Aéronautique - La défense sol-air d'une base aérienne (I)
Les Armées de l’air, à la différence des autres Armées, sont amenées, en temps de guerre, à conduire les opérations à partir des plates-formes sur lesquelles elles sont stationnées en temps de paix. La mise en œuvre des vecteurs aériens nécessite une infrastructure, un environnement technique et humain particuliers qui laissent peu de place à l’improvisation.
Qu’elles soient permanentes (bases aériennes) ou occasionnelles (terrains de desserrement ou de déploiement), les caractéristiques des principales plates-formes aéronautiques sont connues de l’ennemi potentiel, pour qui elles représentent des objectifs prioritaires. En effet, dès le début d’un conflit, les bases aériennes françaises seraient les premières visées, comme tous les points sensibles qui concourent à la défense de la France. Leur neutralisation rendrait inopérants les systèmes de détection, clouerait au sol les forces aériennes de défense et de riposte conventionnelle, ainsi que les vecteurs réservés aux missions préstratégiques et stratégiques.
Éviter la destruction de ses forces aériennes avant qu’elles aient pu jouer leur rôle spécifique est une contrainte majeure pour l’Armée de l’air, qui a été conduite à consacrer une part toujours plus importante de son potentiel humain et financier à la protection de ses bases, et singulièrement à leur défense antiaérienne.
Historique
La défense sol-air des bases aériennes n’est pas une mission récente de l’Armée de l’air. Jusqu’en 1956, la défense des plates-formes aéronautiques est assurée par des canons de 40 millimètres Bofors, des affûts quadruples de 20 Hispano et des mitrailleuses de 12,7 millimètres.
Lors de la mise en service des Forces aériennes stratégiques (FAS), l’Armée de terre assure la défense des bases sur lesquelles stationnent les Mirage IV à l’aide des batteries Hawk pour la haute et la moyenne altitudes, et des canons de 40 Bofors pour la défense rapprochée.
En 1973, une instruction ministérielle donne à chaque armée la responsabilité de la protection et de la défense de ses points sensibles. Depuis cette date, l’Armée de l’air n’a cessé de consentir des efforts financiers importants pour acquérir des matériels antiaériens efficaces et se doter d’une défense permettant de sauvegarder son potentiel de riposte, nucléaire et conventionnelle, contre une attaque aérienne ennemie.
Concept et menace
La défense antiaérienne des bases s’inscrit dans le concept général de défense aérienne fondé sur deux volets : une défense de zone complétée par une défense ponctuelle des points sensibles.
Les avions de chasse assurent la couverture aérienne générale du territoire et des couvertures particulières sur zones. Les moyens sol-air sont chargés de la défense rapprochée des points sensibles.
L’étude des crises et des conflits récents (Proche-Orient, Tchad, Extrême-Orient, Malouines...) met en évidence le caractère complexe de la défense antiaérienne contre des avions volant à très basse altitude quelles que soient les conditions météorologiques, et la nécessité de disposer de moyens diversifiés pour assurer une défense efficace.
Face à des objectifs fixes, la tactique d’attaque de l’adversaire consiste à tirer le maximum d’efficacité de ses moyens par l’utilisation :
– d’un dispositif mettant en œuvre une capacité de feu puissante (raid de 30 à 40 chasseurs bombardiers) ;
– de contre-mesures d’autoprotection (électronique, électro-optique, infrarouge) ;
– de brouilleurs à distance de sécurité.
Les bases aériennes doivent être en mesure, à la fois, d’éviter cette menace, d’y résister et de la neutraliser. En conséquence, leur environnement et leur infrastructure doivent satisfaire à des critères de discrétion et de durcissement associés à la notion de défense passive. Parallèlement, il convient que les systèmes de défense sol-air fournissent un préavis d’attaque satisfaisant par une détection aussi lointaine que possible, et offrent une puissance de feu adaptée, deux caractéristiques associées à la notion de défense active.
