Confronté à des évolutions tendancielles de son environnement et de la société, le ministère des Armées recherche un fonctionnement plus souple et plus agile. Face à cette attente, les méthodes de conduite du changement fournissent des outils pertinents pour faire évoluer l’organisation, la culture et les états d’esprit. Issues des sciences sociales et de la gestion d’entreprise, ces méthodes se sont enrichies au cours des dernières décennies pour aboutir au concept actuel de transformation, à la fois permanente et holistique. La mise en œuvre passe par le développement de visions stratégiques, l’émergence de leaders du changement, la consolidation de compétences en conseil interne, et surtout par la capacité à affronter la complexité de façon vertueuse.
S’adapter sans improviser : les enjeux de transformation organisationnelle
Dans les armées, le changement est souvent appréhendé par le prisme de l’innovation technologique, des évolutions doctrinales, de la formation, ou de la réorganisation des structures militaires. L’évolution de l’organisation générale du ministère, des états-majors ou des services communs est souvent peu abordée, perçue comme plus bureaucratique que stratégique ou opérationnelle. Pourtant, la gestion du changement organisationnel, même dans les structures administratives, porte en elle la promesse d’améliorer les comportements collectifs et la culture partagée, au bénéfice potentiel de toute la communauté de défense.
Cet article a pour but d’explorer les concepts du changement organisationnel, en relation avec les évolutions de la société qui affectent le ministère, et de proposer des voies de progrès générales, complémentaires aux réflexions sur les cœurs de métier, et qui puissent s’insérer dans les réflexions actuelles.
La transformation de l’organisation : répondre aux motifs tendanciels
Origines et nécessités de la transformation
Le 13 juillet 2023, dans son discours aux armées (1), le président de la République a appelé à une refonte profonde du modèle organisationnel du ministère des Armées, guidée par l’esprit stratégique, la responsabilité, la subsidiarité, et l’agilité.
Ces paroles questionnent. Les champs d’adaptation et de changement sont vastes : l’adaptation aux nouvelles menaces, les engagements de haute intensité, le développement des capacités d’anticipation, la réflexion stratégique… Certains de ces domaines, moins spécifiquement militaires en apparence, constituent des tendances profondes plus générales de la société et des structures de l’état ; ils méritent qu’on s’y arrête quelques instants.
L’accélération technologique et l’innovation
L’innovation technologique, au cœur des préoccupations de la défense, traverse une période d’évolution rapide et complexe, englobant des domaines comme la robotique, le spatial ou l’Intelligence artificielle (IA). Au-delà du champ technique qui pèse sur les choix capacitaires, c’est l’accélération du tempo qui frappe les esprits. Le cycle de vie de nombreux systèmes a radicalement changé : développement incrémental, évolutions régulières et parfois nombreuses, obsolescence rapide. Dès lors, les enjeux d’innovation en boucle courte, en parallèle des projets de temps long, viennent influer sur les processus de choix ou d’acquisition, les compétences internes ou externes, les relations entre services au sein du ministère et les interactions avec le tissu industriel.
La transformation numérique
Le développement de l’informatique, puis la numérisation des outils et des processus ont considérablement fait évoluer les conditions de travail et d’exercice des missions ces dernières décennies. Cela concerne aussi bien les systèmes de combat, les outils de planification, la cyber-protection, les systèmes de gestion administrative ou logistique, que les outils bureautiques du quotidien. L’évolution rapide des technologies numériques fait porter un risque réel sur l’obsolescence des outils existants, et donc d’un déclassement de nos capacités d’action. La nécessité d’une évolution, avec des enjeux tels que les solutions data-centrées, le cloud-computing, le développement d’outils de mobilité et l’IA, ne fait donc pas débat, mais la mise en œuvre peut sembler incertaine. Au-delà des améliorations techniques, la numérisation questionne aussi le rapport au travail et à la mission, par la modification des méthodes et les capacités de travail collaboratif ou à distance.
De nouveaux facteurs humains
Depuis plusieurs années, les attentes des citoyens français vis-à-vis du travail sont marquées par des évolutions tendancielles importantes, qui se sont accrues depuis la crise pandémique. La quête de sens au travail est devenue une priorité significative ; en parallèle, une plus grande importance est accordée à l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, aux engagements des employeurs sur les enjeux sociaux et environnementaux, à la valorisation des compétences ou à des formes d’autorité plus horizontales. Ainsi, pour de nombreux militaires et agents civils, et a fortiori pour les plus jeunes et les candidats aux recrutements, les exigences de disponibilité, de mobilité, les absences parfois longues loin de la famille, sont moins bien acceptées. L’équilibre de vie, la possibilité de télétravail, la qualité des outils professionnels, la nature des relations hiérarchiques ou fonctionnelles au sein des organisations deviennent ainsi des facteurs primordiaux dans la gestion des ressources humaines et la politique de fidélisation.
