Selon les dernières évaluations émanant du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) – les deux organes de l’ONU suivant les questions climatiques – datant de l’automne 2015, la hausse actuelle des gaz à effet de serre (GES) conduit à une hausse, moyenne, des températures, au-delà des 3 à 3,5°C à l’horizon 2100 ; bien au-dessus des objectifs de l’accord de Paris du 12 décembre 2015 « au-dessous de 2°C, et si possible au-dessous de 1,5°C. Des experts chinois, ont estimé plus récemment la hausse probable à 4°C au même horizon.
L’expression global Warning, que tout un chacun a plus ou moins intégré est déjà ancienne, car elle a été employée, pour la première fois en 1975, par le géochimiste Wallace Broecker, dans un article paru dans Science : « Climatic Change: Are We on the Brink of a Pronounced Global Warming? » (« Changement climatique, sommes-nous à la veille d’un important réchauffement planétaire ? »).
C’est pour faire face à ce défi planétaire, considéré par de nombreux responsables, savants, experts, leaders d’opinion, comme le plus important que l’humanité ait à affronter, que Paul Hawken a décidé d’agir. Pour ce faire cet écologiste, des plus respectés aux États-Unis et spécialiste du climat, a réuni un panel de 70 chercheurs de tous horizons – géologues, ingénieurs agronomes, botanistes, économistes, analystes financiers, architectes, militants, responsables politiques, écrivains, climatologues… – avec lesquels il a élaboré un plan inédit de 80 solutions pour inverser le cours du changement climatique. Chacune des solutions préconisées – éoliennes, mini-réseaux, géothermie, centrales solaires, toitures photovoltaïques, vagues et marées… – fait l’objet d’une description fort claire en évitant un langage trop technique ou spécialisé couvrant de quatre, cinq à huit pages. Ces solutions avaient pour objectif d’aboutir à des solutions économiques et régénératrices, d’améliorer la sécurité, de créer des emplois (l’Organisation internationale du travail évalue à 10 millions d’emplois le potentiel des seules énergies nouvelles et renouvelables), d’éliminer la faim dont le chiffre est passé récemment de 777 millions de victimes à 815 millions. Il s’est agi aussi de réduire les pollutions, de restaurer les sols, de nettoyer les rivières.
L’équipe de chercheur évalue le gain en CO2 de moins en gigatonnes (Gt), le coût financier pour la mise en œuvre, mais aussi, les économies nettes attendues ; c’est-à-dire ce que la communauté mondiale ne devrait pas supporter. Toutes ces solutions étudiées, évaluées, comparées sont regroupées par secteurs, affectation des terres, alimentation, bâtiments et ville, énergie (comme énuméré plus haut), femmes et filles, matériaux et transport. À titre d’exemple notons que les véhicules électriques réduiraient ainsi les émissions totales jusqu’à 2050 de 10,80 milliards de CO2, soit un petit tiers du total des émissions mondiales actuelles (32,8 milliards de CO2 équivalent), le nucléaire 16,09 milliards de tonnes de CO2, mais les toits photovoltaïques 24,60 milliards de tonnes. Au total ces solutions se traduiront par une baisse des émissions de CO2 équivalentes de 1050 milliards de tonnes, somme que maints experts considèrent comme le plafond d’émissions permettant de limiter la hausse des températures à 2°C.
Si l’on considère que le niveau des émissions prévues pourrait atteindre d’ici 2030 50 milliards de tonnes de CO2 par an, on voit que l’humanité ne dispose que d’un crédit limité d’une vingtaine d’années d’émissions, sous peine de franchir irrémédiablement la barre des 2°C bien avant la fin du siècle. Aux yeux des experts réunis par Paul Hawken, le coût cumulé de toutes ces 80 solutions n’est pas mince car il atteindrait 29 000 milliards de dollars mais les économies nettes seraient de 74 000 milliards, soit presque le PIB mondial annuel. En somme, il conviendrait de dépenser d’ici 2050 29 trillions de dollars, afin de ne pas avoir à dépenser entre 2050 et 2100 74 trillions.
Une telle démontration est-elle parlante, convaincante, pour chaque individu, ville, région, entreprise, État ? On le voit, tout cela exige un énorme effort de présentation et de pédagogie. Aussi, c’est au niveau de chacune des solutions présentées qu’il convient de se situer pour en mesurer l’impact. Si l’on parle beaucoup de véhicules électriques, on évoque moins les vélos électriques, qui en 2014 ont parcouru 400 milliards de kilomètres, principalement en Chine ; les auteurs prévoient qu’ils parcourront 2 000 milliards de kilomètres en 2050, ce qui devrait se traduire par une réduction des émissions de 1 Gt et un gain de 226 milliards de dollars pour les propriétaires de vélos électriques.
A-t-on calculé les bénéfices en termes de santé dans les grandes villes ? La lecture de Drawdown est instructive à plusieurs titres. Outre que cet ouvrage balaye un champ d’expériences et de solutions extrêmement vaste, il apporte des solutions concrètes dans ces domaines, faisant du changement climatique, non pas un slogan ou un horizon lointain, mais une action dépassant celle des microcollectivités. Chaque acteur, chaque segment de la collectivité humaine doit et peut s’engager dans la voie d’une dépense plus sobre, plus efficace, et à terme décarbonée de l’énergie ; un cheminement qui ne peut être que progressif, mesuré, constamment évalué, telle est la conviction de Paul Hawken et de l’équipe qu’il a réunie.