L’intelligence intuitive, couramment appelée intuition, fait appel aux ressources insoupçonnées du cerveau à bâtir spontanément des raisonnements, à imaginer des réponses et des solutions hors logique prédictible en connectant instantanément toutes les informations enfouies au plus profond de chacun. En gestion de crise, elle constitue un levier souvent plus puissant que l’intelligence rationnelle. En effet, par sa capacité à s’affranchir de certains biais cognitifs et du brouillard inhérent à toute crise, par sa puissance de calcul et sa facilité à traiter une multitude de données avec immédiateté, elle permet de faire émerger sans délai des options complémentaires et des pistes nouvelles qu’une analyse discursive n’aurait pas permis. Pour autant, elle est souvent méprisée par les décideurs. Elle mérite donc d’être réhabilitée.
Plaidoyer pour l’intuition en gestion de crise
« L’esprit intuitif est un don sacré et l’esprit rationnel est un serviteur fidèle.
Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don. » (Albert Einstein)
Qu’elle soit environnementale, économique, humanitaire ou sécuritaire, une crise est un phénomène complexe, qui fait généralement suite à un événement déclencheur souvent brutal et inattendu. Pour la résoudre et revenir à la normalité, le chef doit prendre des décisions, dans l’urgence pour la plupart, cruciales pour l’essentiel, sur la base d’exigences souvent contradictoires et parfois dans un contexte de dérèglement structurel. Elles constituent l’essence même de sa mission : le « décideur » doit arbitrer, faire des choix et les mettre en œuvre, dans un environnement de plus en plus incertain, mouvant et contraint par le temps. Traditionnellement, et plus particulièrement au sein des forces armées, ces choix décisifs sont l’aboutissement d’analyses rationnelles, sur la base de méthodes (1) éprouvées, dont les mécanismes discursifs restent identiques : la pensée analytique accumule les arguments souvent avancés collectivement par un groupe d’experts et de subordonnés, pour construire un raisonnement par étapes successives qui aide le chef à prendre une décision.
Le général Jules Lewal (2) soutenait en 1878 que « le raisonnement et le calcul, ou autrement dit la méthode rationnelle, permettent seuls d’enfanter quelque chose. » Force est de constater qu’il avait tort ! Il existe en effet une seconde voie de prise de décision, axée non pas sur l’intelligence dite rationnelle mais sur l’intelligence intuitive. Son mécanisme scientifique est aujourd’hui mieux connu et de nombreuses études démontrent que l’intuition permet d’offrir des options complémentaires souvent décisives. Elle peut s’avérer être plus puissante que le mode de raisonnement habituel, en particulier dans la gestion d’une crise.
Loin d’être marginal, ce mode de pensée semble même être prédominant chez l’être humain, puisque neuf décisions sur dix sont prises sur une base intuitive, estime le psychologue américain Gary Klein (3), pionnier dans les études sur les mécanismes de prise de décision. Selon une autre étude, 82 des 93 prix Nobel interrogés ont reconnu que leurs découvertes avaient été faites grâce à l’intuition (4). Par ailleurs, près de 54 % des chefs d’entreprise auraient admis prendre ainsi leurs décisions (5).
Pour autant, généralement amalgamée à un phénomène paranormal ou un biais cognitif, l’intuition reste souvent décriée par les chefs, ce qui conduit à ne lui accorder que peu de crédit et donc à s’en méfier, voire à la bannir.
Cet article a pour objectif de réhabiliter ce mécanisme inconscient, ce « don sacré » comme le qualifiait Einstein. Pour y parvenir, il paraît nécessaire dans un premier temps de définir précisément ce qu’est l’intuition et d’exposer le fonctionnement de cette intelligence. Dès lors, il nous sera possible de cerner le contour de sa puissance et d’explorer les leviers qu’elle constitue en gestion de crise ; tout en rappelant ses limites et les freins à son usage. Enfin, des pistes seront proposées pour que lui soit redonnée sa juste place au sein de la boîte à outils de tout chef.
L’intelligence intuitive, un mécanisme subtil
« L’intuition est une vue du cœur dans les ténèbres. » (André Suarès (6))
Ressenti, voix intérieure, prémonition, prescience, pressentiment, précognition, clairvoyance, instinct, sentiment, perception, flair, voyance, illumination, première impression, sixième sens, génie militaire : l’intuition a donné lieu à de nombreuses interprétations et d’innombrables synonymes. Les traductions dans les langues de Shakespeare (« Gut feeling », sensation qui vient des tripes) ou de Goethe (« Fingerspitzengefühl », sentiment aigu du doigt) n’échappent pas aux métaphores corporelles sans lien avec le cerveau.
La définition du mot « intuition » (du latin médiéval intuitio issu de intueri, « regarder attentivement ») proposée par le Larousse est double : il s’agit d’une « connaissance directe, immédiate de la vérité, sans recours au raisonnement », mais aussi d’un « sentiment irraisonné, non vérifiable qu’un événement va se produire, que quelque chose existe. »
Aussi, comme le souligne M. Alexis Champion (7), fondateur et dirigeant de l’école de l’intuition Iris, quelle que soit l’approche retenue, l’intuition est toujours décrite par ce qu’elle n’est pas. Ces deux définitions caractérisent en effet l’intuition par la négation du raisonnement, de la vérification, etc. ; trait commun adopté par toute la communauté scientifique (neurologues, psychologues, etc.).
En phase avec le Larousse, l’évolution de la science de ces dernières années permet dorénavant de dégager deux approches de l’intuition :
• La première, qualifiée ensuite d’« intuition prémonitoire », s’apparente à une faculté paranormale car elle échappe à toute possibilité de logique. Elle assimile l’intuition à la perception, indépendante de quelque connaissance acquise ou expérience même inconsciente, et se manifeste par la prémonition, le pressentiment.
• La seconde se définit comme la saisie immédiate d’une solution à un problème. Elle est le résultat pour un individu d’une construction fulgurante non discursive, fruit de la mise en adéquation de son expérience passée mais aussi de ses connaissances acquises à son insu, avec sa capacité à les interconnecter et à les traiter inconsciemment.
Ces deux approches constituent depuis quelques années des domaines de recherche à part entière. Intéressons-nous aux études sur la première, pour mieux l’écarter ensuite, et ne retenir dans ce document que la seconde.
L’intuition prémonitoire
L’intuition prémonitoire a été mise scientifiquement en exergue à la fin des années 1990, par une expérience (8) menée par deux neurologues réputés. Le travail d’Antonio Damasio et Antoine Bechara, du Département de médecine de l’Université de l’Iowa (États-Unis), avait eu un immense écho dans les milieux de la psychologie expérimentale et scientifique. Il affirmait que notre inconscient était capable de percevoir un événement avant qu’il ne se produise ; donc que nous serions tous doués, à notre insu, d’une faculté de prémonition.