S’insérer dans l’environnement public et économique
Même si ses missions de défense armée lui confèrent une singularité et des exigences propres, le ministère des Armées prend sa place dans l’écosystème interministériel et partage en partie les enjeux de transformation des autres services de l’État et des administrations publiques. S’il n’est pas concerné au premier chef par les enjeux de « service à l’usager » qui sont au cœur des transformations de ces dernières années (2), il doit néanmoins s’inscrire dans cette dynamique interministérielle. Bien que cette thématique n’oriente pas au premier chef les choix d’organisation et de transformation du ministère des Armées, il faut considérer qu’une capacité d’interopérabilité avec d’autres services de l’État peut être nécessaire en situation de crise.
De même, alors que les armées ont massivement recours à des entreprises privées pour la fourniture de matériels ou de prestations, il est nécessaire, a minima, de considérer la compatibilité des organisations, des processus, et des orientations stratégiques entre le tissu industriel et les services du ministère (3).
La quête de simplification, de souplesse, de résilience
Comme toute institution de grande ampleur, le ministère des Armées s’est doté d’une organisation complexe, avec des chaînes hiérarchiques et fonctionnelles, des structures de coordination, des processus plus ou moins documentés, et une comitologie couvrant la plupart des domaines d’action du ministère. L’ensemble est parfois perçu comme lourd, voire lent ou déresponsabilisant. Une aspiration à des modes de fonctionnement plus simples, faisant plus de place à la subsidiarité ou à l’initiative, émerge.
De plus, face à la possibilité d’engagements durables sur le sol européen, ou à la multiplication des engagements militaires dans des crises de diverses natures, on cherche également à regagner de la résilience, de la souplesse, de l’épaisseur logistique, là où l’organisation était trop sèchement rationalisée.
Comme beaucoup d’organisations, le ministère se trouve donc face à une nécessité d’apparence simple : évoluer vers un fonctionnement plus souple, développer une culture de l’adaptation qui embrasse à la fois les besoins de simplicité, l’évolution technologie et numérique, les transformations de la société et de l’environnement.
Le poids du passé ou la transformation organisationnelle dans la culture collective
Adaptation et transformation dans la culture collective
Face à cette recherche d’adaptation, les armées pourraient être tentées de reproduire des modèles « de terrain » incarnés par le mantra « On improvise, on s’adapte, on domine ! » (4). Si cette approche résonne avec la culture militaire et souligne la valeur de l’adaptabilité et de l’initiative, elle s’avère néanmoins insuffisante : l’adaptation spontanée, bien qu’utile, ne peut se substituer à une véritable préparation, une anticipation stratégique et la définition claire d’objectifs, surtout s’il s’agit du fonctionnement d’un ministère très structuré.
Parallèlement, la tentation de puiser dans les leçons de l’histoire est forte. Les traumatismes et réussites passés, tels que les défaites stratégiques de 1870 et 1940 ou la transformation de l’armée française et de l’industrie d’armement durant la Première Guerre mondiale, offrent des perspectives. Mais l’étude des dysfonctionnements, aveuglements ou réussites de l’histoire, si elle invite nécessairement à un examen critique des structures et méthodes actuelles, ne peut pas suffire à esquisser des évolutions pertinentes pour les armées contemporaines.
Nous allons néanmoins examiner deux réorganisations qui ont concerné spécifiquement la structure interne du ministère. L’une a marqué durablement son organisation, l’autre occupe une place importante dans la mémoire récente.
La transformation structurante des années 1960
La première réorganisation est celle menée à partir de 1961 par Pierre Messmer, ministre des Armées de 1960 à 1969. Étroitement liée à la réforme de la défense nationale au niveau du pouvoir exécutif de la Ve République impulsée par le général de Gaulle, elle vise avant tout à donner au ministre les moyens d’exercer toute son autorité sur l’ensemble de son ministère. Au moyen de dizaines de décrets, l’organisation du ministère est profondément transformée. Les effets les plus visibles sont l’émergence du Chef d’état-major des armées comme plus haute autorité militaire, le rétablissement d’un Secrétaire général pour l’administration, la création de la Délégation ministérielle pour l’armement (DMA qui deviendra la DGA en 1977), et le positionnement de structures de prospective, d’évaluation et de communication directement rattachées au ministre. La restructuration se diffuse également dans toutes les strates du ministère, avec le regroupement de services, puis la fusion de différents corps de personnels.
Cette réforme, qui s’est poursuivie sur une dizaine d’années, a construit une structure organisationnelle toujours largement présente dans le ministère actuel. Imposée « par le haut », elle a été la résultante d’une volonté politique forte (celle du président de la République et de son ministre des Armées) dans un contexte d’évolution de la conflictualité (fin de la guerre d’Algérie, guerre froide, développement de la dissuasion nucléaire française).
