Cette synthèse rédigée par Kader A. Abderrahim dans la collection Géopolitique s’inscrit dans le prolongement de la Géopolitique des États du monde lancée en 1996 aux Éditions Complexe de Bruxelles, dont la RDN a recensé bien des titres. En quelques pages concises, s’appuyant sur des cartes, des tableaux, des encarts, une chronologie développée, l’auteur effectue un tour d’horizon complet de la géopolitique du Maroc, en laissant de côté son économie, mais en décrivant les grands traits de sa vie politique, culturelle, sociale et religieuse.
Situé à moins de 15 kilomètres de l’Europe, le Maroc dont les frontières avec l’Algérie sont pratiquement closes depuis 1994, a entamé depuis peu un retour remarqué en Afrique, par la voie de sa réadmission au sein de l’Union africaine et sa demande d’intégration au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). « Le Maroc est un arbre dont les racines plongent en Afrique et qui respire par ses feuilles en Europe ». C’est par ces mots que le roi Hassan II avait coutume de décrire son pays en ajoutant qu’avec la France et l’Espagne il possédait la caractéristique d’être le seul pays à baigner dans la Méditerranée et dans l’Atlantique. D’où ses liens avec l’Amérique latine et bien entendu de façon traditionnelle avec les États-Unis dont il a été le premier à reconnaître l’indépendance en 1776.
Enserré dans ses frontières, corseté par ses traditions, le Maroc est aussi un pays ouvert sur le monde. Au Sud, il est en train de se réapproprier ce qu’il considère comme son domaine historique, au-delà du Sahara, une stratégie qui vise à développer son économie (banques, télécoms, phosphates ou transport aérien) dans le cadre d’une coopération multiforme avec les pays de l’Afrique de l’Ouest. Selon la Banque africaine de développement (BAD), le pays a investi entre 2008 et 2015, plus de 2,2 milliards de dollars en Afrique, singulièrement en Afrique subsaharienne. En dix ans (2005-2015) près de 3 200 accords et conventions bilatérales ont été signées avec des États africains. Le royaume y compte désormais 25 représentations diplomatiques, dont 21 au Sud du Sahara et cherche à diversifier ses relations en dehors du cercle de des pays francophones, en direction de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe, où pourtant il ne compte pas que des amis ; l’Afrique du Sud lui reste toujours hostile. En fait c’est bien la question du Sahara occidental, ouverte depuis 1975, qui freine toutes ses tentatives de rapprochement avec son voisin algérien et bien d’autres États africains catalogués jadis de « progressistes ». En avril 2018, des tensions se sont ravivées dans la zone tampon avec le Polisario alors que la scène diplomatique s’est animée à New York. En avril 2017, le Maroc avait déposé à l’ONU, un projet de plan d’autonomie pour le Sahara occidental, qualifié de « sérieux et de crédible » par maintes chancelleries, mais il a été rejeté par le Polisario et l’Algérie.
Ces dernières années il a diversifié ses relations, en nouant des rapports plus étroits avec la Russie, principalement sur le plan sécuritaire et la Chine sur le plan commercial, s’efforçant d’investir avec elle dans les pays subsahariens. Aussi grâce à sa bonne image, ayant bien su gérer les épreuves du printemps arabe de 2011, fort de son rôle dans les instances régionales et internationales, le Maroc s’est posé en interlocuteur dans le domaine de la sécurité (missions de l’ONU) dans la gestion des crises internationales (en Libye). Cependant sa tentative de médiation dans le conflit entre le Qatar et l’Arabie saoudite qui a éclaté en juin 2018, lui a attiré l’ire du prince hériter Mohammed ben Salmane, et l’Arabie saoudite s’est même opposée à sa candidature pour le mondial de football de 2026.
Le roi Mohammed VI veut hisser désormais son pays au rang de puissance régionale en attirant les capitaux étrangers. Toutefois, en dehors des phosphates, où il occupe une place de leadership, d’un tourisme prospère qui n’est pas extensible, d’activités textiles et manufacturières, le Maroc ne dispose que de relativement peu de ressources autres qu’humaines. D’où sa politique ambitieuse de formation qui se traduit dans le domaine universitaire par des partenariats prometteurs avec des grandes universités ou des écoles comme la prestigieuse HEC. En 2017, il occupait le 61e rang dans le classement économique mondial, derrière l’Égypte (45e), l’Algérie (55e), le Nigeria (33e) et l’Afrique du Sud (31e). Entre Europe et Afrique, monde arabe et Atlantique, le Maroc vigile attentif à l’écoute de bien des courants a les atouts de ses ambitions.