Initialement, le but de cette expérience était sans lien avec l’intuition, et encore moins avec les phénomènes paranormaux. Elle consistait à observer les réactions du système nerveux lorsque nous devons prendre une décision « à risques ». Pour cela, les scientifiques avaient utilisé un dispositif permettant de mesurer les réactions physiologiques à l’aide de deux électrodes placées au bout d’un doigt. La première envoyait un courant électrique très faible ; la seconde captait l’électricité qui passait à travers la peau. En effet, plus on est stressé, mieux l’électricité passe, un phénomène naturel provoqué par une légère humidification des mains puisque le stress fait transpirer. À l’inverse, plus on est relaxé et détendu, moins l’électricité passe. Placé devant quatre jeux de cartes, chaque participant recevait une somme d’argent. Chacun des jeux comportait des cartes qui en faisaient gagner et d’autres qui en faisaient perdre, sans que personne ne puisse savoir où étaient les bonnes ou les mauvaises. Les chercheurs ont constaté un phénomène déconcertant : la plupart du temps, lorsque les joueurs étaient sur le point d’en retourner une perdante, ils avaient une réaction électrodermique très marquée juste avant de faire leur choix.
Autrement dit, sans aucune possibilité de déduire la présence d’une carte négative par la logique, leur système nerveux réagissait en envoyant un « signal d’alarme », comme si leur esprit était capable de deviner le tirage. Les neurologues en ont conclu que l’inconscient dirigeait le comportement avant que la connaissance consciente ne le fasse et que le mécanisme était distinct des autres mécanismes neuraux.
Plus de 40 études ont ensuite été réalisées (9) et d’autres expériences du même type ont été menées dans différents laboratoires indépendants, confirmant que nous sommes doués d’une faculté intuitive capable d’anticiper des événements, appelée PAA (Predictive Anticipatory Activity), parfois jusqu’à 10 secondes avant qu’ils ne se produisent.
Le département de la Défense des États-Unis s’est d’ailleurs intéressé de très près à cette capacité d’intuition prémonitoire, en lançant notamment, dans les années 1970, le projet Star Gate (10). Pendant quelque 20 ans, il a eu pour objet d’analyser la réalité et les applications potentielles des phénomènes psychiques, tout particulièrement la capacité à percevoir mentalement des événements, des lieux ou des informations dans le temps (le futur) ou dans l’espace (à distance).
Bien que cette intuition prémonitoire laisse entrevoir de belles perspectives, seule l’intuition rationnelle, appelée ensuite intelligence intuitive ou, simplement, intuition, est ici retenue.
L’intelligence intuitive
« L’ordinateur ne peut que restituer, sous une forme plus ou moins élaborée, les concepts que le chercheur y a introduits. Il est incapable de faire preuve d’intuition, démarche subtile encore mal comprise qui seule peut conduire à la découverte. » (Pierre Joliot-Curie)
L’intelligence intuitive a conduit à de grandes découvertes notamment scientifiques, dont les exemples célèbres sont nombreux. Le mathématicien irlandais William Rowan Hamilton eut la révélation soudaine de la notion de quaternions (nombres réels et complexes) en se promenant avec sa femme en 1843 ; le chimiste allemand Friedrich August Kekulé qui rêva en 1890 de la forme exacte du noyau de benzène. L’intuition la plus connue reste probablement celle d’Archimède lorsqu’il découvrit sa célèbre poussée éponyme en prenant un bain et en s’écriant Eurêka tout en courant dans Syracuse. Le point commun entre toutes ces découvertes : elles ne procèdent pas de la pensée analytique. Alors que cette dernière procède par étapes, accumulant les arguments pour construire un raisonnement, l’intuition, elle, surgit.
L’intuition est ainsi vue comme le fait d’atteindre des solutions de manière directe, sans l’intervention d’un raisonnement logique et analytique discursif, avec une certitude implicite que le pressentiment est correct. L’intuition apparaît donc à un niveau inconscient.
Son fonctionnement est aujourd’hui bien connu, notamment grâce aux travaux de Gary Klein. Le psychologue financé par l’armée américaine a démontré comment les pompiers les plus expérimentés étaient capables de prendre des décisions éclairées quasi instantanément dans des situations de grande incertitude qui engendraient la peur et la confusion chez leurs pairs. L’intuition implique une interprétation holistique de l’information et une reconnaissance implicite de la structure des problèmes et des relations entre les variables. Elle s’appuie sur les connaissances, sur l’expérience mais aussi et surtout, sur cette faculté de pouvoir connecter les variables, les agencer pour les adapter au contexte pour trouver une solution nouvelle. Comme le résume le psychologue américain Malcolm Gladwell : « L’intuition réside dans la connexion en une fraction de seconde d’années d’expérience, de réflexions, de rencontres ou de lectures accumulées en vrac au fil du temps, des hypothèses sans liens apparents entre elles. Ne devant rien au hasard, elle ne jaillit pas du néant. En effet, notre inconscient a la capacité de schématiser des situations, des comportements, à partir d’une couche superficielle d’expériences. » (11)
L’esprit humain est ainsi fait qu’il dissimule inconsciemment certaines compétences et de nombreux savoirs. Quelque part dans l’arrière-cour de notre cerveau, nous hébergeons donc toujours cet ensemble de connaissances implicites qui pourraient nous être utiles au moment opportun. Comme le rappellent Alexis Champion et Marie-Estelle Couval (12), le subconscient peut faire 10 millions d’observations et les conserver, tandis que l’esprit conscient ne peut se souvenir que de 40 d’entre elles. Ainsi, 99,99 % des observations sont stockées inconsciemment dans notre cerveau.
En cas de besoin, il compare donc instinctivement la situation avec ce qu’il a déjà vécu et appris auparavant. Il analyse les différentes informations reçues, les classe selon leur importance, en faisant appel à cet ensemble de connaissances sédimentées quelque part dans le cerveau et dans des domaines parfois très différents. En un instant, il va ainsi élaborer un modèle prévisionnel, faire naître l’image d’un possible, que l’on qualifiera d’intuition. Au final, l’intuition repose donc sur cette capacité à bâtir des raisonnements, à imaginer des réponses et des solutions hors logique prédictible sur la base de données insoupçonnées du cerveau.
Cette capacité est parfaitement illustrée dans Le chant du loup, film sorti en février : alors que l’oreille d’or entend comme le bruit d’un sous-marin à quatre pales, censé ne pas exister, le pacha lui demande de faire appel à son intuition pour savoir si oui ou non il y a un danger. Il doit alors puiser dans sa base de données acoustiques mémorisées, pour pouvoir indiquer que tel bruit peut être dangereux, que tel autre est un phénomène acoustique naturel, une baleine, une secousse… L’intuition est donc bien comprise comme la combinaison subtile et inconsciente de connaissances et d’expériences et, comme le soulignait déjà Napoléon, « l’inspiration n’est le plus souvent que réminiscence ».
Le parallèle avec le jeu d’échecs est ici intéressant, et nous y reviendrons régulièrement. Les échecs sont souvent considérés, à tort, comme le règne du raisonnement et du calcul, même s’il y a effectivement une compétence fondamentale : savoir cal-culer les quelques coups à venir. Mais, comme le rappelle Maxime Vachier-Lagrave (13), les grands joueurs font principalement appel à leur mémoire pour identifier une situation tactique similaire qu’ils auront analysée et mémorisée ; et s’épargner ainsi des calculs longs et fastidieux. Le grand maître hollandais Jan Timman affirme qu’il n’existe aucun thème combinatoire qu’il n’ait déjà rencontré (14). Avec une telle base de connaissances, il simplifie le calcul au maximum en sachant intuitivement où chercher. C’est l’intuition qui alerte le cerveau et indique les coups potentiellement intéressants en fonction de la nature de la position des pièces sur l’échiquier. Cette puissance de connexion prend toute sa dimension pour les parties rapides de blitz (15) et de bullet (16) puisque les joueurs n’ont quasiment pas le temps d’effectuer des calculs et doivent donc en grande partie faire appel à leurs connaissances de situations similaires, mais sans jamais être identiques, et donc à leur intuition.
