Jonquille, c’est le nom de la compagnie d’infanterie du 16e bataillon de chasseurs à pied de l’auteur, le commandant Jean Michelin, qui est projetée en Afghanistan en mai 2012. C’est aussi le nom de ce récit, qui porte et passionne, qui livre avec sincérité et honnêteté le quotidien de l’auteur et celui de sa compagnie pendant cette opération extérieure de six mois.
Chaque chapitre porte le nom ou la fonction des hommes qui composent cette unité. Ils ne sont pas des anonymes, ils sont des acteurs, on apprend à les connaître, pour leur courage, leur engagement, mais on distingue aussi les peurs, l’impuissance et même la douleur d’un officier qui voit ses hommes si proches de la mort. Elle frôle chaque mission, « c’est un air que l’on respire ».
Pourtant, même si la mort plane, elle n’est pas seule. Jean Michelin raconte aussi les journées épuisantes sous la chaleur afghane, ponctuées de petits tracas quotidiens mais racontées avec humour, de missions menées sans embuches et de confidences imprévues. La hiérarchie qui caractérise l’armée se fond dans les liens qui se créent en mission. Chacun est essentiel, chacun est un héros, la fraternité est une valeur qui prend tout son sens. Bien au-delà des enjeux politiques d’une telle mission, il y a les vies qui se jouent sur le terrain et la culpabilité qui frappe les chefs d’unité lorsqu’un homme meurt.
L’attente est au cœur de ces missions ; inlassablement, l’unité est face à un ennemi très peu visible, il les guette et, par à-coups, les touche physiquement, par balles, avec quelques obus et des engins explosifs. La multitude d’acronymes militaires renforce la réalité du récit, ces engins les menacent et le chef, en tant que soldat ne voit finalement que très peu de choses. Il est relié par des fils invisibles qui le tiennent en retrait, il communique, et craint, à chaque instant de prononcer ces mots ; « Jonquille, contact ». C’est ici que l’on comprend que le combat, ce sont d’abord des sons, des communications radio, des mots avec l’équipage, des bruits de balles dont ils ne connaissent pas le destinataire et parfois, la grande explosion, le plus redouté de tous les sons.
Cet ouvrage décrit, avec toute l’humilité d’un militaire, la vie d’un soldat en mission. Il expose les faiblesses, les incompréhensions et la reconstruction d’hommes, marqués dans leur corps et leur esprit par leur engagement. Le don de soi, les liens familiaux et amicaux, et surtout, la fierté de voir chacun avancer et grandir dans sa mission. C’est l’autobiographie non pas d’un homme, mais d’une âme et de tous ceux qui l’ont entouré.
Jean Michelin parle d’un devoir de mémoire, mémoire dont il n’est pas le seul dépositaire ; mais lorsqu’on referme le livre, il est évident que l’Afghanistan ne pourrait se perdre dans la mémoire de ces soldats. C’est tout là l’enjeu du retour d’opération, dépasser le politique, se concentrer sur ce qu’il reste de l’humain et de la vocation militaire. ♦