Cyclope, est le rapport annuel le plus complet portant sur l’ensemble des marchés de biens et de services, publié en français, qui a peu d’équivalent dans le monde : 150 experts de toutes origines y collaborent.
L’édition 2018 constate tout d’abord que la croissance économique mondiale frôlait les 4 % par an (3,6 % en 2017, 3,1 % en 2016), signe que le monde avait enfin tourné la page de la crise de 2007-2008. Plus significatif encore, le commerce mondial (qui n’avait pas encore subi les foudres de M. Trump) a progressé de 5 %, alors que sa hausse avait été inférieure à celle du PIB ces dernières années. À l’exception de quelques rares pays pétroliers (Arabie saoudite, et surtout Venezuela) ou de pays en proie au chaos (Afrique du Sud, Zimbabwe) aucun pays n’a affiché de croissance négative, même si la sortie de crise n’a pas été vigoureuse pour le Brésil et la Russie, dont le taux de croissance s’est établi pour cette dernière à 1,7 %, loin des objectifs recherchés (4-5 %). En termes de croissance, il y a toujours l’Asie, la Chine, l’Inde, l’Asie du Sud-Est, et le reste du monde ; les pays de l’OCDE n’ayant connu qu'une croissance de 2,4 %. Cette Asie émergente a atteint une croissance supérieure à 6 %. L’imprévisible Trump a été servi par la conjoncture, la croissance américaine devant se situer en 2018 à 2,4 %, le chômage à 4,1 % a quasiment disparu bien que les déficits budgétaires et commerciaux aient atteint des sommets sans précédents. Aussi les bourses de la planète n’ont jamais atteint de tels sommets. Les marchés de matières premières frémissaient malgré des fondamentaux peu favorables. Le cours du pétrole, matière de loin la plus échangée, a atteint les 80 dollars au printemps avant de redescendre à 70-75, ce qui représentait une hausse de 50 % en un an et 20 % depuis le début de l’année, rappelons qu'il avait chuté au plancher de 28 dollars en janvier 2016.
De tels résultats seront-ils durables ? Car après la sortie des presses du Cyclope le monde assistait, atterré, à l’accentuation de la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump. Mais alors que l’Amérique accentuait sa ligne initiale de retrait d’un certain nombre d’accords multilatéraux de commerce (TPP, Aléna dans le viseur, TIPP en forte mauvaise posture…), la Chine de XI Jinping se profilait comme le moteur de la mondialisation. La Chine se veut désormais le fidèle défenseur de l’accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015. Sur cette question d’intérêt primordial pour l’avenir de l’humanité, les lecteurs trouveront deux articles de près de 30 pages dont la lecture est d’autant plus intéressante, qu’ils prendront connaissance du fait qu’après deux ans de pause les émissions de gaz à effet de serre ont repris leur hausse (+2 % en 2017), tendance qui situe l’élévation attendue des températures à 3-3,5°C et même 4°C selon une récente étude chinoise, bien au-delà des objectifs de Paris. Pour la quatrième année consécutive, corrigé des variations dues à un épisode El Nino particulièrement marqué, 2017 a battu un record de chaleur. D’ores et déjà la moyenne de la température du globe a dépassé de 1,2° C la moyenne observée entre 1880 et 1900, c’est dire que la planète s’approche dangereusement du seuil de 1,5°C. Chacun l’aura observé avec les vagues de chaleur de cet été. Le XXIe siècle compte désormais dix-sept années des dix-huit années les plus chaudes jamais mesurées. D’où dans un second temps une étude détaillée de l’influence du climat sur les récoltes mondiales. On a assisté en effet à des périodes de sécheresses plus profondes et prononcées, ainsi que des extrêmes de précipitations. En 2017, les dommages climatiques ont atteint 306 milliards de dollars selon les assureurs. Le début de l’année 2018 aura été marqué par des conditions météorologiques extrêmes : chaleur, froid, précipitations et vents violents, avec des impacts sur les transports, l’énergie et la santé.
Avant d’aborder l’étude détaillée des plus grands marchés, Cyclope analyse tant les perspectives géopolitiques (Donald, l’année Xi, l’Inde entre cycle conjoncturel et cycle politique, accélération de la croissance en Amérique latine, la Russie ou la résilience en économie, Afrique du Nord et Moyen-Orient : transitions maîtrisées ou escalade des tensions, embellie en Afrique), que la conjoncture économique mondiale, ainsi que la situation et les perspectives de principales économies ; un corpus de près de 100 pages qui constitue à lui tout seul un ouvrage séparé.