Or, comme le souligne Laurent Vérat (17), Maxime Vachier-Lagrave n’a pas plus de connaissances ou de capacités mémorielles supérieures à d’autres très grands joueurs d’échecs ou théoriciens ; mais il a cette faculté incroyable à immédiatement faire un rapprochement avec une partie qu’il a étudiée. Il en déduit que la force de son intuition réside à connecter des parties similaires, les options possibles et les risques, sans aucun calcul de position.
Les mécanismes cérébraux
« Distinguer le “raisonnable” et le “rationnel”. Le premier inclut l’intuition et l’affectif.
Le second n’implique qu’un déroulement correct du processus logique »
(Hubert Reeves, astrophysicien né en 1932)
Interrogeons-nous à ce stade sur les mécanismes cérébraux pour comprendre le chemin emprunté par l’intuition pour surgir, comparativement à celui du raisonnement rationnel.
Il est scientifiquement établi que l’intelligence globale comprend deux grands groupes en rapport avec les hémisphères de notre cerveau. L’hémisphère gauche gère nos apprentissages et constitue le siège de l’intelligence rationnelle. Elle se mesure par le quotient intellectuel et regroupe l’intelligence logique, l’intelligence verbale, l’intelligence spatiale et l’intelligence relative à l’imagination. Quant à l’hémisphère droit, c’est celui de l’intelligence intuitive, mesurée par le quotient émotionnel, qui permet de sortir des contraintes logiques répétitives. Elle inclut généralement trois formes d’intelligence (relationnelle, émotionnelle et pratique).
Analyse et intuition sont donc deux fonctions cérébrales bien distinctes, ce qui induit qu’il existe plusieurs façons de prendre des décisions et de trouver des solutions. « Nous aurions deux routes cérébrales, la route haute qui passe par des systèmes neuraux travaillant étape par étape et non sans effort, et la route basse, un circuit qui opère à notre insu, automatiquement et sans effort, à une vitesse incroyable. Elle permet à l’individu de se faire en un éclair une opinion sur une situation donnée », explique le psychologue américain Daniel Goleman (18).
Il faut donc admettre l’existence d’un processus relevant d’un autre ordre que celui de l’enchaînement de la pensée déductive. Pour autant, ce conglomérat intuitif n’est pas totalement dépourvu de rationalité, mais notre cerveau arrive directement aux conclusions et nous fait prendre des décisions sans que nous ayons conscience des perceptions subliminales qui nous y ont conduit.
La puissance de l’intelligence intuitive en gestion de crise
Fort de savoir dorénavant qu’il existe deux voies distinctes pour prendre des décisions, en quoi serait-il plus judicieux d’emprunter une route certes plus courte, mais dont nous ne maîtrisons pas les étapes, notamment en période de crise ? Ou, en corollaire, pourquoi le chef doit-il aussi faire appel à son intelligence intuitive et pas uniquement à l’analyse rationnelle en période troublée ?
Pour mieux répondre à cette question, il convient de s’interroger sur les caractéristiques de la crise. Étymologiquement, le mot crise, issu du grec krisis, associe les sens de « jugement » et de « décision » mis en œuvre pour dégager une alternative entre plusieurs positions ou tendances opposées sinon conflictuelles. Même si aucune crise ne manifeste les mêmes caractéristiques, citons l’imprévisibilité, le manque de contrôle, les enjeux majeurs (vies ou intérêts vitaux menacés, risques politiques forts, etc.), l’implication de nombreux acteurs, la faillite des processus habituels, la pression environnante (médiatique, sociétale, etc.), le manque d’information et l’urgence à agir.
L’objectif d’une gestion de crise réside donc dans la succession de prises de décisions, traduites ensuite par des actes, permettant de résoudre cette situation de déséquilibre grave ou de rupture préoccupante. L’enjeu est majeur, car si les décisions prises sont inappropriées, le risque d’accentuer le déséquilibre, voire de provoquer la rupture, est réel et la sanction immédiate.
« La pensée rationnelle ne m’a jamais permis de découvrir quoi que ce soit. » (Albert Einstein)
De nombreuses études viennent appuyer cette déclaration d’un des plus brillants génies et donnent des exemples intéressants du pouvoir de l’intuition dans la prise de décision en situation. Rappelons celle menée par Klein évoquée supra et citons celle réalisée par trois chercheurs (19) dans un cas d’évaluation par une Équipe médico-sociale (EMS) issue des conseils départementaux. Celle-ci étudie le niveau de dépendance des personnes âgées afin de leur accorder ou non l’allocation personnalisée d’autonomie. Dans certains cas, l’EMS accorde une place importante à leur intuition et modifie en conséquence le processus d’évaluation préconisé. En effet, l’EMS expérimentée, à force de se trouver confrontée à des situations similaires, peut lors de sa tâche se faire très rapidement une opinion de la situation. Elle analyse quelques signaux. Si l’EMS accorde une place importante à cette première impression, elle ne réalise plus son évaluation selon le processus habituel. Elle ne suit pas l’intégralité de la procédure prévue et ne se repose plus l’ensemble des questions nécessaires, mais uniquement celles qui lui permettent de confirmer son intuition.
Quasiment toutes les études s’accordent ainsi à démontrer que dans une situation critique, la prise de décision sur des bases intuitives est plus fiable que la prise de décision discursive, analytique. Pourquoi ? Six motifs sont ici proposés pour expliquer cette supériorité.
La première raison à invoquer est que l’analyse introduit du « bruit », comme le démontre une étude dirigée par Samuel Gosling, du département de psychologie de l’Université du Texas, publiée en 2002 (20). Le chercheur fait visiter à des volontaires des chambres d’étudiants pendant quelques minutes avant de leur demander de répondre à un test visant à cerner les principaux traits de caractère de l’occupant. En quelques secondes, les participants décrivent des personnalités proches du réel. « Nos observations suggèrent qu’une personne qui a examiné brièvement un environnement forme des impressions qui concordent de manière remarquable avec celles des autres. Et ces impressions sont souvent pertinentes », concluent les auteurs. En revanche, « si les volontaires ont de longues minutes pour réfléchir et délibérer, on observe qu’ils se trompent plus souvent ».
La littérature foisonne d’études scientifiques et d’exemples qui démontrent que la délibération peut introduire du « bruit » dans le processus de prise de décision. Contrairement aux idées reçues, l’analyse rationnelle, aussi rigoureuse et consciencieuse soit-elle, ne conduit pas nécessairement à la sélection d’une solution optimale. Trop réfléchir nous éloigne souvent de la vérité. Ce biais décisionnel est bien connu des joueurs d’échecs amateurs lorsqu’ils « calculent des lignes » : tout se passe généralement correctement pour évaluer la pertinence des premiers coups, mais très vite le chaos s’installe, ils en oublient où sont les pièces et passent à côté des possibilités les plus évidentes.
Le temps et l’analyse profonde peuvent donc nous tromper. Il est possible alors de prendre une mauvaise décision car le cerveau est victime d’un « déblocage ». Nous pourrions comparer notre cerveau à un ordinateur. Quand on ouvre différentes fenêtres et qu’on lance un grand nombre de tâches en même temps, notre ordinateur ralentit et il peut être victime d’un bug. Il en est de même quand le disque dur est trop chargé. C’est exactement ce qui peut se passer avec notre cerveau en gestion de crise lorsque ce dernier reçoit trop d’informations ou qu’il est soumis à une pression trop forte.
