Dans les conflits modernes, effervescence technologique et brouillard numérique ne garantissent pas d’ascendant décisif sur l’adversaire, à la différence de nos aptitudes à patiemment mailler et modeler les environnements humains locaux, enjeux plus que jamais convoités de compréhension, d’accès aux informations inédites et de perception. Si l’Intelligence artificielle (IA) tient ses promesses d’élever la technologie à des niveaux stupéfiants et opérationnellement pertinents, notre intelligence humaine et notre culture des humanités en assurent un contrepoids apte à dénouer les complexités ésotériques du champ de bataille. Impulsée, tactiquement amplifiée, notre intelligence non artificielle créera des conditions décisives de supériorité par la compréhension, le discernement et l’ascendant cognitif.
Intelligence non artificielle : percer le brouillard de la guerre moderne par les humanités
Alors que l’Intelligence artificielle (IA) parvient à imposer son hyperpuissance algorithmique dans nos cœurs de souveraineté, privés ou collectifs, le philosophe Bernard Dugué déclarait que « l’interaction entre le cerveau humain et l’IA risque de conduire l’homme vers une artificialisation de sa pensée, accompagnée d’une réduction de conscience » (1). Il ne fait aucun doute que le débat sur la place de la conscience humaine, cet ultime pré-carré de l’âme que soulignait l’écrivain François Rabelais (2), ne fera que croître alors que l’exponentialité des prouesses technologiques remettra en question notre aptitude à savoir en tirer profit et à en maîtriser l’application, sans remettre en question la puissance d’intelligence de l’homme, non artificialisée, non artificielle.
Nos armées n’échappent pas à ce dilemme. Loin de conditionner l’ascendant stratégique à une supériorité technologique ou algorithmique, les guerres de demain se joueront davantage sur le terrain de l’intelligence non artificielle, entendue en tant que puissance de compréhension, de discernement, d’influence et de conscience. Elle se révèle décisive pour donner corps à nos ambitions d’ambiguïté stratégique, de surprise opérative, de discrimination décisionnelle et de maîtrise des perceptions.
Le terme d’« intelligence » porte en sa sémantique toute son… intelligence, ou sa richesse. Reconnaissant la puissance des liens et des réseaux, et la compréhension intelligible qu’ils permettent par corrélation, l’intelligence recouvre à elle seule ce que nos fonctions stratégiques distinguent actuellement entre connaissance-compréhension-anticipation d’une part, et influence de l’autre. Renseignement humain, influence en réseaux et au contact physique des nœuds de contestation humaine, formations accrues et continues de nos officiers aux humanités (3) : l’intelligence, non artificielle, ambitionne de donner cohérence à ces enjeux de supériorité stratégique, à l’heure où l’hybridité des conflits se développe et s’enrichit par toute parade contournant le piège de l’ultra-dépendance technologique.
« Scientia potentia est » : la compréhension humaine, cœur de souveraineté
Par son expression devenue inspiration pour certaines unités du renseignement militaire (4), l’homme d’État britannique Francis Bacon identifiait l’accès aux informations, et leur compréhension, comme des leviers déterminants de supériorité stratégique. Le cœur de l’intelligence non artificielle réside dans l’agilité du discernement que seul l’être humain parvient à générer, dans son aptitude à embrasser la complexité d’une situation et à en dégager une compréhensibilité, finalité première du renseignement. L’actuelle complexification drastique des environnements stratégiques et la multiplicité des paramètres physiques et immatériels qui s’entrecroisent, poussent plus que jamais à un sursaut d’intelligibilité.
Les courses aux ruptures technologiques et à la numérisation à outrance s’imposent dans nos priorités capacitaires, notamment par l’intermédiaire d’outils de démultiplication et de hiérarchisation des flux de données hétérogènes. Ces atouts sont incontestables. Ils valorisent la couverture multi-spectre du champ de bataille en optimisant les accès techniques et technologiques, et en maîtrisant la temporalité de l’information à transmettre : immédiate dans le tempo de la prise de décision puis de l’action, différée dès lors qu’il s’agit de requêter dans la mémoire de données accumulées sur le temps long. Il s’agit là, sans débat, de performances décisives pour la supériorité de nos services de renseignement en appui direct de la décision. L’information, recoupée et valorisée, est portée à la connaissance de nos autorités selon la temporalité souhaitée. Analysée, confrontée à la mémoire du temps long que les données accumulées permettent, elle sert la prospective par les récurrences et tendances d’évolution. Dans ces deux situations, relevant du cœur de la fonction stratégique connaissance, compréhension et anticipation, l’IA joue un rôle fondamental par sa technologie d’accélération d’embasement, de tri, de traitement et de recoupement des données.
