Max Schiavon allie à la fois les qualités de l’officier qu’il a été durant de nombreuses années et celles de l’historien qui l’ont conduit à écrire des ouvrages de référence dont une récente biographie de Weygand. Sa connaissance de l’art du commandement avec ses succès et ses échecs comme en 1940 l’a ainsi amené à rédiger ce petit ouvrage très original sur la façon d’être un chef en s’appuyant sur des citations de grands chefs militaires qui ont traversé et marqué l’histoire.
Certes, il ne s’agit pas d’un traité sur cette thématique mais bien de citations commentées permettant d’éclairer la façon de diriger des hommes dans un cadre particulier lié au métier des armes. On ne s’improvise pas chef, on le devient grâce à la formation et à l’expérience, à condition aussi d’en avoir le caractère, la détermination et le courage. À cela, doivent se rajouter les talents dans la relation à autrui, sans oublier la petite dose de chance qui fait basculer le destin du bon côté.
En 90 pages, de nombreux aspects sont ainsi abordés et permettent de dresser non pas un portrait-robot de ce qui doit être un chef mais plutôt une palette quasi impressionniste de ce qui permet à un homme – ou à une femme – d’assumer avec efficacité ce type de responsabilité. Je regrette ici qu’il n’y ait aucune mention de femme. Certes, elles ont été peu nombreuses comme chef militaire. On aurait pu citer ainsi Margaret Thatcher qui, en avril 1982, alors que la guerre des Malouines débutait disait « Défaite ? Je ne connais pas la signification de ce mot. »
Il n’en demeure pas moins que cet opuscule est fort utile et fort éclairant, en soulignant ces vertus indispensables qui font la différence entre celui qui décide et commande, et le manager dont la fonction première est la gestion. L’idéal est quand le chef a aussi des qualités de manager et d’organisateur, à l’image de Foch ou d’Eisenhower qui ont su tous les deux allier la vision du stratège avec la planification conduite par des états-majors bien formés et entraînés.
De fait, il y a besoin qu’une certaine alchimie fasse son effet entre le leader et ses forces. En effet, c’est bien la rencontre des deux qui forge le succès, que ce soit sur le champ de bataille ou dans d’autres activités. On peut d’ailleurs lire en creux ces propos pour en ressortir les défauts du mauvais chef, en particulier l’absence d’exemplarité et la malhonnêteté, les deux étant rédhibitoires. Cela signifie également l’importance du respect de ses subordonnés, sans qui rien n’est possible.
À l’heure où l’on s’interroge sur le clivage entre les élites – parées de tous les défauts – et le peuple – qui serait par nature vertueux, la lecture de ce petit ouvrage est roborative et démontre avec une certaine efficacité que l’art du commandement est une réalité toujours nécessaire et qui conserve toute sa modernité, y compris à l’heure de la dématérialisation numérique où la dimension humaine est trop souvent reléguée au second plan. Ce n’est donc pas un hasard si le président de la République a récemment confié la redoutable mission de reconstruire la cathédrale Notre-Dame à un officier général, successeur en son temps du maréchal Foch et qui pourrait reprendre sienne cette maxime du généralissime pour décrire sa nouvelle mission : « Ne me dites pas que ce problème est difficile, s’il n’était pas difficile, ce ne serait pas un problème. »