Deuxièmement, l’intuition constitue une source de créativité, indispensable en gestion de crise. Comme évoqué supra, l’intuition nous permet d’avoir accès à des informations dont la raison ignore l’existence. L’intuition est une « tête chercheuse » qui permet de repérer les signaux faibles au-delà de ce qui fait du sens ou non du point de vue de la raison. Elle nous permet donc de naviguer au-delà de la dualité de la raison, au-delà de l’opposition entre rationnel et irrationnel. De ce fait, l’intuition est un vecteur essentiel de créativité et d’émergence d’idées. Elle permet d’accéder au monde du non rationnel, là où vivent les idées innovantes de l’inventeur, les convictions de l’entrepreneur, la vision inédite du chercheur scientifique, la création inouïe de l’artiste, le schéma tactique qui va surprendre l’adversaire… Cette créativité est indispensable en période de crise. La mise en place de solutions inhabituelles doit en effet être recherchée, car si crise il y a, c’est bien que les schémas traditionnels ont failli et qu’il faut en sortir.
Par ailleurs, comme nous l’avons rappelé, une crise se caractérise par son évolutivité et imprévisibilité permanentes, souvent dues à la réaction de l’adversaire qui, par postulat, ne nous informe pas de ses intentions. Ce même adversaire est de plus bien souvent au fait des stratégies et tactiques généralement utilisées. Ainsi, un terroriste en fuite saura minimiser les risques d’être interpellé en connaissant les techniques habituellement mises en place par les forces de sécurité intérieure. Or, les mêmes processus conduisent aux mêmes résultats. Dans de telles circonstances, sans originalité, ils conduisent à l’échec. Il convient alors de faire preuve de créativité et d’innovation pour le surprendre ; qualités que l’intuition peut rapidement faire surgir.
Citons le général Foch qui, en septembre 1914, à la tête de la 9e Armée française, en pleine bataille de la Marne aurait eu ces mots restés célèbres : « Ma droite est enfoncée, ma gauche cède, tout va bien : j’attaque ! ». Foch ne pouvait se dissimuler que la situation de son armée fut des plus graves ; elle était quasi en voie d’être battue. L’application des règles de la stratégie conduisait au repli de cette aile gauche pour la réaligner avec la droite. Or, Foch, sûr de son intuition, est bien décidé à n’effectuer aucun repli volontaire, même s’il enfreint ainsi les principes les mieux établis. « Pauvres règlements, dira-t-il plus tard. C’est bon pour mener un exercice mais au danger cela ne suffit plus ! ».
Troisième atout majeur en période de crise, l’intuition peut traiter un nombre quasi illimité de variables et de paramètres, en un temps avoisinant la milliseconde ; alors que le raisonnement, a contrario, nécessite un nombre réduit de données et du temps pour les exploiter, leur donner du sens. Le dramaturge Henry Bernstein résumait ainsi cette puissance de calcul : « L’intuition, c’est l’intelligence qui a commis un excès de vitesse. »
Pour reprendre le parallèle avec les échecs, le jeu autorise une trentaine de mouvements pour les pièces. Chaque mouvement et sa réponse offrent une moyenne de 1 000 possibilités. En 40 mouvements, il y a donc environ un vigintillion (10120) de parties possibles, soit des milliards et des milliards de fois le nombre d’atomes dans l’univers… Pour calculer profondément et correctement, il faut être capable de visualiser les coups à venir dans sa tête. Les grands maîtres peuvent envisager environ 100 mouvements à venir. Comme le souligne Maxime Vachier-Lagrave, « loin d’analyser tous les coups possibles dans une position donnée, nous nous appuyons sur notre expérience, notre intuition, pour décider de ceux qui en valent la peine. […] En partant de la position, notre subconscient se nourrit des thèmes rencontrés dans le passé, ce qui nous aide à trouver la bonne continuation » (21).
Comme le résume aussi très bien Anatoly Karpov : « Je crois qu’il existe des manières très spécifiques de jouer efficacement contre une machine. Évidemment, nous n’avons aucune chance en technique pure, parce que l’ordinateur calcule de manière parfaite. Mais lorsque nous faisons appel à notre cerveau, en utilisant l’intuition et la compréhension, alors nous restons beaucoup plus forts ». La puissance de l’intuition prend toute sa dimension en parties dites blitz, où la puissance du calcul s’en trouve fortement réduite par les délais de réflexion contraints et, par conséquent, l’intuition placée au cœur de la décision.
Pour autant, la réalité d’une crise s’avère bien plus complexe qu’un jeu d’échecs : si le mouvement des pièces aux échecs est limité, paramétré et connu de tous les acteurs, les paramètres d’une gestion de crise sont non quantifiables et quasi illimités. Dès lors, si le raisonnement ne permet pas à l’être humain d’appréhender totalement une partie d’échecs par son incapacité à calculer, il serait illusoire de croire qu’il en soit différent pour résoudre une crise. Car, comme le démontre Marius Bertolucci (22), l’intuition est plus performante sur des tâches non-décomposables, sur des objets de décision peu structurés tels que la stratégie ou le management.
L’intuition permet ainsi un calcul et une mise en équation immédiats et apparaît comme une accélératrice du traitement de l’information. Or, une des caractéristiques des crises, c’est la nécessité de prendre des décisions rapidement. Le facteur temps reste le premier adversaire du décideur et tout retard dans la réalisation de certains actes peut engendrer un risque d’aggravation de la situation, voire de rupture.
Quatrième facteur, l’intuition s’affranchit de renseignements précis et de méthode de raisonnement. Une vaste étude (23) portant sur 3 000 dirigeants aux États-Unis a permis de recenser cinq situations dans lesquelles le recours aux capacités intuitives semble être le plus fréquent chez les cadres supérieurs. Un niveau d’incertitude élevé figure en tout premier lieu. Ce positionnement s’explique aisément. La démarche analytique s’avère en effet adaptée à un problème auquel on peut appliquer une solution mathématique ou algorithmique. Mais pour cela, il faut connaître toutes les données initiales, les règles, les paramètres, comme aux échecs. Or, le propre d’une crise c’est le brouillard clausewitzien, qui se traduit par le manque de renseignements, c’est-à-dire l’absence de données ainsi que l’absence de règles claires, de mathématisation de la solution, donc d’algorithme.
Prenons l’exemple d’un joueur de ping-pong A qui doit renvoyer une balle à laquelle l’adversaire B aurait donné un effet. Le joueur A se comporte comme s’il avait résolu une multitude d’équations pour prédire la trajectoire de la balle, sa vélocité et sa distance initiales rendues compliquées par ailleurs par le rebond et l’effet donné par B. Simultanément, A doit notamment garder l’équilibre en se déplaçant, calculer le positionnement de tout son corps et le mouvement qu’il devra donner à son bras et à sa raquette. À ce jour, aucun ordinateur n’est en mesure de modéliser de telles équations ! Pourtant, en une fraction de seconde, A parvient à résoudre ce problème mathématique complexe.
Par ailleurs, l’environnement d’une crise n’est pas stable et les données ne sont pas toujours fiables et souvent incomplètes. La puissance de l’intuition réside aussi dans cette capacité d’anticipation d’une situation difficile à extrapoler, à quantifier ou à probabiliser.