Le lecteur trouvera des analyses sur les évolutions conjoncturelles et structurelles des États-Unis, de l’UE, du Japon, de la Chine (Murailles de Chine et montagnes russes), de l’Inde, de la Russie. Tous ces pays font l’objet d’études très détaillées (15 pages pour la Chine, 11 pour l’Inde, 6 pour la Russie…). S’il est une leçon à tirer de ce vaste panorama c’est la consécration de Xi, les « certitudes » de l’Administration Trump, la poursuite des soubresauts européens, aggravés par les inconnues du Brexit, ou de la stagnation japonaise alors que le groupe des BRICS semble bien avoir éclaté et qu’il est trop tôt pour dire s’il sera remplacé par un quelconque autre comme le MIST (Mexique, Indonésie, Corée du Sud, Turquie).
Monde occidental en crise, Europe affaiblie par la crise migratoire, et la montée des populismes, Chine en pleine expansion, telle est l’image dessinée par les auteurs : est-elle toujours aussi exacte quelques semaines plus tard ? Au-delà des vagues conjoncturelles ce qui reste est bien l’ascension de Xi Jinping. Il continue d’orchestrer sa marche en avant ainsi que celle de son pays. « Aujourd’hui il est certainement l’homme le plus puissant de la planète. Un homme qui a peu de barrières à l’international, aucune sur le plan national. Il est à la tête d’un pays plus puissant que celui de Poutine et n’a pas l’opposition intérieure que doit affronter Donald Trump. »
Pour les marchés mondiaux de matières premières, après un recul de 10 % en 2016, les prix des principales matières premières ont rebondi de 15 % en 2017, de 8 % si l’on exclut le pétrole. Les hausses les plus notables concernent le charbon dans le champ de l’énergie, ce qui est paradoxal, alors que sa condamnation est renouvelée de COP en COP. Parmi les autres stars, le cobalt dont la tonne frôle les 90 000 dollars, profitant à la RDC qui assure les deux tiers de la production mondiale. Ne trouve-t-on pas 15 kg sous le capot, à comparer à 6 grammes dans un smartphone, autre débouché du métal bleu ? Ont également monté les cours du palladium, du fret maritime (marchandises solides en vrac) et de manière plus anecdotique du beurre (+70 %) et de la vanille, tout ce qui est nécessaire pour faire du chocolat !
On a beaucoup commenté la hausse des prix du pétrole. Notons que l’année 2017 fut celle de la voiture électrique, tendance appelée à s’amplifier : en mai 2018 pour la première fois il s’est vendu en Chine plus de 100 000 voitures électriques et hybrides les NEV (102 000), + 125 % par rapport à l’année passée. Très offensif, le gouvernement veut porter à 2 millions la production des NEV en 2025, portant leur part à 20 % du marché automobile. La Chine reste d’ailleurs la clef des marchés de minerais et métaux, ce qui est surtout le cas du minerai de fer et du charbon à coke. Jamais par ailleurs le monde n’a produit autant de grains (3,2 milliards de tonnes en 2017-2018).
La sortie des États-Unis de l’accord nucléaire iranien, dont l’une des conséquences a été le retrait de la plupart des grandes entreprises multinationales de ce pays (pour la France Total et PSA figurant en première ligne) illustre, une fois de plus le rôle que joue le dollar sur la scène mondiale. Presque 50 % de la facturation du commerce mondial est faite en greenback, contre 25 % pour l’euro ; les réserves de change des banques centrales contiennent 64 % de dollars, 19,9 % d’euros. Près de 40 % de la dette mondiale est exprimée en dollars, dont plus de 580 milliards de billets circulent dans le monde. Sept pays l’ont adopté comme monnaie officielle, tandis que 89 ont décidé d’indexer leur monnaie sur le dollar, contre seulement 26 pays sur l’euro. Le dollar va-t-il se déprécier davantage ; ce qui conduirait à un relèvement des taux de la FED, décision pouvant déclencher un net freinage de la croissance mondiale ?
Grand jeu au Proche-Orient, sur fond de conflit retenu Arabie saoudite/Iran, désunion occidentale au sein du G7, alors que l’Eurasie affiche une solidarité accrue au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai, autant d’éléments qui vont peser dans les mois à venir sur la conjoncture économique et financière mondiale.
Au moment de l’ouverture de la coupe du monde de football en Russie (du 14 juin au 15 juillet), jamais le monde du football n’a été en si pleine croissance avec une hausse prodigieuse des transferts internationaux qui ont impliqué en 2017, 13 415 joueurs professionnels, issus de 179 pays et de 3 831 clubs ; le plus sensationnel ayant été celui de Neymar, le joueur brésilien du FC Barcelone au club de Paris Saint-Germain pour 222 millions d’euros payés en gaz naturel ! Le chiffre d’affaires de ce dernier (592 millions d’euros) est supérieur au PIB de bien de micro-États siégeant à l’ONU. Quant au tourisme il a progressé de 7 % en 2017, atteignant un record mondial avec 1,3 milliard d’arrivées, le double de l’an 2000, la France sauvegardant son rang de première destination mondiale en entrées mais non en recettes. On le voit à l’heure où l’on parle de repli sur soi et de démondialisation, les grandes évolutions économiques mondiales restent toujours dépendantes de la géopolitique.