La RGPP : une réforme réussie mais mal digérée
La seconde est la réforme initiée en 2008, qui vise à adapter les forces armées à un contexte de contraintes budgétaires et à une nouvelle vision stratégique définie par l’actualisation du Livre blanc (5), tout en s’inscrivant dans un mouvement plus large de modernisation de l’État et de Révision générale des politiques publiques (RGPP). Avec pour objectif d’optimiser les dépenses en réduisant les coûts de « soutien » et en redirigeant les ressources financières vers les « opérations », elle s’est concrétisée par une mutualisation des Directions et services de soutien, et la création des Bases de Défense, conçues pour mutualiser et coordonner les services à l’échelle territoriale.
Conduite sous une pression politique forte, avec notamment un engagement vigoureux du président Nicolas Sarkozy, cette réforme a permis de conserver un « modèle d’armée complet » tout en réduisant significativement les effectifs et les dépenses. Elle peut donc légitimement être considérée comme réussite vis-à-vis des objectifs fixés. Son bilan est néanmoins généralement considéré comme mitigé : les changements organisationnels opérés ont été souvent perçus comme une perte d’autonomie du commandement, une augmentation de la complexité, voire une remise en cause de l’identité militaire. Ils ont également parfois contribué à entretenir une défiance de principe vis-à-vis de méthodes d’organisation ou de management issus du monde de l’entreprise ou des autres secteurs publics.
Et maintenant ?
Ce bref examen historique permet de nous recentrer sur les enjeux réels des besoins de transformation actuels. L’évolution de la conflictualité est là, la volonté politique aussi, mais les contextes ou nécessités sont bien différents (6). L’enjeu actuel est, en parallèle de l’adaptation des forces, de mettre en œuvre des évolutions réelles dans les principaux domaines de changements que nous avons parcourus au début de cet article. Face à ce besoin, il faut se garder des solutions toutes faites (7), en modifiant uniquement les organigrammes. L’expérience des réformes menées entre 2008 et 2014 nous a d’ailleurs rappelé qu’une organisation bien pensée, rationnellement structurée, avec des chaînes hiérarchiques et fonctionnelles claires et dotées d’organes de pilotage et de coordination, ne fonctionnait pas nécessairement comme prévu.
Pour cela, les méthodes de conduite du changement développées depuis plusieurs décennies, à partir d’apports des sciences humaines et des pratiques de management, proposent des éléments nécessaires et même indispensables pour conforter la réflexion, arrêter une stratégie, préparer et réaliser l’action, c’est-à-dire la mise en œuvre du changement. À bien y regarder, ces méthodes, assez diverses, visent à adapter les organisations en tenant compte de leurs éléments constitutifs, au premier rang desquels des hommes et des femmes, et une culture collective. Qui dira que cela ne nous concerne pas ?
La mécanique du changement : des outils en évolution
Dès la nuit des temps…
La réflexion sur le concept de changement, bien qu’elle soit devenue une préoccupation centrale pour les organisations dans la seconde moitié du XXe siècle, n’est en réalité pas une spécificité récente.
Déjà, dans sa Métaphysique (8), Aristote se penchait sur la nature du changement, et en identifiait quatre causes fondamentales : la cause matérielle, désignant le substrat qui subit le changement ; la cause motrice, représentant l’impulsion ou l’agent déclencheur ; la cause formelle, qui est la forme ou l’essence que prend le changement ; et enfin, la cause finale, soit l’objectif vers lequel le changement tend. Cette perspective antique offre une grille de lecture toujours pertinente pour comprendre les transformations au sein des organisations modernes, en mettant en lumière l’importance d’identifier les raisons et les objectifs du changement pour en guider efficacement la mise en œuvre.
Toutefois, c’est dans les années 1940-1950 que la réflexion sur le changement, spécifiquement appliquée aux organisations, connaîtra une évolution significative. L’essor des sciences de gestion et de la psychologie organisationnelle à cette période marque le début d’une approche systématique et théorisée du changement dans le monde de l’entreprise, transformant profondément la manière dont les organisations abordent l’adaptation et l’innovation face à un environnement en constante évolution.
Les travaux de Kurt Lewin : un nouveau point de départ
L’approche de l’Américain Kurt Lewin, élaborée au milieu du XXe siècle (9), demeure une pierre angulaire dans le champ de la psychologie sociale et a profondément influencé la manière dont les organisations appréhendent le changement aujourd’hui. Psychologue de renom, Lewin a jeté les bases théoriques et méthodologiques de la conduite du changement en prenant en compte le rôle de l’individu au sein des groupes sociaux.
