À l’heure où l’économie chinoise maintient une forte croissance malgré la crise économique mondiale, Edward Luttwak publie un ouvrage sur la « logique paradoxale de la stratégie » – qu’il développe dans son Grand Livre de la stratégie – appliquée à la montée en puissance de la Chine.
L’ouvrage propose tout d’abord une analyse de la politique extérieure actuelle de la Chine, en particulier par son héritage historique bimillénaire, puis se consacre à l’étude des réactions des nombreux pays menacés par cette ascension.
D’après la logique de la stratégie définie par Luttwak, un renforcement simultané de la puissance militaire, économique et diplomatique de la Chine n’a d’autre issue que de conduire à un conflit. La Chine doit donc accepter une croissance déséquilibrée si elle souhaite asseoir son hégémonie. Mais rien, aujourd’hui, ne porte à croire qu’elle l’acceptera. En effet, la diplomatie chinoise actuelle est affectée par ce que Luttwak appelle « l’autisme des grands États », délaissant les questions de politique extérieure au profit des problématiques intérieures. De plus, l’influence toujours présente de l’ancien système des tributs, le ressentiment de la population face aux étrangers ou la forte influence de l’Armée populaire de libération (APL) sont autant de facteurs qui laissent à penser que la Chine persistera dans sa politique d’ascension globale.
Déjà des mesures économiques ont été mises en place par certains pays pour limiter l’implantation chinoise mais la majorité des réactions actuelles s’expriment au travers de rapprochements diplomatiques et militaires. Le Japon, le Vietnam, l’Indonésie et les Philippines ont tous été confrontés à des incidents maritimes avec la Chine. Face à l’attitude agressive de la diplomatie chinoise, et malgré leur forte dépendance économique, ces pays ont choisi de renforcer leurs liens diplomatiques et leur coopération militaire avec les États-Unis. Grâce au renforcement de leurs relations avec l’Inde, les États-Unis tissent ainsi progressivement leur propre collier de perles jusqu’au Japon.
Ainsi, si la montée en puissance économique et militaire de la Chine se poursuit (ce qui est cependant loin d’être garanti), elle conduira inévitablement à un renforcement des coopérations diplomatiques et militaires au sein d’une coalition anti-Chine. À long terme, un conflit armé de grande ampleur étant improbable à l’heure nucléaire, les seuls moyens de résistance seront géoéconomiques, en agissant par exemple sur les importations chinoises ou les approvisionnements en matières premières. Edward Luttwak apporte ici un éclairage pertinent sur l’évolution possible des rapports de force entre la Chine et ses voisins, tout en adoptant un point de vue original, parfois provocateur, qualifiant par exemple la supériorité de la sagesse stratégique chinoise d’« illusion », renforcée « par des étrangers candides ou à la culture superficielle [sic] » parmi lesquels il n’hésite pas à inclure Henry Kissinger…