Certes, l’IA constitue une cause nationale, comme le ministre des Armées l’affirmait lors du lancement de l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de Défense (Amiad (5)). Cependant, l’intelligence non artificielle, considérée sous l’angle de nos aptitudes à nourrir notre compréhension autonome par le maillage de nos accès humains, et par la force de nos intuitions et de nos doutes dans la construction de la décision, en constitue une autre tout aussi fondamentale. « Une bonne puissance militaire est aussi une puissance qui sait comprendre seule. Nous disposons de capacités de renseignement bien plus autonomes qu’avant, mais nous ne sommes qu’au début de l’histoire » (6) : pierre angulaire d’une autonomie d’appréciation que notre ministre identifie justement comme l’un des piliers de la puissance militaire française, le renseignement humain ne s’est rarement autant posé en indispensable pour alimenter et asseoir nos ambitions de compétitivité stratégique. La stratégie militaire générale émise par le Chef d’état-major des armées en septembre 2023 s’engage sur cette voie (7). Sur nos trois « cœurs de souveraineté », le renforcement de notre faculté de compréhension y est d’emblée énoncé, aux côtés des deux autres fondements de puissance et de supériorité que sont notre dissuasion nucléaire et la force de nos ressources humaines de combat.
Si la question de notre « cœur de souveraineté » Compréhension se pose désormais, au point d’intégrer l’intitulé de la fonction stratégique Connaissance et Anticipation, c’est parce que le défi de la guerre moderne est avant tout celui d’un « brouillard numérique » où tous les coups sont permis. Plus communément nommés désinformation, fake news ou deep fakes, les artéfacts numériques se multiplient, se nourrissant directement de notre ultra-dépendance aux outils techniques informationnels. Ainsi, paradoxalement, ce qui constitue notre ambition de supériorité technologique alimente tout autant notre vulnérabilité numérique et donc tactique. Percer ce brouillard numérique, notamment celui de la guerre informationnelle, implique l’audace de miser plus que jamais sur une action délibérée de recherche humaine visant à obtenir la garantie d’une authenticité « première main » dans les informations et observations recueillies. Les agences de presse sont tout autant confrontées à ce défi croissant de savoir recueillir, à leur source, des faits à la véracité irréfutable (8). Aussi le renseignement humain, loin d’être en opposition avec le renseignement d’origine technique (9), dont il offre le complément décisif tout autant qu’il sait s’en nourrir pour calibrer son action de recherche, présente-t-il un outil aussi moderne qu’indépassable dans les défis d’authenticité informationnelle et de compréhension auxquels sont confrontés nos sociétés et nos décideurs.
Au-delà de ce constat, notre ambition d’une autonomie de compréhension et de discernement nécessite surtout d’être déclinée en engagements tangibles, mesurables et orientables. L’adaptation de nos modèles d’armées doit intégrer un élargissement significatif de notre « surface d’adhésion », considérant que la compréhension et la réduction de l’incertitude s’obtiendront davantage par la pluralité du maillage humain que nous consentirons à tisser patiemment, méthodiquement, au contact direct, et physique, des nœuds de complexité et de contestation humaines. C’est d’ailleurs ce « granular understanding » que le général américain David Petraeus s’est efforcé d’impulser et de prioriser dans les campagnes contre-insurrectionnelles qu’il a dirigées en Irak et en Afghanistan (10). L’US Army avait, dès 2007, théorisé une doctrine complète, prometteuse, de Human Terrain System, faisant effort sur le maillage des dynamiques humaines locales par des équipes pluridisciplinaires regroupant des experts civils en sciences sociales et en humanités (11). Bien que visionnaire, originale et empreinte de bon sens, cette stratégie n’aura cependant pas su tenir toutes ses promesses, échouant surtout par insuffisance d’intégration de ces Human Terrain Teams, trop faiblement aguerries, dans des détachements tactiques avancés et exposés de forces spéciales ou conventionnelles (12). Cette amorce de révolution culturelle au sein des forces armées américaines, bien que frappée au coin de l’audace intellectuelle, n’a su tactiquement être prise en relais par une opérationnalisation tangible. Nos alliés américains ont toutefois eu « tort d’avoir raison trop tôt » : le contexte opérationnel à venir devrait donner raison à ce début d’impulsion.
Campagnes de contre-insurrection et conflits hybrides continueront de structurer l’essentiel des guerres de demain. Ils convergent sur un seul et même centre de gravité : les réseaux humains locaux, concentrations d’une complexité qu’il nous faut comprendre, et donc appréhender, mailler et influencer. Pour vaincre et convaincre dans nos espaces de contestation et d’affrontement, c’est par l’intelligence humaine, synchronisation étroite de nos actions de renseignement et d’influence au contact, que nous occuperons le plus efficacement possible le terrain humain local, devenu critère d’ascendant parmi les plus convoités.
Boots on the Ground… Roots Underground : enracinement local, complicité humaine, et influence de temps long
Confiance et complicité se gagnent par des démarches relationnelles de contact, personnalisées et surtout incarnées, établies dans un temps long qu’il nous faut savoir accepter malgré les soubresauts de l’actualité et la tentation du court terme. Ces démarches méthodiques, ciblées et priorisées, permettent à des capteurs humains, parvenus à s’établir dans un cercle de confiance, d’être autant des agents de renseignement que des vecteurs d’influence. La dualité des compétences et des tâches relevant de techniques de renseignement humain (traitement de sources humaines notamment) et de méthodes d’influence relationnelles doit irriguer nos chefs, mais également l’ensemble de nos soldats déployés en opération, au contact d’environnements humains qu’il nous faut savoir subtilement comprendre pour convaincre.