Au cœur de son œuvre, le modèle en trois étapes « dégel, mouvement et regel » propose un schéma pour comprendre et faciliter le changement organisationnel. Il illustre d’abord la nécessité de préparer une organisation au changement (dégel), puis d’engager le processus de changement proprement dit (mouvement), avant de consolider ce nouveau changement comme étant la nouvelle norme (regel). Il souligne l’importance d’une préparation minutieuse et d’un soutien continu pour surmonter la résistance au changement et garantir une transition réussie. Le changement est vu comme un événement particulier de la vie de l’organisation : il la déstabilise puis la conduit vers un nouvel état stabilisé.
Lewin a également mis en avant le concept de « dynamique de groupe », montrant que les comportements individuels sont fortement influencés par les groupes auxquels les individus appartiennent. Cette reconnaissance de l’influence des facteurs sociaux a révolutionné la compréhension du changement organisationnel, en plaçant l’accent sur les valeurs et les attentes collectives plutôt que sur les attributs indivi-duels seuls.
L’une des contributions notables de Lewin est son travail sur la résistance au changement (10). Il a identifié plusieurs causes de résistance, telles que la peur de l’inconnu et l’attachement aux routines, et a suggéré des stratégies pour les surmonter. Parmi elles, la plus emblématique est l’utilisation de « groupes de discussion (11) », où les membres d’une organisation participent activement à la conception et à la mise en œuvre du changement. Cette approche basée sur le dialogue et le partage d’expériences a préfiguré les méthodes collaboratives actuelles de gestion du changement.
Des approches « gestionnaires » et « managériales »
Dans le sillage des travaux de Kurt Lewin, les années 1970 à 1990 ont vu se développer une quantité croissante de « méthodes » de conduite du changement, dans une période d’évolution rapide, marquée par des épisodes de récession économique dans les pays occidentaux, ainsi que le déploiement massif de projets informatiques complexes.
À partir de la base conceptuelle « dégel–mouvement–regel », plusieurs théoriciens ont proposé des modèles nouveaux, certains reprenant et adaptant ce principe en trois phases (12), tandis que d’autres ont développé des cadres multi-étapes plus complexes (13). Ces modèles sont généralement articulés autour d’un diagnostic approfondi en amont, de l’identification et de l’application des leviers de changement (tels que la formation, l’accompagnement et la communication), et d’un pilotage rigoureux en aval. Cette approche « instrumentale » a été particulièrement visible avec le déploiement de grands projets informatiques, où la nécessité de réaligner les processus et les pratiques organisationnelles autour de nouvelles technologies a exigé une gestion du changement structurée et méthodique.
Cependant, dès les années 1990, une réévaluation des approches de changement s’est imposée, tirant les leçons d’échecs réguliers de projets de changement au sein des entreprises. Les limites d’une approche strictement gestionnaire ont conduit à une évolution vers un modèle plus « managérial » mettant l’accent sur l’engagement et le rôle proactif des « managers », à tous les niveaux de l’entreprise, dans le processus de changement. L’universitaire américain John Kotter (14), avec son modèle en huit étapes, a illustré cette transition en mettant en avant l’importance de créer un sentiment d’urgence, de former une coalition dirigeante forte, de développer une vision et une stratégie claires, et d’ancrer de nouvelles approches dans la culture de l’organisation.
Les apports de la sociologie
Pour la conduite du changement, l’approche sociologique des organisations se présente comme une dimension à la fois complémentaire et, dans certains cas, concurrente des approches instrumentales, managériales ou psychologiques. Alors que ces dernières mettent l’accent sur les structures, les processus ou les comportements individuels pour faciliter le changement, l’approche sociologique élargit le spectre d’analyse en mettant en lumière les dynamiques sociales, les jeux de pouvoir et les interactions humaines qui façonnent les organisations.
Au cœur de cette approche sociologique, les travaux de Michel Crozier occupent une place centrale. Dans ses recherches sur les « systèmes bureaucratiques » et les « stratégies des acteurs » au sein des organisations (15), il a mis en évidence la complexité des relations de pouvoir et la capacité des individus à user de leur marge de manœuvre pour influencer le fonctionnement. Ainsi, les organisations ne sont pas simplement des entités mécaniques où le changement peut être imposé de haut en bas ; elles sont plutôt des espaces de négociation et de confrontation entre des acteurs dotés de leurs propres intérêts, objectifs et stratégies (indépendamment de l’organisation hiérarchique).
Cette approche sociologique, loin d’être théorique, conduit à une mise en pratique, qui peut être structurée en trois phases : acquisition de connaissances et travail sur les leviers, prise de décision, mise en œuvre. La spécificité de cette approche n’est donc pas dans la structuration méthodologique (16), mais bien dans l’attention portée à l’ensemble des comportements humains, plutôt qu’à la structure de l’organisation.