Enfin, l’intuition permet de détecter des anomalies subtiles dans un argumentaire par exemple et nous aviser qu’il y a une erreur dans le raisonnement, comme toute personne peut détecter une erreur de syntaxe ou d’accord dans une phrase sans pour autant pouvoir expliquer spontanément pourquoi il y a une faute.
Cinquièmement, l’intuition s’adapte aux situations très évolutives. Comme nous l’avons vu, l’intuition est une forme d’intelligence qui trouve toute sa puissance dans un environnement mouvant tel que celui d’une crise. Elle permet en effet de réagir vite, dans les situations où la réflexion est quasi impossible. Pour cela, le cerveau pratique en quelques secondes un balayage superficiel, une sorte de « scan » de la situation qui permet de synthétiser des informations à partir de bribes d’informations sensorielles. De plus, notre intuition est connectée à notre banque de données sensorielles, toujours en mouvement, et s’adapte en permanence pour percevoir le moindre changement. Or, l’être humain n’arrive pas à produire des outils sophistiqués d’aide à la prise de décision de manière aussi rapide que l’évolution de l’environnement. Aussi, contrairement à l’intuition, les différents instruments et méthodes préétablies de prise de décision sont incapables de définir une situation complète et perpétuellement changeante.
L’interception de véhicules « go fast » (24) par exemple nécessite une intelligence intuitive par tous les acteurs du fait de l’évolution extrêmement rapide des situations (demi-tour sur autoroutes, percussions de véhicules, changements d’allure, etc.). Au cours d’une opération près du viaduc de Millau (25) menée par le Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), le succès de la mission a reposé sur une préparation minutieuse, la prise en considération, en amont, d’une multitude de cas non conformes, la parfaite coordination opérationnelle, la mise en œuvre de moyens adaptés et des actions individuelles. Il est apparu lors du débriefing que ces actes individuels s’étaient tous avérés extrêmement judicieux, qu’ils étaient intuitifs et non pas guidés par une analyse rationnelle puisque pris en des fractions de seconde.
Marius Bertolucci cite un autre exemple (26) révélateur de la puissance de l’intuition en situation évolutive et de temps contraint, relatant les prises de décision successives d’un capitaine des pompiers. A posteriori, toutes s’avéraient extrêmement judicieuses mais il restait incapable de justifier ses choix tactiques, par ailleurs souvent contraires aux protocoles habituels, notamment le choix d’intervenir sans les renforts. Au final, ses intuitions auront permis de sauver plusieurs vies humaines.
Dernièrement, l’intuition limite les effets de groupe et leurs biais cognitifs. Si la décision reste un fait individuel, en gestion de crise, comme souligné plus haut, ce choix de commandement se prend après concertation d’une collectivité qui apporte des arguments contraires de manière structurée, ce qui constitue à la fois la force et la faiblesse de l’intelligence rationnelle. Or, si la décision pèse sur le groupe et s’impose à lui, force est de constater que le groupe influence sur la prise de décision individuelle du chef.
En Cellule interministérielle de crise (CIC) (27) par exemple, chaque ministère fait valoir ses propres intérêts, par le prisme de son secteur de responsabilité. Ainsi, le ministère de la Transition écologique et Solidaire va faire ressortir les risques liés à l’environnement, celui des Finances va mettre en exergue le coût des décisions, tandis que celui de l’Éducation nationale va se focaliser sur les milieux scolaires. Ces trois acteurs, parmi la vingtaine d’autres, vont ainsi avancer auprès du chef de la CIC leurs arguments, mais ils peuvent diverger, voire s’opposer. Il en est de même dans un groupe de planification pour les opérations militaires. Face à ces éléments souvent contradictoires, il est extrêmement difficile pour le chef de prendre une décision objective surtout quand il s’agit de quantifier et d’arbitrer entre un risque environnemental grave, un coût financier exorbitant ou la préservation de vies d’enfants.
De plus, comme le rappelle Olivier Sibony (28), de nombreux biais cognitifs vont interférer dans la prise de décision, tels que le principe de solidarité avec son groupe qui amène à prendre une décision que l’on n’aurait pas prise au plan personnel ; le biais de cascade qui fait que la décision prise dépend de l’ordre dans lequel les expressions sont exprimées ; mais aussi celui de la séduction rhétorique, qui fait que la décision retenue sera celle de celui qui l’aura le mieux exprimée ou encore le biais de conformisme qui conduit à penser et agir comme les autres le font.
Au-delà de ces biais cognitifs, il est indéniable que les arguments avancés par un acteur « de poids » seront plus aisément pris en compte par le décideur que ceux d’un autre qui pèse peu dans le groupe, quelles que soient la qualité et la pertinence de ses arguments.
Dès lors, l’intuition du chef trouve toute sa place dans cet écosystème. Elle fait en effet fi de tout biais cognitif lié au groupe puisqu’elle est le résultat d’un travail inconscient individuel, même s’il peut être enrichi par ces échanges collectifs.
Les obstacles à surmonter pour réhabiliter l’intelligence intuitive
Les six leviers de puissance de l’intelligence intuitive en période de crise évoqués ci-dessus ne doivent pas pour autant écarter certains atouts non négligeables de l’analyse rationnelle. Il serait contre-productif, voire dangereux, de faire systématiquement appel à l’intuition pour toute décision. Celle-ci comporte en effet des limites qui permettent de comprendre les freins à son acceptation. Une fois ces contraintes identifiées, des pistes pourront être évoquées pour réhabiliter l’intuition comme moteur de décision en gestion de crise.
Les limites
Première limite, l’intuition n’est pas à la portée de tout décideur. En effet, l’intuition nécessite de solides connaissances et une certaine expérience représentative du réel puisque, comme évoqué supra, elle va chercher les informations nécessaires dans la base de données de l’inconscient. L’intuitif, lorsqu’il a acquis un certain degré de compétences professionnelles, va être armé pour affronter ses craintes, ses doutes, l’absence d’arguments rationnels.
Dans les études menées par Klein et rappelées ci-dessus, si le chef des pompiers a l’intuition qu’il faut évacuer une maison avant qu’elle ne s’effondre sans pouvoir donner d’explications rationnelles, il est démontré a posteriori que cette intuition est née de l’association inconsciente de faits, tels que l’absence de bruit et de nouveaux foyers, caractéristiques d’une structure qui risque de s’écrouler suite à un incendie.
Ce socle encyclopédique rationnel indispensable ne doit pas nécessairement correspondre à des faits strictement similaires puisque l’intuition fonctionne par analogies et recoupements. C’est pourquoi au GIGN, pour favoriser l’émergence de l’intuition en intervention, une grande partie de la formation s’évertue à développer ce socle de données.
Elle s’appuie ainsi sur l’acquisition de schémas tactiques liés à la libération d’otages et repose sur trois piliers que constituent :
– une approche théorique des prises d’otages en fonction des milieux (carcéral, bâtiments, en atmosphère viciée, etc.), des vecteurs (avion, bateau, train, etc.), des individus, etc. ;
– la multiplication des cas concrets et de mises en situation, au plus proche de la réalité tout en variant les cas non conformes ;
– les études de tous les rapports de missions du GIGN depuis sa création ainsi que de toute l’analyse de toutes les prises notables à l’étranger.