Cette dualité est d’autant plus nécessaire que l’accession à ces cercles de confiance ne s’obtient qu’au prix d’efforts continus, lents, débouchant souvent sur l’exclusivité d’une relation privilégiée accordée à une poignée de capteurs humains. Ces derniers doivent ainsi disposer, en pleine délégation et initiative, des savoir-faire, prérogatives, orientations et outils leur permettant non seulement de capter de l’information de qualité car authentique et inaccessible autrement que par ce travail de complicité, mais également d’influencer leurs interlocuteurs par des procédés informationnels ou normatifs (13). Le maréchal Foch y louerait à juste titre une concentration des efforts ou plutôt, selon la sémantique non-cinétique du renseignement et de l’influence, une concentration des effets, gage de cohérence dans notre ambition de comprendre la complexité (renseigner), tout autant que de se faire comprendre dans la complexité (influencer).
Aussi ces concentrations d’effets doivent-elles s’accompagner d’une politique expéditionnaire redoublant de volontarisme et d’ambitions. Il s’agit, par notre intelligence humaine, de s’enraciner localement pour tisser un réseau d’accès et de complicité non seulement dans les zones de déploiement actuelles de nos forces armées, mais également dans les régions crisogènes, par souci d’anticipation. Conscientes que « gagner la guerre avant la guerre » (14) nécessite de davantage « vulgariser » la réalisation d’effets immatériels tels que le renseignement et l’influence de proximité, en les déclinant à divers échelons d’action, nos armées ont notamment étendu les compétences de recherche humaine bien au-delà du seul cercle des unités spécialisées. Sans la détailler par souci de confidentialité, la recherche humaine s’est restructurée ces dernières années afin d’étendre plus significativement la surface de contact des capteurs humains, et garantir un enracinement aussi diversifié que discret, diffus et insidieux. En établissant des relations de confiance solides, la manœuvre a ainsi permis de générer des accès à des informations d’une authenticité inédite.
Dans leurs ambitions de « faire autrement » au contact d’enjeux sous-régionaux et d’autorités locales, tant en Afrique et au Moyen-Orient que dans des secteurs à intérêt rehaussé comme l’océan Indien, l’Extrême-Orient ou l’Asie centrale, nos armées augmenteront significativement leur capital confiance et donc leur chance de compréhension en multipliant les affectations de longue durée à l’étranger. « Il nous faut visser des partenariats durables » : c’est en ces termes que le ministre des Armées déclamait lui-même cet impératif d’enracinement profond, endurant, auprès de nos partenaires de confiance (15). Actions partenariales et de coopération non pas fugaces et éparses mais s’enracinant dans le temps long, missions de défense quantitativement et qualitativement renforcées, systématisation des formations aux tactiques et techniques relevant des opérations de renseignement humain « avec contact » à l’ensemble des acteurs précités, ces initiatives et opportunités d’enracinement doivent plus que jamais être recherchées. Tissée avec patience (en admettant l’ingratitude d’une relation qui tarde à s’équilibrer, voire qui échoue), avec méthode (en diversifiant les acteurs relais, qu’ils soient locaux ou français), et avec stabilité (en reconnaissant et en optimisant la personnalisation de la relation), cette stratégie de toile d’araignée permettra de résister aux soubresauts des politiques locales. Elle maintiendra ouverts et actifs nos canaux d’information et de dialogue, le plus discrètement possible si nécessaire.
Back to the Future ? Hybridité et « low cost intelligence », un mariage de raison
Au-delà de la référence hollywoodienne, l’expression Back to the Future provoque la réflexion sur la pertinence et la modernité des champs d’action intemporels que porte l’intelligence humaine en dehors de tout artifice technologique, dans le contexte de guerres futures et hybrides où ruse, leurrage, dissimulation, effet de surprise et autres formes de manipulations, notamment psychologiques, façonneront l’ascendant. Les prodigieuses avancées technologiques de nos systèmes de surveillance et de combat, catalysés par des modules d’IA sans cesse évolutifs, convainquent nombre de stratèges d’une inéluctable « transparence du champ de bataille ». Cette assertion pose donc la question du maintien d’une forme d’opacité, ou plus exactement d’un brouillard délibéré, garantissant l’ascendant tactique voire stratégique à celui qui saura déjouer ces outils de transparence. Là se trouve un enjeu central des guerres hybrides du futur : à la course à la transparence du champ de bataille répondra celle aux procédés et artifices permettant de la déjouer, essentiellement à base de tactiques d’une simplicité souvent confondante. Aussi le plus utile des red-teaming n’est-il pas nécessairement de regarder le combat futur à travers le prisme, certes fascinant, des innovations technologiques de rupture, mais plutôt d’identifier les intemporels du combat, parfois « à l’ancienne », souvent décisifs, comme les conflits les plus récents continuent de le prouver, déjouant les pronostics des inconditionnels de la haute technologie.
