Voici un livre preste et sommaire, publié hâtivement au printemps. Il s’agissait d’ouvrir une nouvelle collection de géopolitique aux Puf et simultanément au dernier festival de géopolitique de Grenoble. Réjouissons-nous de la collection, et examinons cet opus.
Il présente des qualités certaines et tout d’abord d’être un livre illustré de cartes, et assez nombreuses. Mon cartographe préféré m’a fait remarquer tel ou tel défaut mais comme c’est 1) un spécialiste, 2) particulièrement minutieux, je suis moins sévère que lui. J’ai apprécié qu’il y ait ces illustrations : pas de géopolitique sans carte !
L’ouvrage est bref (188 pages tout mouillé) et rédigé dans un style vif et alerte, presque pressé. Il est très didactique et le lecteur s’aperçoit rapidement qu’il est destiné à un public peu averti. En fait, il s’agit des étudiants en première année de supérieur et on se rappelle ici que Pascal Gauchon est professeur en prépa d’école de commerce. Sa cible est donc constituée de bacheliers, un peu pressés et désireux d’acquérir assez rapidement une idée du sujet. Bref, un petit manuel de premier cycle universitaire, un livre d’initiation.
De fait, il y a un certain tropisme économique. En effet de nos jours, on sent deux écoles de géopolitique : celle des géographes, qui n’aiment pas le politique et doivent s’intéresser à l’économie, et celle des économistes, qui n’aiment pas la géographie et doivent s’intéresser au politique. Ainsi, l’auteur est très à l’aise dans sa description des avantages et des lacunes de l’économie française ainsi que dans l’énoncé des réformes qu’il faudrait entreprendre. Au fond, le mot « géopolitique » est un peu trompeur, car il s’agit presque plus d’une géographie économique. Comme si les étudiants d’HEC devaient désormais faire de la géopolitique, celle-ci étant désormais jugée utile au commerce.
L’ouvrage est assez factuel et développe peu d’idées ; il est assez descriptif malgré quelques bonnes trouvailles, comme par exemple quand il remarque que contrairement aux idées reçues, « les Français sont partis nombreux s’installer à l’étranger » (p. 39). Beaucoup de secteurs sont faibles : la partie historique est très courte (dix pages) et l’auteur s’intéresse à l’histoire surtout depuis 1945. La partie sur l’armée (sept pages quand même, ce qui n’est pas négligeable : je me souviens de tel livre sur la géopolitique de l’Europe qui évacuait les questions de défense en deux paragraphes) commence à l’Algérie en 1962. La démographie est quasiment passée sous silence (4 pages), il n’y a aucune description géographique, les Dom-Com sont oubliés et seulement un quart du livre s’occupe de géopolitique extérieure.
Au fond, l’auteur s’intéresse plutôt à des questions de géopolitique interne : outre l’économie, les passages sur l’organisation intérieure, les infrastructures, l’État ou les postures géopolitiques sont de bonne facture.
On regrettera la faiblesse des à-côtés : la bibliographie est minimaliste et pas convaincante (il est d’ailleurs amusant de voir son intitulé : « liste des principaux ouvrages cités dans le texte », comme s’il ne fallait pas effrayer le lecteur par des abords trop érudits), il n’y a pas de table des illustrations et l’index en deux pages n’incite pas à creuser. Enfin, la mode américaine consistant à placer un sommaire en début d’ouvrage en guise de table des matières agace profondément.
Au final, je reste un peu interdit devant le résultat : un ouvrage écrit très vite, peut-être trop vite et manquant un peu de profondeur et qui ne satisfera pas un lecteur cultivé et exigeant. Mais un ouvrage utile pour ce qu’il ambitionne d’être, une sorte de « Que sais-je » amélioré, à 188 pages au lieu de 124 et par la même maison d’éditions : ce n’est peut-être pas un hasard, juste un pari éditorial. À 25 € au lieu de 7...