Cet ouvrage universitaire composé d’une douzaine de contributions, vient répondre à un certain nombre d’interrogations relatives à l’organisation et au fonctionnement de la structure d’administration centrale, mise en place autour du secrétaire d’État de la Marine à partir de son premier titulaire, Colbert, en 1669.
Cet organe de direction – précurseur des cabinets, directions, inspections et contrôles de l’actuel « échelon central » du ministère – était jusque-là resté un peu dans l’oubli des études historiques et autres travaux relatifs à la Marine royale.
Le premier constat est celui du périmètre des responsabilités confiées au secrétaire d’État : il s’agit non seulement de l’ensemble des « marines » (guerre, commerce, pêche), mais encore des colonies et du commerce international via le réseau des consuls dont le rôle est alors purement commercial. À noter que le secrétaire d’État cumule également ces fonctions avec celles d’administrateur d’un certain nombre de Généralités, dépendant de la Maison du Roi.
Pour assumer ces lourdes responsabilités, Colbert s’entoure de seulement quelques « commis », qui sont les ancêtres des directeurs d’administration centrale de nos ministères. Au fil des années, le nombre de commis augmente ; ils sont placés à la tête de « bureaux » couvrant l’ensemble des secteurs d’activité : Secrétariat (cabinet), Marine du Levant, Marine du Ponant, Commerce, Achats, Fonds de la Marine, Cartes et plans, Dépôt des archives. Les colonies ne seront traitées par un bureau à part entière qu’à partir de 1710.
En 1787, l’organigramme du département de la Marine comporte : un directeur général, un directeur des ports et arsenaux (le chevalier de Fleurieu), un intendant général des colonies, un intendant général des fonds (Marine, Colonies, Invalides), un inspecteur général de l’artillerie de marine, une administration des consulats, un commissaire général des classes (marine de commerce, garde-côtes), un comité pour les pêches, un dépôt des cartes, plans et archives, et un bureau du contentieux.
Un chapitre traite de l’installation rationnelle de cette lourde structure dans l’hôtel de la Marine et des Affaires étrangères, construit spécialement à cet effet à Versailles en 1763 et jouxtant l’hôtel de la Guerre.
L’ouvrage met également en exergue la façon dont les directives ministérielles sont élaborées, transmises et contrôlées. La lettre manuscrite est naturellement l’outil principal de l’administration. Entre Colbert et la fin de l’Ancien régime, on observe sans surprise une véritable explosion du nombre de courriers traités, à Paris comme à Versailles, mais aussi dans les provinces comme dans les consulats. L’administration apparaît de plus en plus centralisée et tatillonne.
Deux contributions portent sur des études biographiques, centrées sur deux « commis » dont les chercheurs ont pu retracer la carrière. Elles font la lumière sur des personnages parfois atypiques, insérés dans des réseaux plus ou moins influents, jouant de leurs relations pour asseoir leurs carrières et celles de leurs proches.
Au final, un ouvrage intéressant qui retrace la genèse de la mise en place, surtout par les successeurs de Colbert, d’une administration lourde et très centralisée, qui perdure jusqu’à aujourd’hui.