C’est ainsi que l’écrivain André Maurois, fin observateur du monde militaire, défend que le commandement est à la fois une science et un art (29). Une science puisque la prise de décision a une composante rationnelle, la MRT, la COPD et la MEDO en sont trois illustrations. Un art, avec l’intuition ; mais pour qu’elle soit opportune, il rappelle qu’il faut maîtriser parfaitement ses gammes : en musique, un débutant est rarement capable de réaliser une improvisation brillante.
Seconde limite de l’intelligence intuitive, elle comprend des risques qui invitent à ne pas toujours y porter une confiance aveugle. Même s’ils restent limités, évoquons sans les détailler les trois suivants :
• Le premier risque réside dans la possibilité que l’intuition occulte une meilleure solution. En effet, si l’intuition laisse spontanément émerger une solution acceptable, rien n’interdit à ce qu’une autre solution, potentiellement plus performante, puisse exister. Pour autant, rien ne permet non plus d’affirmer que le raisonnement a pu faire ressurgir cette hypothétique meilleure solution.
• Le deuxième risque, plus dangereux, serait induit par une intuition aboutissant à des conclusions erronées sur la base de situations proches mais pas identiques, puisque l’intuition élabore inconsciemment son propre raisonnement sur la base de recoupements et d’analogies emmagasinées dans le cerveau.
• Enfin, le troisième risque, lui aussi aux conséquences potentiellement fortement préjudiciables en situation de crise, serait de se faire influencer par ses propres motivations inconscientes. L’intelligence intuitive n’a cependant pas le monopole de ce biais cognitif personnel, rappelé par les psychologues Daniel Simons et Christopher Chabris (30) ; il est tout aussi prégnant au cours d’une analyse rationnelle, avec des motivations personnelles qui peuvent être inconscientes, mais aussi conscientes !
Les freins
Si le décideur est convaincu que l’intuition constitue un levier incommensurable par rapport à l’intelligence rationnelle tout en étant conscient des limites exposées, il paraît nécessaire de se demander pourquoi de nombreux décideurs ne prônent encore que la rationalité dans leurs prises de décision et donc de comprendre quels sont les freins au recours à l’intuition en gestion de crise.
Le premier élément de réponse pourrait être que le chef a besoin de se justifier.
« Si nous cessions de faire tout ce qui ne repose pas sur une bonne raison ou ne peut être justifié,
nous ne tarderions probablement pas à mourir » (Friedrich Hayek, prix Nobel d’économie en 1974).
L’intuition permet au chef de savoir ce qu’il doit faire, sans pour autant percevoir que ce mécanisme décisionnel provient de la comparaison inconsciente entre ses expériences vécues et la situation qu’il ressent. Il aura donc beaucoup de mal à se justifier à ses subordonnés, ses chefs ou ses partenaires puisque lui-même ne sait pas exactement les ressorts profonds l’ayant conduit à cette prise de décision. Or, cette capacité à se justifier et à expliquer, constitue généralement la base de la crédibilité du chef. Il est encore difficilement concevable que le chef puisse décider seul et sans qu’il soit en mesure d’expliquer les bases de sa décision.
Ce besoin de justification pour le chef reste encore plus prégnant face aux risques juridiques, comme le rappelle le colonel Alexis Rougier (31). Or, la judiciarisation ultérieure des crises paraît aujourd’hui quasi inévitable tant les enjeux humains et financiers sont souvent colossaux. Et si mise en cause du chef il y a, son argumentaire juridique devra impérativement reposer sur un exposé du raisonnement qui l’a conduit à telle ou telle prise de décision. Ainsi, lors d’une prise d’otages par exemple, il sera difficile pour le commandant du GIGN d’invoquer l’intuition pour convaincre le préfet que l’auteur ne va pas tuer un ou des otages ; tout comme si ensuite ce choix tactique est porté devant une juridiction pénale, l’argument de l’intuition comme base de la décision pourra paraître comme faible, aussi expérimenté qu’il soit.
Par ailleurs, le raisonnement sécurise la chaîne de décision en y attachant la légalité, indispensable à la crédibilité et à la légitimité. Or, en droit français, les éléments matériels constituent un cadre juridique qui canalise vers la décision à prendre et donc les actes à mener. C’est pourquoi, par exemple, les forces de sécurité intérieures ne sont pas autorisées à fouiller une voiture sur la base d’une intuition, contrairement aux douaniers qui peuvent user de leur célèbre flair. Le Code de procédure pénale impose des faits précis, des raisons objectives qui justifient une telle fouille.
Le second frein au recours à l’intuition semble être celui de deux croyances qui s’attachent à ces différentes formes d’intelligence.
En premier lieu, l’illusion en l’optimalité du raisonnement cartésien, qui laisse penser, à tort comme nous l’avons vu, qu’une bonne décision est le résultat du meilleur choix entre toutes les alternatives possibles. Elle est d’autant plus renforcée quand la décision est importante. Qui est prêt à admettre qu’avant une prise de décision stratégique, toutes les options n’ont pas été envisagées et étudiées dans le détail ? Pourtant, comme évoqué supra, les décisions stratégiques étant complexes, les informations toujours parcellaires, c’est justement celles où l’exhaustivité des solutions potentielles est impossible et où l’intuition constitue un levier décisionnel bien supérieur au raisonnement cartésien. Dès lors, nombreux sont ceux qui préfèrent s’appuyer sur le déroulé d’une méthode avant de prendre toute décision et placent la planification au centre de toute gestion de crise même si elle contribue à inhiber la capacité de décision. Comme le rappelle le général Lecointre : « En réalité, la marge de manœuvre qu’il reste au décideur est relativement faible car l’essentiel de la décision a été préparé en amont. » (32).
Les plus sceptiques pourront noter que les deux seuls psychologues à avoir reçu un prix Nobel en économie, Herbert Simon en 1978 et Daniel Kahneman en 2002, ont été récompensés pour avoir contribué à discréditer le mythe de la prise de décision rationnelle.
La seconde croyance réside dans l’association de l’intuition à l’absence de réflexion ; or, il est contraire à la culture, notamment occidentale, qu’un chef puisse prendre une décision sans avoir réfléchi au préalablement. Ce frein culturel reste bien ancré. Mais, comme rappelé en première partie, l’intuition reste une forme de réflexion, d’intelligence, dont le chemin est différent de celui réservé au raisonnement cartésien. C’est ici confondre l’absence totale de réflexion et l’absence de réflexion quant aux conséquences d’une prise de décision.
En corollaire, l’intuition reste considérée comme une forme d’extralucidité. Le double sens de l’intuition, rappelé en première partie, amplifie ce rejet, puisque sous un même nom, peuvent se comprendre une capacité prémonitoire mais aussi une réelle forme d’intelligence. Par sa double nature, elle entretient une confusion et elle dérange. Aussi, à l’instar des sorcières que l’on brûlait au Moyen-Âge lorsqu’elles prédisaient un malheur, l’intuition est souvent mise au pilori car elle n’est pas en phase avec la pensée traditionnelle.
Les freins au recours à l’intuition du décideur en gestion de crise étant identifiés, il nous reste enfin à déterminer comment les lever afin de pouvoir user sans crainte de toute la puissance de cette capacité intellectuelle.
