Cette deuxième édition complétée de ce manuel est particulièrement pertinente et intéressante pour tous ceux qui veulent comprendre la finalité et le fonctionnement des services dits « secrets ». L’auteur, très impliqué dans les actions de formation au sein de l’INHESJ et de l’EOGN notamment, propose ainsi un panorama clair et précis de l’existant en France, en le plaçant dans une perspective historique, d’où l’inclusion de ce livre dans la collection Histoire.
Il s’agit, dans la tradition des éditions Eyrolles, plus d’un ouvrage universitaire que d’un récit avec l’évocation d’affaires célèbres. Un travail d’universitaire et non journalistique, mais qui permet ainsi de bien comprendre l’organisation de nos services avec la complexité et les sources de dysfonctionnement qui en résultent.
En effet, la situation actuelle est le fruit d’une longue évolution et de pratiques qui dépendent fortement du besoin exprimé par l’autorité, en l’occurrence l’État. L’auteur relate le pourquoi : avec la priorité accordée au renseignement et le comment ; avec les outils développés au fur et à mesure des décennies. Il est un fait qu’il faut distinguer ce qui ressort de l’action hors du territoire national, essentiellement liée à la diplomatie et à l’engagement militaire et ce qui est propre au territoire national avec une dimension policière beaucoup plus importante.
Au fil des pages, on constate que le dispositif piloté par le ministère de l’Intérieur est pour le moins compliqué avec des organismes parfois en concurrence structurelle de par leur histoire et de leurs autorités de tutelle. Cette dernière est d’ailleurs une des clés de compréhension du dispositif, mais aussi de ses failles par l’absence longue d’un réel niveau de coordination, même si celui-ci existe désormais à l’Élysée avec le Coordonnateur national. Il n’en demeure pas moins une certaine opacité et rivalité au sein de l’Intérieur, avec des conséquences opérationnelles parfois fâcheuses.
Toutefois, si cet ouvrage apporte beaucoup, il reste très « intérieur » centré et donc avec une approche plutôt policière. En effet, dans le domaine international, l’acquisition du renseignement passe aussi par le réseau diplomatique dont l’une des fonctions premières consiste bien à faire remonter vers Paris des informations vérifiées permettant aux autorités de faire des choix. Il faut également rajouter le rôle du monde académique qui apporte une réelle expertise sur certains sujets – avec la limite souvent contradictoire de la liberté revendiquée par le chercheur – notamment sur la connaissance de certaines zones crisogènes.
On peut également regretter l’absence des think tanks qui, eux aussi, contribuent à l’analyse en rassemblant des compétences souvent partagées avec les Services. Par contre, le tempo n’est pas le même dans la mesure où ces organismes de recherche s’inscrivent plutôt dans le temps long, donc stratégique.
Enfin, si le renseignement a été longtemps l’apanage de l’État, la compétition économique a développé les officines liées à l’intelligence économique, avec un retard certain par rapport au monde anglo-saxon toujours novateur dans ce champ d’activité. Là encore, il a fallu beaucoup de temps pour que les organismes de renseignement officiels prennent en compte ce besoin devenu essentiel pour protéger notre souveraineté économique, trop longtemps négligée et dont on voit hélas les conséquences aujourd’hui.
Plus que jamais, dans un monde où les tensions ne cessent de s’accroître, nos services secrets sont plus que jamais indispensables et doivent avoir les moyens techniques et financiers suffisants pour pouvoir être efficaces. Mais pour cela, il faut aussi des hommes et des femmes compétents et dévoués à défendre la France. Ce livre peut permettre ainsi à nos futurs agents de bien se préparer et donc de connaître le dispositif national qui sans aucun doute continuera à s’accroître et à s’adapter aux besoins de demain.