Cet ouvrage, préfacé par Jacques Attali, constitue la thèse de doctorat d’État du docteur Prithwindra Mukherjee. Dirigée par Raymond Aron, elle fut soutenue en 1986 devant un jury présidé par Emmanuel Le Roy Ladurie.
L’auteur sociologue, écrivain, poète et musicologue rend ainsi un hommage fervent à son grand-père Jatindra Nâth Mukherjee qui fut l’un des acteurs principaux du mouvement d’indépendance indien.Bien que relativement ancienne cette thèse est d’une brulante actualité. En effet, à un moment où l’Inde s’affirme comme une des puissances du XXIe siècle, il n’est pas inutile de comprendre comment c’est construit cet immense pays et sur quels fondements idéologiques et culturels il a conquis son indépendance et bâti son identité.
Ainsi, l’intérêt particulier de ce livre, et son originalité, est non seulement de retracer le cheminement intellectuel de ce processus, mais de mettre en évidence le fait que, contrairement à l’opinion la plus répandue, du moins en Occident, selon laquelle cette indépendance avait été arrachée par Gandhi, et sa doctrine de non-violence, elle était aussi le fruit d’un long processus révolutionnaire radical auquel un grand nombre d’intellectuels indiens ont participé, jouant un rôle déterminant dans l’affirmation du nationalisme indien et dans la lutte radicale et violente pour l’indépendance.
Du pionnier Râmmohun Roy dès le tout début du XXe siècle jusqu’à Sri Aurobindo, le véritable père du mouvement de l’indépendance en Inde et Jantindra Nâth Mukherjee, son disciple « le penseur en action », l’auteur décrit l’itinéraire de ces révolutionnaires indiens dont le cheminement s’inspire et s’inscrit dans une culture pluriséculaire, celle du Bhagavad Gitâ. L’auteur explique que la conception patriotique en Inde relève de la conception védique de la terre en qualité de mère. Bipin Chandra Pâl écrit « La mère, de même que la terre natale considérée comme une mère, sont plus glorieuses que le paradis ».
Ce livre éclaire ainsi une période fondamentale pour l’indépendance de l’Inde, occultée par l’historiographie officielle. Il montre que la période 1893-1918 fut une période charnière pour l’élaboration du projet dont Gandhi fut l’héritier.
Au-delà de ce contexte indien et en ces temps de révolutions, cet ouvrage est aussi une réflexion sur le thème de la révolution et la place de la violence dans l’histoire. Comme le rappelle l’auteur à la base du patriotisme indien demeure une soif de justice.
Cet ouvrage est indispensable à celui qui s’intéresse à l’histoire de l’Inde et aux mouvements révolutionnaires, et veut comprendre l’Inde moderne. S’appuyant sur un fond documentaire constitué personnellement à partir d’entretiens et de correspondances pendant de nombreuses années, ce document est irremplaçable.