Le cas emblématique le plus récent remonte au 7 octobre 2023, en Israël. L’imprévisible s’y est produit. L’attaque terroriste perpétrée par le Hamas a prouvé un degré de préparation extrêmement professionnel et méthodique, à la barbe des services de renseignement parmi les plus réputés au monde, sous une surveillance ROIM, ROEM et ROC massive et permanente, malgré des accès ROHUM présumés solides. Même s’il est prématuré d’y clarifier des enseignements, tout porte à confirmer le recours par le Hamas à des techniques de communication totalement « dénumérisées » par messageries manuscrites, au cloisonnement de chacune des phases de planification et de préparation sans aucune perméabilité, puis à une décision de passage à l’acte restreinte à une poignée ultime de leaders, inaccessibles des sources israéliennes infiltrées dans les rangs subordonnés (16). Il semble établi que le Hamas avait peu auparavant transformé ses modalités de préparation tactique, bénéficiant des conseils de partenaires iraniens et russes experts en stratégies hybrides clandestines, insidieuses et quasi-indétectables. L’offensive brutale des forces armées russes en Ukraine le 24 février 2022 est également le résultat d’une stratégie d’ambiguïté qui, tout au long des semaines précédant l’invasion, a plongé les alliés dans une incertitude anxiogène, malgré l’exactitude des observations satellite accumulées au-dessus de la frontière russo-ukrainienne. Aucune des augmentations progressives des volumes de troupes et de systèmes d’armes russes n’a échappé à la vigilance occidentale. À l’instar du chef du Hamas, Vladimir Poutine avait évidemment réservé sa décision de déclenchement de l’offensive au tout dernier moment, dans un cercle de confiance extrêmement restreint. Un seul indice, d’apparence anodine mais décelé en dehors de tout artifice technique, s’est après coup révélé décisif pour confirmer la tendance d’un scénario d’invasion imminente plutôt que celui d’un énième exercice du Kremlin de signalement stratégique : le déploiement de quantités inhabituelles de poches de sang au plus près des troupes russes frontalières. Dévoilé par le renseignement américain 3 semaines avant l’invasion (17), selon une stratégie nouvelle et en essor de diffusion au grand public de renseignements déclassifiés dans l’urgence, l’accès à une telle information ne pouvait être que le fruit d’un travail patient et « enraciné » de renseignement humain, sous la forme d’une source possédant ses accès auprès de services logistiques ou médi-caux russes.
C’est la force et la subtilité des grands compétiteurs face aux enjeux de la guerre moderne : il faut déjà soi-même posséder un solide degré d’investissement et de maîtrise dans les technologies de combat, de renseignement et de communication les plus avancées pour être davantage en capacité d’en identifier les parades et surtout les stratégies de contournement. Ces dernières remettent sur le devant de la scène des subterfuges d’une technicité réduite à sa plus basique expression, mais d’une élaboration humaine et intellectuelle remarquablement sophistiquée. L’intelligence non artificielle prend racine et essor là où l’IA bute en termes d’imprévisibilité et de créativité.
Bien loin d’en sonner le glas ni même de le déclasser, l’hybridité des conflits ainsi que l’effervescence de supériorités technologiques de tous ordres redorent le blason de l’espionnage traditionnel, au contact, dans ce que le capteur humain peut et doit apporter d’irremplaçable, d’indépassable. Son avenir est aussi radieux que la guerre hybride, devenue la forme de conflictualité la plus probable, y compris en préalable à la haute intensité. Les invasions de la Crimée puis du Donbass dès 2014, préparatoires à l’offensive de 2022, l’ont prouvé. Si l’hybridité tactique est un consommateur désinhibé d’outils numériques de lutte informationnelle, son succès se conditionne surtout par l’emploi encore plus audacieux de stratégies d’intelligence humaine. Au-delà du brouillard et de la saturation numériques, souvent à vocation désinformationnelle, renseignement et influence au contact se révèlent plus à même d’aller déceler les stratégies de dissimulation et d’actions difficilement imputables, les failles et leviers psycho-logiques à exploiter à l’encontre d’une faction ou de dirigeants, et bien évidemment les intentions de ces derniers.
Jacques Dewatre, patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de 1993 à 2000, à l’heure du virage numérique et de l’essor exponentiel des sources ouvertes, avait déjà identifié que l’avènement d’une ère informationnelle et ultra-connectée ne marginaliserait nullement les services secrets et leur cœur historique d’espionnage et d’expertise clandestine, mais – bien au contraire – démontrerait l’absolue nécessité des investigations humaines, à même de percer des accès et de porter un regard éclairé, avisé, inaccessible de tout artifice technologique (18). L’ultra-numérisation, la saturation informationnelle et les stratégies de contournement recourues par les services secrets de nos compétiteurs, maîtres de l’hybridité, consacrent ce retour en force de nos services de renseignement dans leur essence et singularité originelles : maîtrise d’œuvre de l’ensemble de la chaîne de valeur d’« intelligence humaine », du recueil de l’information brute et « première main » à sa valorisation par l’analyse recoupée et contextualisée. Reconnaissant que la primauté de l’intelligence humaine dans le renseignement, au-delà de générer d’inévitables biais cognitifs, permet surtout de « dégager du talent » et du « doute vertueux », le général de Montgros, Directeur du renseignement militaire (DRM), identifie à moyen terme une chute de fiabilité du renseignement d’origine source ouverte (19).
À l’heure où nos services se dotent de capacités d’embasement et de traitement des informations multi-sources en volume exponentiel, ce constat est fondamental, en ce qu’il oblige non seulement à qualifier différemment, avec un coefficient de considération sensiblement plus élevé, l’information humainement recueillie et valorisée, au contact. Il enjoint également à créer les conditions organisationnelles et temporelles d’une primauté à l’analyse et à la réflexion humaines, où l’intuition et le doute apportent une nuance et une subtilité discriminantes, moteurs de l’intelligence non artificielle.
