Fort nombreux sont les ouvrages consacrés à ce singulier et attachant personnage que fut Saint-Exupéry. L’auteur, orienté généralement sur la période de la Seconde Guerre mondiale, entend ici, sans bien sûr ignorer le talent du poète et du romancier (ni la notoriété que celui-ci lui procura), sans non plus écarter totalement les effets d’une vie privée ne manquant pas de pittoresque, mettre l’accent sur la carrière de l’aviateur, plus précisément du pilote animé d’une véritable vocation pour le manche à balai.
Nous vivons donc l’engagement permanent du vol, dans le cadre d’une mission impérative et ambitieuse : l’aventure de l’Aéropostale, en compagnie des figures légendaires de Mermoz et de Guillaumet, et plus tard la reprise du combat en vue de la libération du territoire national.
Saint-Exupéry fait son devoir avec application et conscience, à la place qui lui est assignée, que ce soit dans l’ambiance austère de l’escale de Cap Juby, où il faut à la fois « mettre les mains dans le cambouis », aller à la recherche des camarades aventurés dans le désert, compter avec la fierté espagnole et négocier avec les tribus maures ou plus tard sur les bases aériennes comme officier de réserve. Mais cet « éternel nomade » est en même temps un aristocrate cultivé et volontaire disposant d’une foule de relations (y compris féminines) et d’un carnet d’adresses bien rempli. A l’aise dans le milieu littéraire, fréquentant Giraudoux et Kessel, observateur pointu en URSS, consulté par le Président du Conseil, représentant officieux de la France envahie auprès des Etats-Unis, le voilà à Vichy visiteur de l’hôtel du Parc, à New York dans l’exil doré de ceux qui ont su partir à temps, noyé dans la pétaudière d’Alger où il est difficile de se situer. Cet homme apparaît donc comme double, à la fois exécutant discipliné et négociateur avisé au plus haut niveau.
Une morale exigeante guide son action. Les missions de reconnaissance aérienne le comblent, mais il récuse les bombardements aveugles. Patriote, désarçonné par la brusque défaite, il entend réhabiliter le soldat de juin 40. Face à son débordement d’activité, les détracteurs furent et restent légion, les accusations de dilettantisme fusent. Gilles Ragache combat ces allégations. Restent en tous cas la mort mystérieuse en plein ciel, la fin romantique dont on peut penser qu’elle est conforme à l’image d’un de ces héros dont un peuple a besoin comme modèle et comme référence dans une part de rêve.