Une intelligence à réhabiliter
Pour lever le premier frein lié au besoin de justification, l’alternative pourrait consister à ne considérer l’intuition que comme un complément du raisonnement analytique, et non une substitution. L’intelligence intuitive interviendrait en avance de phase mais ne permettrait de prendre une décision qu’après validation par une analyse. C’est d’ailleurs par cette approche que l’intuition est souvent prise en compte comme en témoignent les déclarations du mathématicien Henri Poincaré : « C’est avec l’intuition que nous trouvons et avec la logique que nous prouvons » ou encore du prix Nobel de littérature Romain Rolland : « C’est à l’intelligence d’achever l’œuvre de l’intuition ». Dès lors, l’intuition apporte des idées complémentaires dont la pertinence serait validée en second lieu par une argumentation rationnelle indispensable à la justification toujours demandée. De plus, cette deuxième étape pourrait utilement apporter des éléments quantitatifs, que l’intelligence intuitive ne ferait pas apparaître.
C’est également ainsi que le champion du monde d’échecs Magnus Carlsen dit procéder : « Bien sûr, l’analyse peut parfois donner des résultats plus précis que l’intuition, mais généralement, c’est juste un gros travail de calcul. Je fais généralement ce que mon intuition me dit de faire. Tout le temps que je passe à réfléchir sert juste à confirmer mon intuition. » (33).
Pour autant, la redondance par l’analyse ne sera pas toujours possible, tout particulièrement en situation d’urgence. Dès lors, le décideur n’aura d’alternative que de faire confiance à son intuition.
Enfin, trois pistes sont ici identifiées pour lever le second frein, à savoir celui lié aux croyances : la communication, une incorporation dans le corpus doctrinal militaire et la voie de la recherche et de la formation.
Il paraît nécessaire de continuer à communiquer et à valoriser cette forme d’intelligence qu’est l’intuition, à la démystifier pour lui redonner la place qu’elle mérite. On note en effet une très belle évolution de la perception de l’intuition depuis environ dix ans dans le monde civil. Elle est de plus en plus reconnue et même recommandée dans la société moderne. Les livres sur le sujet fleurissent et des écoles de l’intuition voient le jour pour apprendre à l’améliorer.
La presse n’échappe pas à cet engouement. Ainsi, le mensuel Management a consacré son numéro d’avril 2019 à l’intelligence émotionnelle, Le Figaro a publié le 15 mars 2019 un long article intitulé « L’Intuition, une alliée à apprivoiser » ou encore L’Obs a, le 3 mars 2019 proposé à ses lecteurs un article « Émotion, information, intuition… comment prendre une décision réussie » (34).
Par ailleurs, l’intuition est officiellement affichée comme qualité au sein des cadres dirigeants. Au sein de l’Otan même, un document (35) cite les caractéristiques recherchées d’un chef militaire. Y sont citées pour respectivement des chefs de très haut niveau, de niveau intermédiaire et pour un soldat, entre autres, la créativité, l’intuition et la flexibilité cognitive.
Mais paradoxalement, la sphère des cadres dirigeants ne s’est que très peu intéressée à l’intelligence intuitive. De même, seuls quelques rares militaires se sont emparés du sujet pour l’élaborer en concept ou en doctrine. Citons John Boyd, pilote de chasse et stratège américain, qui a développé au début des années 1960 un concept permettant de formaliser le cycle des décisions. L’outil, désormais célèbre, nommé « cycle de Boyd » ou « boucle OODA » (Observation, Orientation, Décision et Action), permet de savoir quand prendre une décision. Selon Boyd, quatre facteurs permettent à un décideur de remporter une victoire (36) : l’intuition, l’unité, la délégation et les objectifs.
Il est donc proposé d’introduire l’intelligence intuitive dans la phase d’élaboration des ordres et de la traduire en véritable doctrine au sein du monde institutionnel.
Enfin, troisième voie d’exploration pour lever le frein des croyances : la recherche et la formation, sur la base de deux bonnes pratiques qu’il conviendrait de généraliser.
La première nous provient de la marine américaine qui a lancé en 2013 un programme (37) mené par quatre chercheurs pour tester la capacité des militaires à améliorer leur capacité intuitive en mission. L’idée venait en grande partie des témoignages de soldats basés en Irak et en Afghanistan qui ont rapporté des sensations inexpliquées de danger imminent juste avant de tomber dans une embuscade. De telles études pourraient utilement être menées en France.
La seconde, très récente, nous est proposée par le Lycée militaire d’Aix-en-Provence qui a fait le pas d’introduire des sciences cognitives dans la préparation aux concours des grandes écoles (38). Cette démarche novatrice lui a permis par ailleurs de remporter le prix de l’innovation pédagogique en mars 2019 lors du Printemps des universités d’entreprise.
Par ailleurs, la prise de conscience de l’intérêt de ces sciences cognitives, et en tout premier lieu de l’intuition, se propage progressivement au sein des écoles de formation militaires, comme en témoigne l’apparition de modules dédiés à la sensibilisation à l’art ou à la créativité, par exemple au sein de l’École de Guerre ou du CHEM. Il est donc proposé de les systématiser, d’en amplifier le volume horaire et de les structurer.
* * *
Il y a près de 150 ans, Victor Hugo écrivait : « C’est parce que l’intuition est mystérieuse qu’il faut l’écouter ». Aujourd’hui, la science a levé une grande part de son mystère et c’est justement parce qu’elle n’est plus mystérieuse qu’il faut l’écouter. On connaît mieux ses mécanismes, sa puissance potentielle, mais aussi ses limites.
Bien canalisée, elle constitue un facteur clé d’efficacité et de résilience en gestion de crise, plus puissante par de nombreux aspects que l’analyse rationnelle. Pour autant, elle n’en demeure pas moins une capacité intellectuelle oubliée, voire méprisée, par certains chefs.
À l’heure où les cadres dirigeants de l’État sont invités à faire preuve d’agilité intellectuelle en se montrant capables de sortir du cadre (39) et où l’innovation est placée au cœur des priorités du ministère des Armées, il semble opportun de poursuivre la dynamique d’acceptation et de valorisation d’une autre forme d’intelligence qu’est l’intelligence intuitive, de la démystifier et de la considérer comme un allié.
Pour conclure, notons que l’intelligence artificielle de la machine et l’intelligence rationnelle de l’être humain fonctionnent exactement sur le même principe discursif. Mais progressivement, la première, par sa puissance de calcul et algorithmique ainsi que par son accès à un volume colossal de données, dépasse et se substitue à la seconde, dans des domaines aussi divers que stratégiques. Aussi, à moyen ou long terme, il ne restera que peu de place à l’Homme pour faire valoir son intelligence rationnelle face aux robots. Dès lors, il est très probable que seule son intelligence intuitive lui assurera sa survie en tant qu’être pensant et donc sa suprématie face aux machines. Une raison suffisante pour lui accorder la place qu’elle mérite dans notre société.
Éléments de biographie
Agor Weston, Intuition in Organizations: Leading and Managing Productively, Sage Publications, 1989, 288 pages.
Bertolucci Marius, Le rôle de l'intuition dans les processus décisionnels : une étude comparée entre les services de secours et les forces armées (thèse), École doctorale de Sciences économiques et de gestion d'Aix-Marseille, décembre 2016, 479 pages.
Chabris Christopher et Simons Daniel, Le gorille invisible, Le Pommier, 2015, 432 pages.
Champion Alexis et Couval Marie-Estelle, Développez votre intuition : La méthode efficace pour éclairer votre vie, Leduc.s pratique, 2018, 496 pages
Desportes Vincent, Décider dans l’incertitude, Economica, 2004, 200 pages.