Convictions d’humanités (20) : l’intuition et le doute au secours de la guerre moderne
Promouvoir l’intelligence non artificielle, c’est se convaincre de l’importance de ce que les Anglo-Saxons nomment « humanities » dans la construction d’une supériorité stratégique. Ces humanités nous renvoient à nos cours de philosophie, d’histoire et de droit, et à d’autres, plus inhabituels, de sociologie et de psychologie. Il s’agit là de connaissances essentielles qu’il nous faut davantage appréhender pour mieux jouer de la complexité des contextes humains, sociétaux et cognitifs dans lesquels nos responsabilités de chef militaire nous obligent à mener une action de supériorité opérationnelle et décisionnelle, et de contrainte sur l’adversaire. Ces humanités, plus à même de caractériser ce cœur de notre singularité humaine qu’aucune intelligence artificielle ne saurait égaler, nous permettent de mieux façonner et valoriser les forces de notre personnalité, ainsi que la puissance de nos intuitions, celles de nos convictions et de nos doutes. De toute évidence les moins recourues et systématisées dès lors qu’il s’agit d’enseigner à nos officiers la stratégie, art pluridisciplinaire de la victoire, les humanités constituent néanmoins un socle déterminant pour structurer l’esprit de décision du chef autant que sa force mentale, des aptitudes cognitives lui offrant de créer l’impulsion, la différence, l’inattendu et la surprise par la seule prouesse de sa pensée, de ses intuitions, de son expérience.
L’intelligence intuitive constitue une expression fondamentale de cette intelligence non artificielle qui rend inégalable la subtilité du raisonnement humain (21). Aussi Albert Einstein, pourtant héraut du progrès technologique, reconnaissait-il cette supériorité de l’intelligence intuitive, regrettant sa sous-considération : « l’esprit intuitif est un don sacré et l’esprit rationnel est un serviteur fidèle ; nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don ». Forts des recherches multipliées ces dernières décennies sur l’apport de l’intelligence intuitive, notamment au sein des forces armées américaines à des fins de renseignement humain et de processus de prise de décision (exemple du programme Sensemaking de l’US Navy) (22), les neuroscientifiques en ont identifié les mécanismes cérébraux. L’intuition humaine résulte d’un « court-circuit du cerveau » générant une vitesse de connexion neuronale exceptionnelle, s’affranchissant des filtres habituels, et désinhibant l’accès instantané à toutes les informations du cerveau, tant mémorielles que contextuelles (23). Face aux enjeux de la guerre moderne et de ses superpositions de complexités, l’intelligence intuitive, qu’il nous faut encourager et travailler, accroît nos aptitudes cognitives à la décision dans l’incertitude. Cette faculté, singulièrement humaine, qu’aucune IA ne promet de savoir reproduire, prend d’autant plus de relief dès lors qu’il s’agit de tracer une orientation stratégique et de décider malgré l’imbrication croissante d’enjeux, de données et de tâches que le combat hybride et le multi-milieux multi-champs (M2MC) imposeront. Il nous faut dépasser certains travers culturels, au regard de la différence entre l’approche occidentale, qui préfère la rationalité à une intuition trop souvent accusée de générer des biais cognitifs, et l’approche asiatique, qui tire de l’intuition une force « plus puissante que l’intellect » (24). Telle une intelligence non artificielle générative, l’intuition, enrichie de l’expérience, décuple la rapidité de décision, l’adaptabilité (intégration instantanée des sentiments et impressions), l’identification de schémas à partir de tendances émergentes ou d’informations complexes, la créativité (contournement de la pensée logique conventionnelle), la guidance émotionnelle (considération éthique de la prise de décision), l’évaluation des risques, et le renforcement de la confiance.
L’histoire militaire prouve que cette intuition, qualifiée par le dramaturge Henry Bernstein d’« intelligence qui a commis un excès de vitesse », est l’ingrédient aussi fascinant qu’ésotérique des recettes décisionnelles de grands chefs militaires. Napoléon Bonaparte est l’incontournable référence de cette intuition stratégique. Les historiens s’accordent à reconnaître que son intelligence intuitive, décisive dans ses coups de maître de stratège, tels que la victoire d’Austerlitz (1805), était principalement le fruit d’un empirisme consolidé par les retours d’expériences (25) : les siens au combat, mais surtout ceux de l’histoire militaire contemporaine ou ancienne, qu’il n’a cessé d’étudier en profondeur avec méthode, tout autant que la philosophie. Scrutateur éclairé des singularités et des forces de Napoléon, le théoricien prussien Carl von Clausewitz décrit d’ailleurs cette intelligence intuitive de l’Empereur selon quatre étapes : la mémorisation d’expériences tant personnellement vécues que tirées de l’apprentissage de l’histoire, la disponibilité mentale permettant de se libérer de tout préjugé de solutions proposées, le « coup d’œil » ou moment de clarté intellectuelle qui intervient quand l’évidence d’une solution surgit, puis la résolution permettant de l’actionner en décisions tangibles et applicables (26).