Vers un modèle collaboratif
Depuis la fin des années 2010, la conduite du changement subit une nouvelle mutation : sous l’effet cumulé des évolutions sociétales et de la révolution numérique, les démarches « descendantes » montrent clairement leurs limites et conduisent à évoluer vers des approches collaboratives et à internaliser les processus de changement. Cette approche collaborative est basée sur l’engagement et la participation active des employés à tous les niveaux. Le partage des connaissances et la « co-création » deviennent des vecteurs d’innovation et facilitent l’adhésion au changement, tandis que l’internalisation de ces processus marque la volonté des organisations de renforcer leur expertise interne en matière de gestion du changement. En s’appuyant sur des équipes dédiées plutôt que sur des consultants externes, elles aspirent à une meilleure intégration du changement dans leur culture et à une amélioration de leur capacité à s’adapter aux changements de l’environnement.
Ces évolutions soulignent l’importance d’une capacité à changer de manière continue, où flexibilité et résilience deviennent des compétences fondamentales. Les organisations doivent désormais anticiper les changements, réagir promptement aux défis et innover sans cesse pour maintenir leur performance.
La transformation, une perspective plus vaste
Enfin, dans le contexte actuel, marqué par des évolutions rapides des contextes culturel, économique, technologique ou géopolitique, touchant toutes les activités de la société, les phénomènes de changement s’accélèrent encore et prennent une dimension toujours plus complexe : ceux qui ne mutent pas sont en danger de disparition. Face à cette réalité, les méthodes traditionnelles de conduite du changement, conçues pour intervenir à l’échelle de projets spécifiques ou de fonctions délimitées, se heurtent à leurs limites. Elles peinent à appréhender la complexité inhérente à des changements multiples et simultanés, qui interagissent et se renforcent mutuellement.
Pour répondre à cette nouvelle donne, les organisations évoluent vers une approche plus holistique : la gestion de la transformation. Ce passage d’une logique de « changement » à celle de « transformation » reflète un nouveau paradigme : la gestion de la transformation agit à une échelle macroscopique, visant non seulement à adapter les structures, les processus et les technologies, mais également à redéfinir les modèles d’activité, les cultures organisationnelles et les stratégies à long terme. En intégrant cette fonction, les organisations aspirent à une agilité accrue, leur permettant de s’adapter dans un contexte ou l’incertitude domine.
Cette évolution souligne la nécessité pour les organisations de cultiver une capacité à se réinventer en continu ; elle entraîne aussi une prise de conscience des dirigeants : il faut transformer, vite et bien. Dans cette optique, nous proposons cinq orientations générales, qui constituent des points clés pour aborder la transformation. Elles nous semblent notamment adaptées à la situation actuelle des entités du ministère des Armées.
Des priorités pour bien transformer
Pas de transformation sans stratégie
La construction d’une transformation repose sur l’équilibre entre deux concepts apparemment contradictoires : l’agilité et la pensée stratégique. Une des clés réside dans l’identification de « l’essentiel » qui doit rester immuable (les éléments fondamentaux de la mission ou de la culture), tout en envisageant l’évolution de tous les autres aspects. Elle consiste à identifier les besoins de changement et à rechercher des voies pour augmenter la capacité à se transformer.
La stratégie de transformation s’appuie donc sur un diagnostic et sur des observations, nécessairement approfondies, et qui se construisent autour de trois aspects principaux :
– La « philosophie fondamentale » de l’organisation : Sa mission stratégique (le « pourquoi »), ses valeurs fondamentales (le « comment ») et ses intentions stratégiques (le « vers quoi »).
– L’identification des « tendances de fond » : Les évolutions ou orientations auxquelles il est, ou sera, nécessaire de s’adapter.
– Enfin, une évaluation des « comportements organisationnels » : Le caractère plus ou moins endogène (17) de la structure, l’écart entre les pratiques et les processus, la nature des relations internes ou externes, les résistances au chan-gement, et également les possibilités d’implication des parties prenantes.
La pensée stratégique ainsi développée, si elle sert de point de départ à la conception puis au déploiement de la transformation, ne doit pas pour autant être figée. D’abord parce que le contexte et les tendances évoluent ; mais également pour poursuivre la réflexion stratégique pendant la conception et le déploiement, s’assurer de leur pertinence, et y intégrer périodiquement des éléments de retour d’expérience et d’ajustement.
La stratégie de transformation prend généralement la forme d’un « positionnement stratégique », qui formalise le cadrage, puis d’une « feuille de route » qui fixe des solutions et objectifs sur 3 à 5 ans dans différents domaines (ressources, organisation interne, culture organisationnelle…). Cette pratique formelle s’est largement répandue dans le ministère depuis une quinzaine d’années (18). L’évolution de la notion de transformation et le développement d’une culture agile devraient conduire à la faire encore évoluer vers des « portefeuilles de projets de changement », moins rigides, agissant en parallèle dans différents domaines prioritaires, et menés suivant une succession quasi continue.
