problèmes pour la gestion de leurs déchets. En France chaque habitant en « produit » 25 kilos, quantité qui s’accroît de 20 % par an. Or si l’industrie est intéressée à recycler les grands métaux, or, agent, aluminium, elle ne l’est guère pour les petits métaux. D’où les conclusions que tire l’auteur. Les énergies dites propres, nécessitent le recours à des minerais rares, dont l’exploitation est tout sauf propre. De même, ces énergies renouvelables se fondent sur l’exploitation de matières premières qui ne le sont pas. La question de ces terres et métaux rares ne se cantonne pas à ces grands problèmes environnementaux, mais pose aussi une série de défis en matière d’indépendance économique, et de sécurité nationale. Guillaume Piron en fournit maints exemples, comme le fait que la Chine dérive 95 % de la production du samarium-149, indispensable au fonctionnement des réacteurs nucléaires américains. D’après un expert, l’industrie de défense américaine importerait 250 tonnes d’aimants par an soit 0,25 % de la production mondiale dont l’essentiel provient de Chine.
Ces évolutions expliquent le renouveau des activités minières qui doivent renouveler leur façon d’opérer, l’exploitation des domaines maritimes n’en est qu’à ses balbutiements et il en est de même de l’espace. Dans cette course aux métaux rares, la France ne manque pas d’atouts en raison de sa ZEE, deuxième du monde, mais elle doit adapter son code minier, se doter d’opérateurs, en dehors d’Eramet, et se doter d’une filière de forage, de recyclage et de stockage.