Si, parmi les humanités, la culture de l’intuition assoit la singularité du chef militaire face à la complexité croissante des conflits modernes et leurs entrelacs d’incertitudes, la pratique du doute cartésien en prolonge les vertus d’aide à la décision par réduction de l’imprévu. Notre ère d’outrance et d’intoxication informationnelles, et d’exubérance technologique, nous renvoie plus que jamais à la sagacité et à la modernité du doute méthodique enseigné par Descartes, il y a quatre siècles. Au-delà de son « coup d’œil » intuitif, Napoléon, féru de philosophie, avait fait de la gestion du doute et de l’incertitude une inspiration pour magnifier son imprévisibilité tactique : « Il n’y a que deux espèces de plans de campagne : les bons et les mauvais. Les bons échouent presque toujours par des circonstances imprévues qui font souvent réussir les mauvais. » Encourager et travailler le doute, en sachant l’organiser et l’intégrer dans nos processus d’analyse et de décision, semble plus que jamais fondamental pour se prémunir du piège de l’apparente évidence dans lequel les facilités technologiques nous attirent.
Cette culture du doute est notamment développée et structurée dans plusieurs services de renseignement ou d’« intelligence », habitués à penser l’ennemi comme ce dernier, et à imaginer toutes les éventualités de ses actions, surtout les plus inattendues et les moins favorables. C’est le couplage de cette aptitude empathique (intelligence émotionnelle) avec un recours au doute méthodique que les services secrets israéliens ont su optimiser en créant l’unité Makhleket HaBakara, dont la traduction explique le rôle : « Unité de l’Avocat du Diable »… Cette entité atypique, destinée à bousculer toute certitude sur la stratégie adverse, et à explorer des scénarios disruptifs et de contrepied, est récemment sortie de l’ombre lorsque son chef a révélé avoir très précisément prévenu les autorités de Tel-Aviv, en septembre 2023, de l’imminence d’une attaque brutale du Hamas (27). L’histoire a malheureusement prouvé que l’acuité d’intelligence démontrée par Makhleket HaBakara n’a su avoir raison des certitudes forgées par les autorités israéliennes, alors convaincues de la volonté du Hamas de maintenir le calme dans Gaza, confortées par la convergence de renseignements techniques non alarmistes, mais aveugles d’une réalité en train de les contourner.
Aussi un autre contrepied apparaît-il : celui d’une intelligence non artificielle qui, bien qu’accusable d’être source de biais cognitifs par la subjectivité qu’elle induit, en est plutôt un rempart grâce au débat contradictoire qu’elle seule apporte. Et ce débat cartésien, manifestation de notre autonomie de conscience, cœur de l’intelligence humaine, devient vital sur le plan éthique mais surtout juridique, dès lors que l’IA générative impose sa capacité à robotiser et autonomiser la décision d’engagement de la force létale, indépendamment de tout regard humain de discernement, de discrimination, et possiblement de contradiction (28).
Pour une fonction stratégique Intelligence, moteur d’une stratégie hybride nationale cohérente
La guerre hybride, dans sa complexité et son imprévisibilité accrues, et par son art de savoir se nourrir de ce qui échappe aux mécaniques des normes, des conventions et donc des contraintes, propulse au centre des enjeux la conception originelle de l’intelligence, fût-elle humaine, artificielle, intuitive et émotionnelle. L’historien Jules Michelet mentionnait ainsi que « l’intelligence, pour remonter au sens étymologique, inter legere, intelligere, agit lorsqu’elle tire de ce qu’on a senti quelque chose qui ne tombe point sous les sens » (29).
Notre supériorité stratégique reposera plus que jamais sur notre aptitude à valoriser et approfondir ce que chacune des déclinaisons de l’intelligence offre en termes d’appréhension des dynamiques locales, de compréhension des manœuvres adverses hybrides les plus probables mais difficilement décelables, et de consolidation de nos capacités à décider en conscience malgré l’évidence ou la convention établie. Aussi la complémentarité et donc l’addition de ces aptitudes, travaillées et encouragées, permettent-elles de conditionner et optimiser nos capacités humaines de compréhension, d’influence et de décision pour la guerre de demain.
L’intelligence non artificielle n’est en aucun cas un contrepied à l’IA, mais un contrepoids, source d’équilibre. Elle doit s’en nourrir et s’en servir comme d’un catalyseur pour sa pleine expression. Les analystes renseignement des services qui en sont dotés le vivent au quotidien : les logiciels d’IA sont d’une aide exceptionnelle pour se substituer en quelques secondes à l’ingratitude d’un travail jusqu’alors fastidieux de rassemblement, de tri et de retranscription de données hétérogènes, devenues exponentielles. Cette prouesse technologique élargit et favorise considérablement la disponibilité intellectuelle (temps et énergie), et donc la puissance mentale et de réflexion de nos analystes, davantage en capacité d’optimiser la quintessence de leur expertise. À l’image des 300 derniers mètres du combat d’infanterie où, bien souvent, l’issue d’un combat se dénoue, l’intelligence non artificielle reste cet ultime moment, décisif, d’intelligibilité et de conscience qui n’automatise pas le conseil à une autorité ni la prise de décision, mais les éclaire d’un libre arbitre basé sur l’intuition, l’acuité, la maturité professionnelle, l’esprit critique voire la contradiction.
