Ce nouveau Mook publié par les éditions belges Weyrich et richement illustré porte sur la deuxième moitié de l’année 1944, une fois que la difficile bataille de Normandie eût été gagnée par les Alliés. Il est vrai que dans la mémoire collective – souvent défaillante – la libération de la France s’achève quasiment avec la libération de Paris le 25 août, le symbole de la capitale étant central dans la culture politique nationale et dans le mythe républicain de la France combattante, construit alors à la fois par le général de Gaulle et également revendiqué par le PCF.
D’où l’intérêt de cet ouvrage qui vient combler un certain vide bibliographique en traitant des batailles qui ont suivi et qui ont occupé la fin de l’été 1944 jusqu’à l’automne, avec une préoccupation permanente pour les Alliés : la pénurie logistique, principalement en carburants, les unités étant toutes motorisées à 100 %.
Cette dimension est en effet centrale durant cette période et avait été prise en compte dans la conception de l’opération Overlord avec la nécessité tactique de se saisir au plus vite du port de Cherbourg et de construire deux ports artificiels, les Mulberry A et B. Or, la tempête du 19 juin en détruisant Mulberry A d’Omaha Beach et le retard dans la saisie du port de Cherbourg – fortement détruit par les Allemands – eurent un impact direct en réduisant les capacités de ravitaillement des unités alliées toutes mécanisées ou motorisées uniquement à partir d’Arromanches.
L’article sur le Red Ball Express envoyant quotidiennement environ 900 camions en rotation permanente pour assurer les flux logistiques est à cet égard particulièrement intéressant, démontrant la maîtrise par SHAEF de l’organisation des chaînes de transport entre l’arrière et les différents fronts, malgré les difficultés rencontrées dont celui de la maintenance des camions GMC fortement sollicités d’autant plus que les élongations s’accroissaient régulièrement et que les capacités du réseau routier français restaient limitées avec des routes à 2 x 1 voie au maximum.
Un autre aspect ressort de ce Mook, la rivalité entre les chefs militaires alliés, obligeant Eisenhower à des compromis permanents entre Britanniques et Américains. De plus, même si les Allemands perdent la bataille de Normandie, leur combativité reste intacte et les unités bien qu’en repli, saisissent toutes les opportunités du terrain pour combattre les Alliés et leur infliger des pertes non négligeables. Et de fait, les Alliés estimaient qu’ils pourraient avoir conclu les opérations pour la fin 1944 autour de Noël, pensant avoir brisé la Wehrmacht en Normandie. Il n’en fut rien comme le montre cet ouvrage.
La Libération de Paris y est également présentée sous la double approche militaire et politique avec la chevauchée de la 2eDB de Leclerc qui ne fut pas une ballade de santé, obligeant les éléments de tête à livrer de nombreux combats dans les banlieues parisiennes du Sud et de l’Ouest pour réduire les poches de résistance allemande. Cet épisode abondamment connu reste cependant essentiel puisqu’il a permis au général de Gaulle d’asseoir définitivement son autorité politique face aux différentes entités de la Résistance parisienne, dont les FTP étroitement liées au PCF.
La période qui suit la Libération de Paris – trop souvent oubliée dans les ouvrages – est ici présentée, notamment avec l’avancée vers la Belgique et la libération de Bruxelles début septembre. Un des objectifs dans cette direction était la saisie du port d’Anvers considéré comme indispensable pour la logistique alliée. Là encore, cette dimension a été essentielle en particulier pour le carburant, nerf de la guerre et préoccupation permanente du commandement. Durant cette phase tactique, les auteurs soulignent le repli en bon ordre des Allemands qui, malgré la supériorité aérienne alliée et donc des pertes élevées, arrivent à remonter vers l’Allemagne et à échapper à la capture, d’autant plus que le 12 septembre, en Bourgogne, les troupes d’Overlord rejoignent celles de Dragoon – le débarquement en Provence ayant eu lieu les 15 août avec une très forte participation des armées françaises, Lyon ayant été par ailleurs libéré le 3 septembre.
Ce Mook, bien illustré, apporte une contribution forte intéressante, en particulier pour des lecteurs peu familiers avec cette période complexe ayant suivi la bataille de Normandie. Nul doute que les suivants continueront dans cette voie car il ne faut pas oublier que la guerre s’est poursuivie sur le territoire français durant de nombreux mois et même jusqu’en mai 1945 pour les poches de l’Atlantique (Lorient : 10 mai, Saint-Nazaire : 11 mai, La Rochelle : 9 mai) et Dunkerque, avec ses victimes et ses destructions.