
Les récents événements survenus en Algérie qui se sont soldés par le retrait d'Abdelaziz Bouteflika et de son clan de la scène politique, du fait d’une mobilisation sans précédent de la population algérienne, surtout des jeunes et des femmes, ont certainement ravivé l’intérêt que nous portons à notre important voisin au Sud de la Méditerranée.
Une longue histoire souvent heurtée sinon tragique nous lie à l’Algérie. Mais jamais, comme le montre Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique et chroniqueur au Quotidien d’Oran, des rapports dénués de toute arrière-pensée et de récriminations réciproques n’ont pu être établis entre l’Algérie et la France. Établir de telles relations exige des efforts de part et d’autre, et aussi une connaissance approfondie de ce pays, à la fois si proche et si lointain.
L’Algérie dispose de tous les atouts nécessaires à un développement réussi. Mais elle dépend encore exclusivement des hydrocarbures pour sa croissance et ses finances. Le pays est le 18e producteur mondial de pétrole et le 9e producteur de gaz naturel, dont il est aussi le 6e exportateur. Les réserves algériennes lui assurent cinquante-cinq ans de production et le placent au 10e rang mondial. L’économie algérienne est dépendante de ce secteur qui représente 60 % des recettes de l’État, mais fournit 98 % des recettes d’exportation qui représentent bon an mal an 50 milliards de dollars par an.
On a beau évoquer par période l’après pétrole, mais cet horizon s’éloigne à chaque fois que le cours du baril remonte. À ces ressources conventionnelles de gaz et de pétrole s’ajoutent encore de substantielles réserves de gaz de schiste, évaluées à 17 000 milliards de m3, ce qui représente quatre fois les réserves conventionnelles et assurerait au pays encore deux siècles et demi de consommation et d’exportation. Théoriquement l’Algérie pourrait produire 30 milliards de m3 de gaz, ce qui augmenterait ses recettes d’exportation de 40 %. Mais ces perspectives s’éloignent du fait d’une forte levée de boucliers dans les zones sahariennes où se trouvent ces réserves, en outre l’exploitation du gaz de schiste exige d’importantes quantités d’eau pour assurer la fracturation de la roche mère. Dotée d’importantes réserves d’uranium, non exploitées, l’Algérie a manifesté à plusieurs reprises sa volonté de se doter d’un secteur nucléaire civil, mais là aussi ces intentions ne se sont pas concrétisées. De plus Alger a renoncé à toutes ambitions de nucléaire militaire en signant en 1995 le TNP.
Selon les années et la pluviométrie l’agriculture pèse de 10 à 13 % du PIB et emploie 13 % de la population, mais son véritable potentiel n’est pas utilisé. Malgré son potentiel de développement réel, l’Algérie n’apparaît pas comme un pays réellement attractif pour le développement du secteur privé, du fait des lourdeurs administratives héritées de la période « socialiste » et n’attire ainsi que peu d’investisseurs étrangers. De fait, l’Algérie qui figurait à la 166e place sur 190 dans le classement « Doing Business » de la Banque mondiale n’améliore que lentement son score en se hissant à la 157e place.
Quels rapports entretien aujourd’hui l’Algérie avec le reste du monde, elle qui fut dans les années 1960 et le début des années 1970 un des phares du tiers-monde et la capitale de bien de mouvements révolutionnaires du Sud ? À de rares exceptions près, les Algériens n’ont que peu d’interactions avec le reste du monde arabe. Conséquence des difficultés économiques et du traumatisme provoqué par la guerre civile, la cause palestinienne, jadis sacrée, est passée au second rang. Avec la France, on l’a dit les rapports n’ont pas été totalement normalisés. Alger déplore le soutien constant apporté par la France au Maroc sur la question du Sahara, que l’Algérie considère comme un problème de décolonisation inachevée. Côté français, Paris déplore le refus algérien de ne pas s’engager au sahel et en Libye pour stabiliser la région. Ensuite la France juge avoir fait de nombreuses concessions sur la question mémorielle (usage de la torture, massacres de 1945) et souhaiterait que l’Algérie en fasse de même notamment sur l’épineuse question des harkis. Avec les États-Unis, malgré des divergences idéologiques, l’Algérie a toujours entretenu des relations sereines et sa politique d’ouverture à l’égard des compagnies pétrolières américaines lui vaut de bénéficier de l’appui d’un solide lobby dans la capitale fédérale américaine. L’Algérie a repris ses bonnes relations avec la Russie qui s’étaient détendues après 1991. Elle lui a commandé des armements à hauteur de 30 à 40 milliards de dollars alors que les échanges commerciaux ont atteint 3 milliards par an. Quant à la Chine elle est devenue le premier fournisseur de l’Algérie avec une part de marché atteignant 20 % et ces échanges atteignent 8 milliards de dollars par an. Une importante minorité chinoise est désormais installée sur place et a dû accomplir ce que les Européens n’ont pu accomplir en cent cinquante ans : ils ont appris à parler couramment l’arabe algérien.