Si la haute intensité en constitue la plus dangereuse des déclinaisons, la guerre de demain devrait davantage être celle de l’hybridité. Les humanités, dans leurs apports militaires, y battront leur pleine mesure (30). Celles-ci prolifèrent depuis quelques années dans les formations universitaires militaires de nos grands compétiteurs : le poids du West Point Humanities Center, et son orientation portée sur la guerre de demain et l’agilité intellectuelle des futurs chefs américains, sert même de source d’inspiration pour les académies militaires chinoises. L’enjeu de l’enseignement de ces humanités tout au long des carrières d’officiers (psychologie et sciences comportementales, sociologie, philosophie, droit, études culturelles, sciences de la communication et des médias) est celui d’une préparation sensiblement accrue de nos leaders militaires aux réalités des vrais combats qui désormais comptent : guerres informationnelles et de perceptions, batailles de narratifs et de postures, constructions sur le temps long d’accès partenariaux de confiance, stratégies de dissimulation et de surprise, méthodes de planification opérationnelles sensiblement plus créatives par confrontation d’idées disruptives.
Notre Revue nationale stratégique (31) s’est emparée des enjeux d’appréciation autonome et d’influence comme étant deux fonctions décisives pour mieux anticiper les crises et les ruptures stratégiques, et fortifier notre aptitude à contrer et surtout retourner l’agressivité hybride, notamment informationnelle. Aussi nos exigences de compréhension et d’influence sont-elles consubstantielles, se nourrissant l’une de l’autre, et relevant de stratégies d’accès de temps long complémentaires voire superposées. Leur caractérisation selon deux fonctions stratégiques maintenues distinctes pose donc question. Dénominateur commun de nos ambitions renforcées de renseignement et d’influence, donc d’une maîtrise de l’information fût-elle recueillie ou diffusée, l’intelligence, érigée en fonction stratégique, pourrait à elle seule englober celles relevant d’une part de la connaissance-compréhension-anticipation, et d’autre part de l’influence. Cette considération de l’intelligence, comme trait d’union et de cohérence entre le renseignement et l’influence, renvoie d’ailleurs au sens originel, et noble, de l’intelligence définie selon le philosophe grec Aristote comme « puissance de connaissance et de jugement, et lieu des idées » (32). Nous connaissons la force de mobilisation des énergies interministérielles et interservices, mais également de ressources, notamment financières et capacitaires, que déclenche l’édification d’une fonction stratégique dans notre stratégie nationale. La corrélation des enjeux d’accès et de traitement de l’information, de guerre des perceptions et de l’ascendant psychologique, mais également de structuration d’une politique ambitieuse d’IA pour les catalyser, appelle à la structuration d’une doctrine nationale d’Intelligence, et de sa déclinaison tactique concrète.
Ainsi érigée au « rang et appellation » de fonction stratégique, l’Intelligence se replacerait au centre du jeu mais surtout des enjeux que promet la guerre de demain : d’une part notre détermination à densifier nos facultés humaines, technologiquement indépassables, de compréhension par-delà tout brouillard numérique et désinformationnel, d’autre part notre force de conviction et de séduction dans nos aires de compétition par le pari de la confiance interpersonnelle et du temps long et, enfin, notre réflexe de contradiction dans le processus de planification et de décision, face à des évidences possiblement trompeuses et leurrées.
De notre intelligence non artificielle dépend notre autonomie de conscience.
(1) Dugué Bernard, « Intelligence sans conscience n’est que ruine de l’homme », 25 septembre 2019 (https://www.linkedin.com/pulse/intelligence-sans-conscience-nest-que-ruine-de-lhomme-bernard-dugu%C3%A9/).
(2) « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » : Rabelais François, Pantagruel (1532).
(3) « Les humanités désignent la diversité irréductible et vitale des manières que l’humanité a de se comprendre elle-même », Worms Frédéric (philosophe et directeur de l’École normale supérieure), « Les humanités font notre humanité », Libération, 14 juin 2018 (https://www.liberation.fr/).
(4) Le 313rd Military Intelligence Battalion, unité de renseignement humain de l’US Army de 1942 à 2006, avait pris pour devise la traduction française des mots de Francis Bacon : « Savoir c’est Pouvoir ».
(5) Lecornu Sébastien, « Déclaration du ministre des Armées, sur l’École polytechnique et l’intelligence artificielle », à Palaiseau le 8 mars 2024 (https://www.vie-publique.fr/).
(6) Lecornu Sébastien, « Discours du ministre des Armées à la communauté chargée des relations internationales du ministère des Armées », École militaire, le 28 février 2024.
(7) « S’appuyer sur une chaîne de renseignement renforcée pour une capacité autonome de compréhension et d’anticipation », Stratégie militaire générale, État-major des armées, Paris, 2023 [accès restreint].
(8) Rencontre du CHEM avec la direction de l’Agence France Presse, Paris, 26 février 2024.
(9) Regroupe les Renseignements d’origine électro-magnétique (ROEM), d’origine image (ROIM), d’origine cyber (ROC) et d’origine sources ouvertes (ROSO).