La défense passive
Pour réduire au maximum la vulnérabilité de ses plates-formes à la menace aérienne, l’Armée de l’air a été amenée à consentir de gros efforts financiers portant essentiellement sur le camouflage et le durcissement.
Lorsque l’acquisition visuelle d’une cible est difficile, l’ennemi est dans l’obligation de s’en rapprocher et d’entrer dans le volume d’action des systèmes sol-air de défense.
Depuis plusieurs années, l’Armée de l’air s’est attachée à améliorer le camouflage des bases en cherchant à les intégrer et à les confondre le mieux possible dans le paysage régional. Cet objectif a été atteint par des campagnes de plantation et de reboisement, par la peinture des bâtiments et des surfaces bétonnées.
Parallèlement à cette action, un programme de « durcissement » a été entrepris. La protection des avions de combat sur leur terrain de stationnement et sur quelques terrains de déploiement est réalisée par la construction de hangarettes bétonnées et par le merlonnage des parkings et des alvéoles de desserrement. La protection du personnel se poursuit par la création d’abris et de PC enterrés.
La défense active
La défense active englobe trois domaines complémentaires et d’égale importance, qui comprennent la détection des vecteurs ennemis, leur prise en compte par un organisme de commandement local et leur destruction par des armements adaptés.
Il est nécessaire de connaître le plus tôt possible les attaques ennemies afin d’être en mesure de riposter, dans de bonnes conditions, à l’aide des systèmes sol-air. Cette détection est assurée par des moyens déportés et des moyens locaux.
À l’échelon national, la situation aérienne générale est établie à l’aide des informations provenant de la chaîne des radars de défense aérienne, complétées par les informations des radars des différentes bases. L’ensemble traite globalement la menace aérienne et diffuse instantanément à chaque base la partie de la menace qui l’intéresse, afin d’améliorer la connaissance de la situation aérienne aux alentours de chaque plate-forme. Ce système est complété par un guet à vue aux frontières, qui donne l’alerte à l’échelon central puis aux bases directement menacées. L’ensemble de ces informations procure un préavis d’attaque suffisant pour contrer un raid.
Avec la mise en service en 1991 du Système de détection et de commandement aéroporté ou AWACS (voir la chronique aéronautique de cette revue, nos de juillet et août-septembre 1989), la détection haute, moyenne et basse altitudes sera sensiblement améliorée et les préavis d’attaque associés s’en trouveront encore augmentés.
À l’échelon local, la détection est réalisée par les radars d’approche des terrains – Centaure ou Aladin –, auxquels est associé un réseau de guetteurs à vue qui doivent transmettre les passages d’avions dans leur secteur d’observation.
L’exploitation des informations recueillies sur la base aérienne est assurée par des moyens de commandement et de coordination regroupés au sein de la Cellule tactique (Cetac). Cet organisme de commandement opérationnel local assure deux missions essentielles. La première consiste à surveiller en permanence les approches du point sensible et, le cas échéant, à donner l’alerte. Cette tâche nécessite la visualisation permanente de la situation aérienne locale, l’identification des aéronefs, le suivi de l’évolution de la menace et de la diffusion de l’alerte aux moyens sol-air chargés de protéger le site. La deuxième mission réside dans la coordination des feux en vue de leur efficacité optimale. Celle-ci implique une parfaite connaissance de l’état des moyens sol-air participant à la défense de la base et le choix du système le mieux adapté à la menace.
Enfin, la destruction des vecteurs ennemis repose sur l’efficacité de la défense sol-air des bases aériennes et sur la complémentarité des armes antiaériennes mises en œuvre. Pour l’Armée de l’air, cette défense comprend, outre les Hawk chargés de protéger des zones englobant des bases aériennes : les bitubes de 20 millimètres, le Système d’armes sol-air courte portée (SACP) Crotale, le Système d’armes sol-air très courte portée (SATCP) Mistral, qui sera mis en service à la fin de l’année.
Les caractéristiques techniques des armes antiaériennes et les évolutions prévisibles de la défense sol-air des bases feront l’objet de la prochaine chronique. ♦