Relire mai-juin 1940
Le 70e anniversaire de la campagne de 1940 a été accompagné d’une production littéraire importante qui s’ajoute à la masse des ouvrages déjà parus. Les éditions actuelles donnent des éclairages divers et parfois contradictoires. Ils sont cependant débarrassés pour l’essentiel, sauf exceptions remarquables, de l’a priori idéologique, des pieux mensonges autant que des dénis de réalité. Il est donc possible, à leur lecture, de s’approcher d’une vérité que, dès la fin de la guerre, les plus honnêtes et les plus lucides décrivaient déjà avec une certaine précision.
La nation n’était pas prête. Les Français, traumatisés par les pertes de la Grande Guerre, refusaient d’envisager l’idée même d’un conflit. Devenus, dans leur immense majorité, pacifistes, ils n’acceptaient qu’une stratégie défensive, postée derrière la ligne Maginot. Le personnel politique, ligoté par des manœuvres d’appareils et une succession rapide de gouvernements, se réfugiait dans des consensus mous, désavoués par les fortes personnalités incommodes d’ailleurs rapidement écartées. L’état désastreux des finances interdisait une politique étrangère ambitieuse, d’autant que l’idée même d’une classique alliance de revers, mais avec la Russie des Soviets, était vigoureusement combattue.
La résilience de la société dans son ensemble était faible : l’affrontement idéologique frappait par sa violence, notamment après la victoire du Front populaire, entre une gauche communiste fondamentalement révolutionnaire, soutenue et orientée par l’URSS, et une bourgeoisie largement aveugle et socialement rétrograde. Les scandales à répétition (affaire Stavisky), les désordres budgétaires non résolus depuis la guerre, aggravés par la crise de 1929, et une démographie sans vigueur complétaient cet affligeant tableau. Enfin, on ne rappellera jamais assez que la génération qui aurait dû assurer la relève était couchée dans les cimetières du Nord et de l’Est de la France. Sur le plan militaire, dès 1918, les politiques n’entendaient plus être confrontés à une « dictature militaire » comme celle imposée par Joffre. L’exercice politique a donc consisté à noyer la responsabilité des généraux jusqu’à les rendre impuissants, tout en veillant à les choisir parmi les souples (voir Jean Planchais, Une histoire politique de l’armée 1940-1967). Le haut commandement, âgé, vainqueur de « la dernière » et donc forcément compétent pour la prochaine, restait campé dans les tranchées de Verdun. Il disposait d’une armée partiellement et tardivement équipée, suffisamment retenue pour ne pas risquer d’indisposer regrettablement monsieur Hitler.
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