Les structures de la transformation
Avec des transformations en constante évolution, il est essentiel de doter l’organisation de capacités dédiées à la gestion du changement, sans pour autant complexifier les structures existantes. Ces fonctions s’articulent autour de deux domaines : d’une part la conception et le pilotage ; d’autre part les compétences et expertises « métier » pour le conseil et l’accompagnement des projets (19).
Concernant la conception et le pilotage d’ensemble, ces fonctions sont souvent confiées à un « directeur de la transformation ». Ce choix peut s’avérer inconfortable, dans la mesure où une telle fonction, décorrélée du reste de la structure, n’a finalement que peu de pouvoir en interne. Le plus pertinent est donc d’arrimer la fonction de transformation avec celle en charge de la stratégie de l’organisation (20) (nous avons vu que les deux notions sont intimement liées).
Concernant le conseil et l’accompagnement, ils ont longtemps été confiés à des entreprises de conseil, présentant notamment l’intérêt d’apporter un œil extérieur et une expertise spécifique. Toutefois, sur la durée, on a constaté que cette pratique générait des dérives en termes de coût ou de dépendance. Elle est désormais très encadrée et les organisations publiques ont intérêt à développer des capacités internes (21), ce qui constitue un défi en termes de recrutement et de formation pour constituer le vivier de compétences appropriées.
Au sein du ministère des Armées, cette démarche a été commencée par la création, en 2020, de la Délégation à la transformation et à la performance ministérielle (DTPM), qui compte désormais une trentaine de spécialistes. Face aux nombreux projets de transformation, en cours ou à venir, il semble important d’étoffer cette structure pour aboutir à une capacité utilisable par l’ensemble du ministère.
Le leadership pour penser et incarner la transformation
Dans le cadre de la transformation organisationnelle, le rôle des leaders est central. Ils ne se contentent pas de diriger : ils incarnent la transformation, adoptant des comportements, des actions et des discours alignés sur le cadrage stratégique. Ce faisant, ils deviennent des modèles, facilitant l’acceptation de la transformation parmi les membres de l’organisation, y compris les différents niveaux d’encadrement.
Leur sélection est donc essentielle : elle doit se baser sur leur capacité à guider la transformation, et leur mandat doit être d’une durée suffisante pour garantir la stabilité et la continuité nécessaires au succès des initiatives de changement. Plus que de simples « déclineurs » de stratégies prédéfinies, ces leaders doivent être capables d’ajuster la stratégie en fonction de l’évolution du contexte et des défis rencontrés, et surtout avoir une vision personnelle approfondie, en complément de leurs intuitions (22) (même géniales).
Au-delà de la structuration organisationnelle et de la révision des processus, ces leaders doivent embrasser et promouvoir les aspects « soft » de la transformation tels que le style de commandement, le développement de compétences et la promotion de valeurs partagées. Cette approche globale est essentielle car les transformations les plus réussies sont celles qui agissent sur la culture de l’organisation.
Pour le ministère des Armées, l’émergence des leaders du changement parmi les hauts dirigeants et l’encadrement est une préoccupation d’ampleur. Elle doit nécessairement guider la sélection, la formation et l’accompagnement des cadres civils ou militaires qui en constituent le vivier principal. Pour aller au-delà des critères de compétences et de charisme, des programmes de formation et d’évaluation concernant l’innovation et le changement devraient être davantage développés et valorisés dans les parcours de carrière.
Affronter la complexité
Aborder la complexité dans les organisations est une des préoccupations majeures des organisations actuelles, et en particulier du ministère des Armées. On peut discerner plusieurs aspects de cette « lutte » contre la complexité.
En premier lieu, la simplification normative (23) et organisationnelle représente une action vertueuse, visant à éliminer la complexité artificielle qui alourdit inutilement l’organisation. Bien que nécessaire, cette simplification a une portée limitée ; elle permet de clarifier les processus, ou d’éliminer les directives contradictoires ou superflues, mais n’atteint pas la complexité inhérente à la structure même de l’organisation. Dans de nombreux cas, elle n’aura pas d’effet d’ampleur sur l’atteinte des objectifs de transformation.
Un deuxième aspect consiste à redonner de la subsidiarité à la structure, en distribuant les responsabilités afin que les décisions puissent être prises au plus près « du terrain ». Cependant, cette approche touche principalement la dimension verticale de l’organisation, sans nécessairement toucher à la complexité découlant de la juxtaposition de fonctions « en silos ». Ces silos fonctionnels engendrent des inter-dépendances complexes entre les différentes unités, donnant lieu à des jeux d’acteurs et de pouvoir peu affectés par les seuls ajustements structurels.
