Dirigé jusqu’en 2017 par le général Benoît Durieux, l’un des rares spécialistes français de Clausewitz, le CHEM (Centre des hautes études militaires) prépare à leurs futures responsabilités les généraux de demain. La guerre par ceux qui la font rassemble un certain nombre de travaux de son avant-dernière promotion sous la forme de courts essais sur des thèmes qui répondent à l’actualité stratégique. Ces contributions font souvent référence aux opérations récentes des armées françaises où leurs auteurs, alors colonels ou capitaines de vaisseau, ont souvent joué un rôle de premier plan et se sont trouvés précisément à la confluence entre la sphère militaire et la sphère politique. C’est précisément cette expérience qui fait tout l’intérêt de l’ouvrage, mais qui en constitue aussi les limites. Moins théorique qu’un travail universitaire, cet ensemble s’attache plutôt aux possibilités réelles des armées françaises et de leurs adversaires, au risque quelquefois d’un certain conformisme par rapport aux modes intellectuelles dominantes.
Sont ainsi évoquées les questions de la « surprise stratégique », du Livre blanc sur la défense, de la dissuasion, de l’Arctique… À noter quelques articles plus originaux, démontrant souvent une capacité à penser transversalement, comme les textes consacrés à l’influence du foquisme (théorisé en son temps par Che Guevara) sur la stratégie djihadiste, à la pertinence de la théorie clausewitzienne dans les opérations au Mali, ou à la remise en cause du modèle occidental de guerre de haute technologie.
On en retiendra également un avertissement en guise de conclusion. Dans une réflexion sur l’évolution de la stratégie des moyens occidentale, le capitaine de vaisseau Jacques Fayard nous conseille de nous garder de trois écueils : « Présumer qu’on peut gagner une guerre avec une technologie supérieure ; présumer qu’on ne fera que certains types de guerre ; présumer que s’adapter au combat irrégulier signifie se désadapter du combat régulier. »