Introduction
Nous sommes tous des héritiers de mai-juin 40, consciemment ou non, car cet épisode sombre marque désormais au fer rouge notre histoire nationale.
C’est à cette source amère que s’alimente notre posture stratégique, aujourd’hui encore.
L’ordonnance de 1959 sur la défense globale, la réconciliation franco-allemande du Traité de l’Élysée de 1963, la bombe atomique de 1964, tout cela s’explique d’abord par la sidération de la défaite brutale du printemps 40 contre l’Allemagne d’Hitler, 22 ans après la victoire du tenace Clémenceau et de l’inébranlable généralissime Foch sur l’Allemagne de Guillaume II.
Mais aussi la construction européenne, l’exigence d’indépendance nationale et d’autonomie stratégique qui en est la conséquence logique. Et aujourd’hui toujours, la crainte de la surprise stratégique, la volonté d’anticipation, de connaissance, de compréhension du monde qui nous entoure, tout comme la manœuvre stratégique nécessaire pour rompre la fatalité du déclinisme, de l’individualisme et de la division qui guettent les Français dès que les temps se font durs et que la crise s’installe durablement.
Peut-on comprendre aujourd’hui ce qui s’est passé alors ?
Je crains que non, même si l’ensemble des publications récentes éclaire d’un jour assez nouveau cet épisode tragique dont l’interprétation avait été jusqu’ici confisquée par des partis opposés, celui des pétainistes qui voulaient justifier la révolution nationale d’alors et la collaboration qui s’ensuivit et celui des gaullistes qui voulaient magnifier la conduite sans concession mais pas sans combats fratricides du tacticien habile de Montcornet. Sans doute, les études effectuées ailleurs, en Allemagne immédiatement après la défaite française, au Royaume-Uni ou aux États-Unis ont-elles su mieux discerner les faits et faire justice de l’état de préparation opérationnelle des forces françaises d’alors, mais aussi de leurs capacités manœuvrières, de leur efficacité tactique et de leur pugnacité. Mais cette défaite est inscrite désormais dans notre patrimoine stratégique comme une fatalité.
Pourtant la défaite militaire n’était sans doute pas contenue dans le rapport des forces en présence. C’est l’audace servie par la chance d’un côté et l’erreur stratégique majeure du mouvement sur la Belgique de l’autre qui ont provoqué cette stupéfaction à laquelle la France a succombé dans un premier temps.
Pourtant la collaboration avec le pouvoir nazi qui a suivi la défaite et l’armistice n’était pas non plus inévitable. C’est le climat politique délétère du moment qui l’a favorisée autant que la division des Français en clans et en factions opposées dans la période qui a précédé la guerre.
Seule la réaction d’un de Gaulle était sans doute dans l’ordre des choses après le saisissement de la déroute qu’avaient avec lui anticipé quelques uns. C’est dans son raidissement orgueilleux et son tempérament entier qu’il a puisé sa détermination implacable pour dépasser cette débâcle au nom de la plus grande France et utiliser les circonstances pour restaurer le pays dans sa dignité et ses responsabilités. Et on mesure encore aujourd’hui ce qu’il en a coûté d’efforts, de sacrifices et de compromis.
La RDN est dans son rôle en explorant toutes les publications qui traitent de cet épisode clé de la personnalité militaire de la France et en vous proposant une relecture nouvelle avec des contrepoints engagés que suggèrent la variété et l’abondance des travaux récents d’historiens d’aujourd’hui. ♦