Face à ces limites, une approche plus lucide – bien que contre-intuitive – consiste à accepter la complexité organisationnelle comme un fait inévitable et à chercher à la rendre plus vertueuse. Cela implique de reconnaître et de travailler avec la diversité des stratégies individuelles et collectives présentes au sein de l’organisation. Plutôt que de chercher à éradiquer la complexité, cette démarche vise à comprendre et à utiliser la répartition et l’exercice du pouvoir comme des leviers pour améliorer le fonctionnement complexe de l’organisation.
Le ministère s’est assez clairement engagé dans les deux premières approches depuis plusieurs années. Plus timidement, il s’engage également dans la troisième (peut-être même sans en avoir conscience) en appelant à un changement de culture et à un fonctionnement plus collaboratif ou coopératif. Le changement de culture ne se décrétant pas, c’est un travail de longue haleine à entreprendre, en privilégiant pour les premières implémentations, les deux extrémités de la chaîne hiérarchique : les leaders, comme initiateurs et modèles du changement, et les plus bas échelons de terrain, qui sont ceux qui se prêtent le mieux à un travail de groupe pour co-construire des nouveaux modes de collaboration, à une échelle raisonnable.
Renoncer à certaines formes de cohérence
Nous avons mis l’accent sur la définition de la stratégie, l’importance des comportements et des évolutions culturelles ; cela ne signifie pas pour autant que les ajustements structurels soient secondaires. En réalité, deux points méritent une attention particulière, même s’ils semblent à première vue ébranler les fondements d’une organisation rationnelle et cohérente, plutôt que la simplifier.
Le premier consiste à accepter une certaine mesure de flou organisationnel. Cette approche, loin d’être un signe de faiblesse, permet aux différents acteurs de l’organisation de bénéficier d’une marge de manœuvre nécessaire à l’innovation et à l’adaptation. Accepter le flou signifie reconnaître que toutes les situations ne peuvent être entièrement prévues ni réglementées, et que laisser place à l’initiative individuelle et collective peut conduire à des solutions créatives et efficaces (24).
Le deuxième consiste à accepter de négocier des ajustements de périmètres entre services, là où des frictions sont constatées. Ces ajustements, souvent perçus comme des renoncements, sont en réalité des opportunités pour améliorer la fluidité et l’efficacité des processus internes. Si leur négociation peut être ardue, ils favorisent ensuite la collaboration entre services, et peuvent constituer un remède à la démultiplication des structures de coordination et de comitologie.
Ces approches seront sûrement jugées surprenantes par certains, dans un ministère ou l’on attache une grande importance à la cohérence du modèle. Ces pertes limitées de cohérence ne devraient pas être vues comme des remises en cause des champs de responsabilités, mais plutôt comme des gains potentiels de performance, dans une logique collective. Étant négociées, elles sont également révélatrices de la capacité d’agilité et de la volonté d’adaptation des organisations et de leurs leaders.
Conclusion
La transformation organisationnelle, dans sa quête d’adaptation et d’innovation, représente un défi de taille pour toute institution, y compris pour le ministère des Armées. Comme Machiavel l’a souligné il y a des siècles : « Il n’y a pas de chose plus difficile à traiter, ni plus incertaine à réussir, ni plus périlleuse à mettre en place, que d’être l’instigateur d’un nouvel ordre (25). » Toutefois, difficulté, péril et incertitude sont le revers de transformations passionnantes et vitales, que les leaders du changement doivent guider avec agilité, courage et vision.
Au-delà des stratégies et des modèles, c’est l’engagement vers une action collaborative, adaptative et résiliente qui fera la différence. La transformation des organisations est donc bien une question de culture et d’actions collectives, qui concerne l’ensemble de la communauté de défense, et dont chacun doit se saisir.
Éléments de bibliographie
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Schmitt Olivier, « Innover dans les armées : les enjeux du changement militaire », RDN, n° 810, mai 2018, p. 25-29 (https://www.defnat.com/).
(1) Macron Emmanuel, « Discours du président de la République aux armées », 13 juillet 2023 (https://www.elysee.fr/).
(2) Le plan « Action Publique 2022 », conduit entre 2017 et 2022, vise à rendre l’action publique plus proche des citoyens, plus simple et plus efficace, dans le cadre d’une transformation globale. Le ministère des Armées y a pris sa part, avec des chantiers concernant, entre autres, la conduite des opérations d’armement, l’amélioration de la disponibilité des matériels, celle de la chaîne logistique ou de la transformation numérique.
(3) Sur ce point, les transformations et besoins de changement peuvent concerner autant le ministère, acteur public, que le tissu industriel. L’action menée depuis plusieurs mois par la Direction générale de l’armement (DGA), voire par le ministre, auprès des industriels de l’armement, montre que les besoins de transformation sont présents dans l’ensemble de l’écosystème.
