Ce livre est dédié à l’étude de « L’empire des sables », c’est-à-dire pour une large part du Sahara et de ses confins entre 1860 et 1960. Durant un siècle, dans cet espace immense et face à une situation complexe et mouvante, l’armée française et singulièrement les Troupes coloniales, ont inventé ex nihilo des organisations et des modes d’action adaptés au contexte géographique, religieux, climatique et sanitaire pour mettre fin aux rezzous et imposer une paix durable. Puis à partir de 1930, de « guerriers », le rôle des coloniaux muta en celui de « gestionnaires ».
L’ouvrage se présente en quatre parties.
« Les rythmes d’une conquête chaotique ». L’auteur établit que, contrairement à l’Algérie, la conquête du Sahel ne résulte pas d’une ambition militaire mais d’une volonté politique de pénétration commerciale et de lutte contre l’esclavage. Elle s’accompagne de l’émergence d’un nouveau type de soldat, le soldat colonial.
« La mission originelle du Saharien, la lutte contre les pillards ». Cette partie, la plus importante en volume, décrit les buts et les modes d’action de la lutte contre les rezzous, incursions armées effectuées par des bandes de guerriers dans le but de piller. L’auteur évoque tous les aspects de cette lutte : connaissance de l’adversaire, renseignement, transmission des informations, procédés de combat, etc.
« Le risque sanitaire ». L’auteur met ici en lumière le rôle du médecin colonial dans le Sahel des années 1860-1960. Sa tâche passa très vite de l’assistance médicale à la troupe aux soins prioritaires aux populations. À l’instar de l’officier méhariste, le médecin colonial devait avoir l’esprit de décision et la faculté d’adaptation, même si, rançon de l’isolement, il avait une appétence modérée pour la discipline et les règlements militaires.
« La paix nazaréenne (nazaréen signifiant chrétien dans le Coran) ». Sont ici étudiés les effets de la « pax francia » sur les soldats coloniaux entre la fin des années 1920 et les années 1960. L’auteur montre avec force exemples que le guerrier a fait place au « gestionnaire » dont il détaille les actions dans de multiples domaines : les reconnaissances de terrain et la cartographie, le recensement de population et la perception d’impôts, le développement d’un système de santé publique et la promotion de l’économie.
Ce livre s’adresse à tous ceux qui s’intéressent à l’Afrique et particulièrement à ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la bande sahélo-saharienne. Certes consacré à la période 1860-1960, il est d’une actualité brûlante à l’heure de l’engagement militaire français car il donne à comprendre, en partie, les racines de la situation qui prévaut aujourd’hui dans cette région.
Emmanuel Garnier est directeur de recherche au CNRS et il est par ailleurs professeur aux Universités de Cambridge et de Genève ainsi qu’au MIT (Massachusetts Institute of Technology). Son domaine de recherche est l’histoire des risques naturels, militaires et sanitaires en Europe, en Chine et en Afrique.
NDLR : avec l’autorisation de l’Académie des sciences d’outre-mer (www.academieoutremer.fr).