Il y a quatre-vingts ans, le 10 mai 1940, trois panzerdivisionen (1re, 2e et 10e Panzer) composant le XIXe corps blindé du général allemand Guderian, percent le front français à Sedan, à la charnière entre la 2e (Huntziger) et la 9e armée (Corap). Le secteur de Sedan est tenu par une division de série B, la 55e DI, dont le personnel est constitué de réservistes d’âge moyen. Issu d’un service militaire réduit à un an (jusqu’à 1936), ce personnel est relativement peu instruit. À l’exception de deux colonels d’active et de deux chefs de bataillon d’active, tous leurs officiers sont réservistes. L’armement de la division laisse aussi à désirer. Elle manque surtout d’armement antichar et de DCA. C’est pourtant cette division qui subira le choc principal et dont la destruction ouvrira la voie au « coup de faucille » allemand en direction des côtes de la Manche.
La 55e DI est commandée, à partir du 1er mars 1940, par le général Henri Lafontaine (1882-1966), le grand-père de l’auteur de ce livre. Il sera limogé après la bataille.
Prenant appui sur les nombreuses études qui ont été réalisées sur les combats de Sedan, dont un mémoire de l’École supérieure de Guerre de 1962 rédigé par le père de l’auteur, le général Marcel Lafontaine, l’auteur cherche ici, à la fois, à établir un récit précis du déroulement des faits et à rendre hommage aux combattants de 1940, tant du côté français que du côté allemand.
Ces quelques jours de combat font l’objet d’une description détaillée, souvent d’heure en heure. Les 10, 11 et 12 mai sont l’objet de combats retardateurs de la part d’unités de cavalerie française. L’attaque allemande sur le secteur de la 55e DI intervient le lendemain. Un appui aérien massif de la Luftwaffe est lancé dès les premières heures du 13 mai. Il occasionne peu de pertes en personnel, mais des matériels importants sont détruits, « il y a des ruptures dans les circuits téléphoniques, les postes radio du PC sont détruits, des antennes sont soufflées » nous précise l’auteur. L’effet moral est encore plus considérable : « les fantassins se terrent, les artilleurs cessent le feu ». Et ce d’autant plus que l’aviation française est invisible ce jour-là. À 15 heures, alors que l’artillerie allemande ouvre le feu, les trois panzerdivisionendébouchent. La plupart des ouvrages français résistent, mais la rupture des communications rend difficile l’appréciation de la situation par le commandement.
Un phénomène de panique, souvent mentionné dans la littérature sur la campagne de France, intervient et rend difficile la mise en place des renforts pour la contre-attaque du lendemain. Il touche l’artillerie du 10e corps d’armée, dont dépend la 55e DI, mais assez peu cette dernière.
Le lendemain, 14 mai à midi, « la 55e DI a vécu ; elle a disparu avec sa contre-attaque, où chars légers et fantassins ont fait courageusement leur devoir au prix de lourdes pertes ». Elle a cependant freiné l’avance adverse et permis aux 3eDIM et 3e DCR de se mettre en place pour la suite de la campagne.
L’un des adversaires du général Henri Lafontaine, le lieutenant-colonel Hermann Balck, qui commandait alors le 1errégiment de fusiliers, rend hommage dans ses mémoires à son action énergique et courageuse à la tête de la 55e DI et il n’est pas le seul.
Le livre du général Yves Lafontaine permet de rétablir la vérité historique sur cette bataille malheureuse et sur la 55e DI que l’on rend souvent responsable, à tort, de la défaite de 1940. Il est conçu comme un véritable dossier et comporte notamment les organigrammes détaillés des unités en présence et une vingtaine de cartes. Il est précieux également par les nombreux témoignages de combattants qu’il contient. Clair et précis comme une étude tactique bien que l’auteur s’en défende, ce livre constitue certainement un modèle à suivre dans le domaine de l’histoire militaire.