(4) « Improvise, adapt, overcome! », devise issue du film Le Maître de Guerre (Heartbreak Ridge) réalisé par Clint Eastwood, sorti en 1986.
(5) Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale, 2008 (https://www.vie-publique.fr/).
(6) Il ne s’agit pas de mettre en cohérence l’organisation du ministère avec une évolution structurante de la politique de défense, comme dans les années 1960. Il s’agit encore moins de réduire le format des armées et de chercher des économies nouvelles.
(7) Solutions telles que l’abandon des organisations « en silo », ou le retour au principe « un homme, une mission, des moyens », séduisantes intellectuellement mais assurément impossibles à généraliser pour toute l’activité du ministère.
(8) Aristote, Métaphysique, Livre V (Delta), Chapitre II, §1013a24-29. Des définitions plus complètes des causes se trouvent également dans la Physique d’Aristote, Tome II, Livre II (De la nature), Chapitre III, §194b23-195a3.
(9) Les travaux de Kurt Lewin (1891-1947) ont en partie été publiés après son décès. Ils ont servi de base à de nombreux travaux ultérieurs en psychologie sociale. L’ouvrage de Florence Allard-Poesi, Kurt Lewin. De la théorie du champ à une science du social (Éditions Management & Société, 2009) offre une vision d’ensemble de ces travaux.
(10) Autissier David et Metais-Wiersch Emily, « Du changement à la transformation », Question de management n° 21, 2018, p. 47.
(11) Également dénommés « focus groups ».
(12) Neal Derrick J., « Change Management. Putting Strategy into Practice », in Cleary Laura R. et McConville Teri (dir.), Managing Defence in a Democracy, Routledge, 2006, p. 238. On peut retenir, par exemple, le modèle « awakening–mobilizing–reinforcing » de Tichy & Devanna (1986).
(13) Autissier D. et Metais-Wiersch E., op. cit, p. 48-49. Neal D.J., op. cit, p. 238-239.
(14) Professeur à la Harvard Business School, John P. Kotter a consacré une large partie de ses travaux à l’étude du leadership et du changement organisationnel. Son ouvrage le plus célèbre, Leading Change (Conduire le changement. Feuille de route en 8 étapes, pour l’édition française), publié pour la première fois en 1996 est encore très pertinent aujourd’hui.
(15) Parmi les nombreux ouvrages de Michel Crozier, Le phénomène bureaucratique (1963, régulièrement réédité depuis) a marqué un tournant dans la compréhension des organisations et des structures bureaucratiques.
(16) On retrouve les trois phases issues du modèle de Lewin et de bien d’autres…
(17) Une organisation « endogène » est structurée principalement autour de ses propres besoins internes, processus et contraintes, plutôt que ceux des acteurs externes. Elle met l’accent sur la manière dont les modalités de travail et les décisions sont ordonnées au sein de l’organisation.
(18) La liste de ces plans de transformation (aux dénominations variées) est longue. Citons par exemple le Plan stratégique de l’Armée de l’air et de l’Espace 2022-2025 « Vaincre par la 3D », ou encore le plan « Impulsion DGA » engagé en 2023.
(19) Le conseil et l’accompagnement sont des composantes indispensables d’un projet de transformation. Envisager de conduire une transformation sans y avoir recours relèverait d’un excès de confiance manifeste dans les équipes dirigeantes de l’organisation.
(20) Dans le cadre d’une transformation à fort impact sur les ressources humaines, il peut être aussi intéressant de confier ce rôle à la DRH.
(21) Au niveau des services de l’État, la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) a été créée en 2015 pour piloter, coordonner et accompagner la transformation de l’administration publique. Elle agit principalement dans le champ de l’amélioration des services publics vis-à-vis des usagers.
(22) La notion d’intuition appelle à la méfiance. Même si elle peut être un guide utile pour comprendre l’environnement (à condition d’être le résultat d’une connaissance mature), elle est un guide moins fiable pour comprendre les tendances de fond (ce qui nécessite une prise de recul accrue).
(23) Notons au passage la situation paradoxale de la norme dans les organisations. Longtemps considérée comme un vecteur de simplicité, la norme fournit des solutions standardisées et éprouvées. Toutefois, le développement de technologies de plus en plus complexes, la généralisation des processus formalisés, les logiques juridiques, et surtout la facilité à produire des textes normatifs apportée par les outils numériques ont conduit à une démultiplication des directives, dans des proportions contre-productives, au sein même des organisations.
(24) Accepter le flou oblige également à être clair sur les objectifs et intentions. C’est donc doublement vertueux.
(25) Machiavel, Le Prince, chapitre VI (« Des principautés nouvelles que l’on acquiert avec ses propres armes et sa valeur »), traduction de Thierry Ménissier, Hatier, 2003.