(10) Barnes Julian E., « Petraeus: U.S. lacks afghan tribal knowledge », Wall Street Journal, 2 septembre 2010.
(11) Les sciences sociales considérées dans le HTS étaient l’anthropologie, l’ethnologie, la sociologie et les sciences comportementales.
(12) Lamb Christopher, Orton James Douglas, Davies Michael C. et Pikulsky Theodore T., Human Terrain Teams: An Organizational Innovation for Sociocultural Knowledge in Irregular Warfare, Institute of World Politics Press, 2013, 308 pages.
(13) Relevant toutes deux de l’influence dite sociale, l’influence informationnelle désigne celle produite sur autrui à travers un narratif précis, et l’influence normative désigne celle amplifiée par l’effet de groupe et la conviction de s’associer à un mouvement collectif, les deux phénomènes étant successivement applicables. Deutsch Morton et Gerard Harold Benjamin, « A study of normative and informational social influences upon individual judgment », Journal of Abnormal Psychology, American Psychological Association, vol. 51, n° 3, novembre 1955, p. 629-636.
(14) Burkhard Thierry, Vision stratégique du Chef d’état-major des armées, EMA, octobre 2021 (https://www.defense.gouv.fr/).
(15) « Discours du ministre des Armées à la communauté chargée des relations internationales du Minarm », op. cit.
(16) Pacchiani Gianluca, « Hamas Leaders Reportedly Communicating Using Handwritten Notes Carried by Runners », The Time of Israel, 24 janvier 2024 (https://www.timesofisrael.com/).
(17) Stewart Phil, Soldatkin Vladimir et Marrow Alexander, « Russian buildup at Ukraine border includes blood for wounded, U.S. official say », Reuters, 29 janvier 2022 (https://www.reuters.com/).
(18) « Dans un monde de plus en plus ouvert, de plus en plus affranchi des contraintes de l’espace et du temps, l’information tend à réduire le domaine d’activité des services de renseignement à l’essentiel, c’est-à-dire la recherche de l’information la plus secrète et la plus inaccessible », Le renseignement stratégique à l’âge de l’information, janvier 1998.
(19) « Demain, avec l’IA générative, l’information source ouverte verra sa fiabilité significativement réduite », Général de corps d’armée Jacques de Montgros, allocution à l’IHEDN, Paris, 1er mars 2024.
(20) Cette expression est inspirée, à dessein, du titre de l’ouvrage La conviction d’humanité, l’éthique du soldat français, Général Benoît Royal, Économica, 2008.
(21) Pour approfondir le sujet des apports de l’intuition dans la décision opérationnelle : Réty Ghislain, « Plaidoyer pour l’intuition en gestion de crise », Un monde en turbulence - Regards du CHEM 2019, Cahier de la RDN (https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article-cahier.php?carticle=157&cidcahier=1188).
(22) Axe David et Gault Matthew, « How U.S. Marines are using ‘Extra-Sensory Perception’ to weaponize intuition », Daily Beast, 30 octobre 2017 (https://www.thedailybeast.com/how-us-marines-are-using-esp-to-weaponize-intuition).
(23) Pons Johann, « Décider dans un monde incertain : la place de l’intuition », 12 février 2024 (https://www.linkedin.com/).
(24) Citation de Steeve Jobs, au retour d’un déplacement en Inde, mentionnée dans Bordenave Richard, « L’intelligence artificielle nous fera-t-elle perdre notre intuition ? », Harvard Business Review, 30 juillet 2023 (https://www.hbrfrance.fr/).
(25) L’historien Bruno Colson écrivait que « l’intuition de Napoléon n’est pas fondée sur l’excès de confiance en soi d’un “grand homme” mais sur une forme d’humilité où il tient compte de l’expérience d’autrui », in Delaye Richard, « Napoléon ou quand les chances et l’intuition deviennent des outils d’aide à la décision », La Tribune, 2 mars 2017 (https://www.latribune.fr/).
(26) Duggan William et Barbero Manuel, « Le merveilleux mystère de l’intuition stratégique », L’Expansion Management Review, n° 130, 2008/3 (https://www.cairn.info/).
(27) « Un haut gradé militaire avait tenté d’avertir du risque d’un assaut du Hamas », Times of Israel, 6 janvier 2024 (https://fr.timesofisrael.com/un-haut-grade-militaire-avait-tente-davertir-du-risque-dun-assaut-du-hamas-media/).
(28) Saxon Dan, Fighting Machines: Autonomous Weapons and Human Dignity, University of Pennsylvania Press, 2021, 264 pages.
(29) Michelet Jules, Introduction à l’histoire universelle, 1840.
(30) « C’est seulement dans les grands moments de crise qu’on se souvient avoir besoin des humanités », Worms Frédéric, « L’impératif des humanités », interview vidéo sur la chaîne Youtube de l’École normale supérieure, janvier 2020 (https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=kDPiQXsD_Y4).
(31) Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), RNS, 2022 (https://www.sgdsn.gouv.fr/publications/revue-nationale-strategique-2022).
(32) Cantin Stanislas, « L’intelligence selon Aristote », Laval théologique et philosophique, vol. 4, n° 2, 1948 (https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/1948-v4-n2-ltp0933/1019808ar/).