Sébastien Boussois, chercheur associé à l’université libre de Bruxelles, a vécu au Maroc où il se rend plusieurs fois par an. En donnant la parole à de nombreux représentants de ce pays, il en dresse un panorama bien actuel et diversifié. Il donne également la voix aux Marocains de la diaspora qui fait partie des dix plus grandes diasporas du monde ; 1,6 million de Marocains sont établis en France et 600 000 en Belgique à la suite de l’accord Maroc-Belgique de 1964.
Le royaume chérifien a beaucoup changé durant ces vingt dernières années. Depuis qu’il a accédé au trône en 1999 – la même année qu’Abdelaziz Bouteflika est devenu Président en Algérie – Mohammed VI, un temps appelé « roi des pauvres », a entamé une série de grands chantiers – depuis le TGV de Tanger à Casa, jusqu’au refinancement de la région du Rif – et il lui a fallu purger une partie du passé et des démons de la politique de son père : redonner confiance au peuple et le sortir des stigmates et de l’anxiété sociétale entretenue par la paranoïa d’Hassan II.
Il a profité du vide de l’Algérie pour s’imposer sur le continent. Casablanca est devenue ainsi une capitale africaine, et le port de Tanger la grande porte d’arrivée en Afrique.
Pays de lumières et de contrastes, partenaire privilégie de l’Europe et des États-Unis, le Maroc a accueilli la 22econférence internationale sur le climat (COP22) en 2016, spécialiste de l’énergie photovoltaïque dans la région et pays du cinéma pour ses studios dédiés à Ouarzazate et ses paysages exotiques. De toute évidence, le roi a transformé l’image de son pays, par sa jeunesse, son intérêt pour les affaires et la logique économique, sa politique de redéploiement pro-africaine, la réforme de la constitution, la réforme du code de la famille, la reconnaissance nationale de la langue et culture amazigh, qui a dû attendre des décennies pour avoir droit de cité.
Le judaïsme est une composante importante de l’identité marocaine : sait-on qu’il y a deux musées juifs dans le monde arabe, tous deux sont à Casablanca qui compte encore 2 000 Juifs.
Même si régulièrement des mouvements de protestation ont lieu de Rabat au Rif, ils témoignent surtout d’une volonté du peuple de se développer, de profiter des fruits de la modernisation et d’une meilleure distribution des richesses, mais personne ne demande le départ de la dynastie des Alaouites. Ainsi à pas mesurés, le Maroc du XXIe siècle entre dans la modernité et fait figure, par rapport à ses voisins, de pôle de stabilité. Selon Souad Mekkaoui, directrice de la rédaction du Maroc Diplomatique, après vingt ans de règne le Roi continue non seulement de transformer, mais de façonner la société marocaine ; la société civile est devenue aujourd’hui un acteur indispensable au projet de société.