Gigerenzer Gerd, Le génie de l’intuition, Belfond, 2009, 324 pages.
Gladwell Malcolm, La force de l’intuition, Robert Laffont, 2006, 300 pages.
Goleman Daniel, L’intelligence émotionnelle, Éditions J’ai lu, 2014, 924 pages.
Maurois André, Dialogues sur le commandement, 1924, Grasset.
Klein Gary, « Sources of Power: How People Make Decisions », MIT Press, 1998, 344 pages.
Richards Chet, Certain to Win: The Strategy of John Boyd, Applied to Business, Xlibris, 2004, 188 pages
Sibony Olivier, Vous allez commettre une terrible erreur ! Combattre les biais cognitifs pour prendre les meilleures décisions, Flammarion, 2019, 384 pages.
Taleb Nassim Nicholas, Le cygne noir, Les Belles lettres, 2017, 608 pages.
Entretiens
Alexis Champion, le 14 mars 2019.
Laurent Vérat, le 16 mars 2019.
Maxime Vachier-Lagrave, le 10 avril 2019.
(1) Entre autres, la Méthode de planification opérationnelle (MPO), la Guidelines for Operational Planning (GOP), la Méthode d’élaboration d’une décision opérationnelle (MEDO), la Comprehensive Operations Planning Directive (COPD) ou la Méthode de raisonnement tactique (MRT).
(2) Lewal Jules Louis, Introduction à la tactique positive, conférence faite le 28 mars 1878, par le général Lewal, J. Dumaine, 1878, 103 pages.
(3) Klein Gary, Sources of Power: How People Make Decisions, MIT Press, 1998, 344 pages.
(4) Sender Elena, « Intuition : le cerveau en roue libre », Sciences et Avenir, n° 827, janvier 2016 (www.sciencesetavenir.fr/).
(5) Ibid.
(6) Écrivain et poète français (1868-1948).
(7) Entretien avec Alexis Champion en date du 14 mars 2019.
(8) Bechara Antoine, Damasio Hanna, Tranel Daniel et Damasio Antonio, « Deciding advantageously before knowing the advantageous strategy », Science, vol. 275, n° 5304, 28 février 1997.
(9) Mossbridge Julia, et al., « Predicting the unpredictable: critical analysis and practical implications of predictive anticipatory activity », Frontiers in Human Neuroscience, vol. 8, n° 146, mars 2014 (www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnhum.2014.00146/full).
(10) CIA, « Project Star Gate », 36 pages (www.cia.gov/library/readingroom/docs/CIA-RDP96-00789R003300210001-2.pdf).
(11) Gladwell Malcolm, La force de l’intuition : prendre la bonne décision en deux secondes, Robert Laffont, 2006 (2005 pour la version originale), 306 pages.
(12) Champion Alexis et Couval Marie-Estelle, Développez votre intuition : La méthode efficace pour éclairer votre vie, Leduc.s pratique, 2018, p. 25.
(13) Joueur d’échecs français, n° 2 mondial en 2017 et 7e score mondial de tous les temps. Entretien avec Maxime Vachier-Lagrave en date du 10 avril 2019.
(14) Jesper Hall, Comment s’entraîner aux échecs, Broché, 2006, 192 pages.
(15) Le blitz (de l’allemand « éclair ») est une partie d’échecs qui consiste à limiter la durée de la réflexion à 5 minutes par joueur pour toute la partie.
(16) Le bullet est un blitz joué avec une minute pour chaque joueur pour toute la partie, soit environ 1 coup/seconde.
(17) Manager de Maxime Vachier-Lagrave et directeur technique national de la Fédération française des échecs de 2005 à 2015. Entretien avec Laurent Vérat en date du 16 mars 2019.
(18) Goleman Daniel, L’intelligence émotionnelle, Éditions J’ai lu, 2014 (1995 pour la version originale du tome I), p. 32-36.
(19) Canet Émilie, Roux Laëtitia et Szpirglas Mathias, « La place de l’intuition dans la décision : le cas des équipes médico-sociales des Conseils généraux », Management et Avenir n° 49, septembre 2011, p. 150-171 (www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2011-9-page-150.htm).
(20) Gosling Samuel D., Ko Sei Jin, Mannarelli Thomas et Morris Margaret E., « A Room With a Cue : Personality Judgments Based on Offices and Bedrooms », Journal of Personality and Social Psychology, vol. 82, n° 3, p. 379-398, 2011 (www.apa.org/pubs/journals/releases/psp-823379.pdf).
(21) Entretien avec Maxime Vachier-Lagrave, op. cit., citant Jesper Hall, op. cit., p. 30.
(22) Bertolucci Marius, Le rôle de l’intuition dans les processus décisionnels : une étude comparée entre les services de secours et les forces armées (thèse), École doctorale de Sciences économiques et de gestion d’Aix-Marseille, décembre 2016, 479 pages.
(23) Agor Weston, Intuition in Organizations: Leading and Managing Productively, Sage Publications, 1989, 288 pages.
(24) Technique utilisée par les trafiquants pour importer des produits stupéfiants avec des véhicules fortement motorisés afin de pouvoir échapper à toute tentative d’interception par les forces de l’ordre ou par d’autres trafiquants.
(25) Ferrand Philippe et Abela Frédéric, « Millau. Les gros dealers piégés par un faux accident », La Dépêche, 4 février 2011 (www.ladepeche.fr/).
(26) Bertolucci Marius, op. cit., p. 254.
(27) Cellule interministérielle de gestion de crise située à Beauvau, placée sous l’autorité du Premier ministre ou d’un ministre qu’il aura désigné.
(28) Sibony Olivier, Vous allez commettre une terrible erreur ! Combattre les biais cognitifs pour prendre les meilleures décisions, Flammarion, 2019, 384 pages.
(29) Maurois André, Dialogues sur le commandement, 1924, Grasset.
(30) Chabris Christopher et Simons Daniel, Le gorille invisible ; Quand nos intuitions nous jouent des tours, Le Pommier, 2015 (2011 pour la version originale), 432 pages.
(31) Article « “Faire Face” : le leadership sous tension », dans ce volume, p. 335-351.
(32) « Table ronde n° 1 – Agir dans l’urgence », Actes du colloque du 1er juin 2012 « Agir dans l’incertitude », Cahier de la Revue Défense Nationale, p. 39 (https://fr.calameo.com/read/000558115ad2e089c5f96).
(33) Sandbu Martin, « Lunch with the FT: Magnus Carlsen », Financial Times, 7 décembre 2012 (www.ft.com/).
(34) Soula Claude, « Émotion, information, intuition… comment prendre une décision “réussie” », L’Obs, 3 mars 2019.
(35) Organisation pour la science et la technologie, Exploring New Command and Control Concepts and Capabilities, Rapport TR-SAS-050, Otan, avril 2007, 310 pages.
(36) Richards Chet, Certain to Win: The Strategy of John Boyd, Applied to Business, Xlibris, 2004, 188 pages.
(37) Cohn Joseph, et al., « Enhancing Intuitive Decision Making through Implicit Learning », Foundations of Augmented Cognition, 7th International Conference, Springer, juillet 2013, p. 401-409.
(38) « Sciences cognitives et classes préparatoires », Collin Formation, 3 septembre 2018 (www.collin-formation.fr/).
(39) Référentiel interministériel des compétences managériales des cadres dirigeants de l’État, mars 2019 (www.gouvernement.fr/).