Notre planète subit des bouleversements de toutes sortes. Effets de plus en plus visibles du changement climatique, pertes de biodiversité, pandémie actuelle et prévisible, transition énergétique ; toutes ces conséquences s’amplifient, se conjuguent et s’enchaînent. En Amazonie, vaste de près d’un million d’hectares de forêts primaires, la réserve de Chico Mendes – du nom du militant écologiste assassiné en 1988 pour s’être dressé contre les fermiers latifundiaires – était, il y a quelques années la mieux protégée du Brésil. Elle est aujourd’hui l’une des plus saccagées du Brésil. À l’heure actuelle 15,3 % des terres et 7,5 % des océans font partie des zones protégées, alors que certains experts estiment qu’il en faudrait 50 % afin de préserver la biodiversité et la soutenabilité de notre planète. On se demande si l’objectif de 30 % que s’est fixé l’Union européenne est atteignable.
En janvier 2020, l’Australie brûle depuis plusieurs mois. Au total, 33 personnes périront, 186 000 km2 et plus de 3 000 propriétés sont détruits. Les Alpes ont gagné plus de 2 °C depuis le milieu du XIXe siècle, soit un réchauffement climatique deux à trois fois plus rapide que pour le reste de la planète. Les résultats sont visibles à l’œil nu : les glaciers reculent de manière accélérée comme la mer de glace. Il existe pourtant des remparts contre la sécheresse, comme le mil du Sénégal, cette graminée qui nourrit aujourd’hui 100 millions de personnes dans les régions les plus arides de la planète : elle peut pousser avec 250 mm d’eau par an quand il en faut 350 mm pour le sorgho et 750 mm pour le maïs et le riz. Mais peut-on changer de régime alimentaire à une aussi vaste échelle ? Autre phénomène abondamment illustré, la plastisphère mortifère. Depuis son invention en 1869, 8,3 milliards de tonnes de plastique ont été produites, qui ne se dégradent pas, sont toujours là, éparpillées, à terre et en mer. On les trouve partout, de la fosse des Mariannes à 11 000 mètres de profondeur, jusqu’en Arctique ; 5 000 milliards de micro plastiques invisibles à l’œil nu, dont certains sont à l’origine de maladies chez les animaux marins, comme chez les humains.
En se basant sur une série d’articles du Monde, dont certains ont été remis à jour en mars-avril 2021, l’équipe « Planète » du journal Le Monde dresse un état complet de la planète. Grand dérèglement climatique, pesticide, déforestation, sauvegarde de la biodiversité, prochain défi planétaire, océans et eaux douces, aux ressources inestimables, condition animale et alimentation durable, nouveaux débats de société. Prolifération des pollutions et risques industriels, l’humanité au défi de la Covid-19, l’inexorable tournant vers les énergies vertes. On apprend ainsi que les zones mortes des océans sont passées de 3 à 8 % de leur superficie totale de 1970 à 2010, réduisant d’autant leur capacité à produire de l’oxygène, d’absorber du CO2 ou de fournir des ressources halieutiques. Or, la compétition à leur propos, notamment en mer de Chine, pose déjà des problèmes de sécurité qui ne pourront que s’aiguiser à l’avenir. Environ 500 millions de personnes vivent déjà dans des zones en cours de désertification, les populations les plus touchées étant celles de l’Asie du Sud et de l’Est, de la zone sahélienne et du Moyen-Orient, déjà les régions les plus conflictuelles du globe. Ce vaste panorama, illustré, documenté où article de fond se mêlent aux expériences de terrain, aux divers témoignages et interview offre une vision, certes préoccupante de l’état de la planète, mais somme toute réaliste. A-t-on atteint le point de non-retour, la notion du jour d’épuisement est-elle réaliste, est-il encore temps d’agir ? Déjà en 1979, le rapport Jule Charney (1917-1981), physicien de l’atmosphère et professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis, premier document consensuel dans lequel la science moderne prédit un réchauffement en raison du renforcement de l’effet de serre, se terminait par ces mots : « Attendre[BE1] pour voir avant d’agir signifie attendre qu’il soit trop tard. »
Jusqu’à présent, les États-Unis, pas plus que la Chine ou l’Inde – les trois plus grands émetteurs de gaz à effet de serre – atteignant presque les deux tiers du total mondial, n’ont relevé l’ambition de leurs objectifs climatiques, comme les y invite pourtant l’accord de Paris. Dans un décompte révélé par les Nations unies fin février 2021, 75 pays sur 200 s’étaient livrés à l’exercice : leur impact combiné entraînerait une baisse des émissions de seulement 0,5 % d’ici à 2030, comparé à 2010. Nous sommes désormais mieux avertis, mieux armés aussi pour affronter ces défis planétaires qui transcendent les actuelles confrontations géopolitiques. Cette imbrication de phénomènes climatiques, sociétaux, sanitaires, énergétiques pose, on s’en rend compte, des problèmes de sécurité, entendue au sens le plus large, qui ne portent pas sur les aspects les plus visibles, comme les migrations de masse ou l’effondrement de maintes institutions étatiques. ♦