Ce livre est l’œuvre d’un des meilleurs chercheurs de l’IFRI, rédacteur en chef adjoint de Politique étrangère. Il présente le sérieux d’une thèse universitaire, limité dans son objet. Lourd (500 pages), il sera, pour les spécialistes, une précieuse référence.
Il touchera aussi le grand public : le titre, pessimiste, suggère que le conflit israélo-palestinien pourrait s’inviter chez nous et que la question se pose, d’une intifada française. En conclusion, l’auteur se veut rassurant. Ainsi en va-t-il à l’université, où le ptêt ben qu’oui ptêt ben qu’non est de rigueur.
Commençons par le commencement. Marc Hecker, par une prudence largement partagée, élude le péché originel : en ce jour de 1917 où lord Balfour a publié sa déclaration, il eût mieux fait de rester chez lui à tondre son gazon. Quelles que soient les justifications qu’on ait pu trouver, a posteriori, à son initiative, le ver était dans le fruit, soit l’illégitimité d’Israël. Ceci dit, et ici occulté, on peut causer.
L’auteur commence par l’histoire récente, depuis la naissance du nouvel État et tout au long de notre Ve République : le virage gaullien lors de la guerre des Six jours, l’accélération mitterrando-chiracquienne et l’autodétermination souhaitée des Palestiniens. Suit une typologie des multiples associations, tant pro-israéliennes que pro-palestiniennes. Enfin, et c’est là le principal intérêt du livre, on détaille les objectifs et les stratégies des militants des deux bords. Mais les États restent les grands acteurs : l’État français comme cible, l’État palestinien comme rêve, l’État juif comme place assiégée. L’action violente, chez nous aussi, pointe son vilain nez.
Mille notations mériteraient d’être relevées. En voici quelques-unes : le lien originel de la gauche et des Palestiniens, Chirac « philosémite pro-arabe », la prolifération des associations pro-palestiniennes alors qu’il n’y a en France que fort peu de Palestiniens, la hargne réciproque des militants, l’ambiguïté de la démocratie israélienne, « démocratique pour les juifs, juive pour les Arabes », le soutien constant du Quai d’Orsay à la cause palestinienne.
La conclusion, disions-nous, est rassurante. Si notre pays se révèle très perméable aux « problématiques proche-orientales », la possibilité d’une escalade faisant de nos banlieues une seconde Palestine paraît utopique. Certes, le manichéisme des braillards interdit toute solution de bon sens. Mais quoi ! Il n’y a rien à espérer des militants, quelque cause qu’ils défendent.